chapitre 27

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Au moment où il sort de son appartement, Sergueï sort de chez lui et ils descendent l’escalier l’un derrière l’autre. Sergueï se rend à la bibliothèque au rez-de-chaussée de la mairie. Personne ne s’en occupe plus. Au bout du couloir qui fait face à l’entrée, le local est ouvert et abandonné. Des étagères sont pleines de vieux bouquins effondrés les uns sur les autres. Elles portent des étiquettes décolorées : histoire, Bretagne, botanique … Ça sent la poussière et le vieux papier. Il prend un livre de géographie et cherche dans la table des matières les noms commençant par Z …Son coeur bat en parcourant du doigt les colonnes où les noms s’alignent par ordre alphabétique. Il descend en bas de la première page, la tourne et découvre aussitôt, le nom de Zassilievskoïe … et les indications qui vont lui permettre de situer sur la carte à la fin du livre. Il lit des noms : Drochia, Resvani qui n’évoquent rien pour lui et puis en haut de la carte, il trouve Zassilievskoïe, au bord d’un fleuve à la frontière ukrainienne. Il faut qu‘il en sache plus. Il remonte chez lui avec le livre qui n’intéressera plus jamais personne. Il prend une feuille et raconte son histoire puis il ferme l’enveloppe et y inscrit le nom de sa famille et le nom du village. Il ira à la poste tout à l’heure pour l’affranchir. Il pourrait demander à Guillaume qui écrit souvent à des correspondants à Kiev. Mais il sait qu’ils ne sont pas du même bord. Que Guillaume reste à ses rêves !

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Guillaume a eu fort à faire à écouter les récits embrouillés que lui ont fait les enfants : Patrick, le fils du pompier volontaire, soutient que des petits enfants sont morts dans la mer pendant la nuit et Philippe a renchéri. Guillaume les a écoutés sans rien répondre. Il faut entendre les enfants mais il ne faut pas toujours les croire. Ils ont dû rêver cela et se convaincre mutuellement que c’était la réalité. Il n’a pour sa part rien entendu de tel et il les a vite mis au travail comme tous les jours. Avant la fin de la matinée, on chante et le petit Gilles invente une chanson merveilleuse qui parle de la tempête, de la mer, de son pays et des goélands. Guillaume est aux anges. C’est avec les enfants qu’il est à sa place, qu’il est utile pour construire le monde futur ou au moins pour leur donner les années de bonheur qui éclaireront toute leur vie. Il va l’écrire à Fontaine.

Cette semaine, il n’a pas à surveiller la cantine. C’est au tour d’un de ses collègues. Il rentre donc chez lui et en passant au bourg, il achète un bifteck et quelques pommes de terre. Cette parenthèse dans sa journée est si brève qu’il se demande parfois s’il ne ferait pas mieux de rester manger avec les enfants mais le bruit dans ce bâtiment épouvantablement sonore l’assomme littéralement après sa matinée de travail. Il avale son repas et descend reprendre le vélo qu’il a laissé appuyé contre la façade de la mairie. Il lui faudra à peine un quart d’heure pour rejoindre l’école. Sur le sol, des morceaux d’ardoise arrachés du toit par le vent craquent sous ses pas. Soudain une automobile s’engage dans l’allée gravillonnée qui mène à la mairie. Elle est noire et brille de tous les chromes de ses pare-chocs. Elle lui semble étrangère, comme déplacée dans ce lieu.

Elle se gare devant la haie de troènes et un homme en sort. Conforme à son véhicule : grand, couvert d’un ample manteau sombre aux épaules marquées. Parisien visiblement comme l’indique son numéro d’immatriculation. Il monte rapidement les marches du bâtiment et disparaît. Guillaume enfourche son vélo et donne un coup de pédale. Mais, quand il arrive à la hauteur de la vitre arrière de la Peugeot, il jette un coup d’oeil à l’intérieur et reçoit en plein coeur le regard du petit scout qu’il a croisé sur la plage et qui est là blotti contre la glace. À côté de lui se tiennent sa mère et un adolescent qui doit être son frère...

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