J’esquive délibérément sa question.

– Je cherche Monsieur et Madame ALES. Suis-je bien à leur domicile ?

– Oui, vous êtes chez Monsieur ALES. Et je suis sa marraine, je m’occupe de ses enfants. Mais vous, qui êtes-vous ?

– Je suis une ancienne amie. Madame ALES est-elle là ?

– Ma pauvre petite ! vous ne savez donc pas que Mme ALES n’est plus de ce monde depuis trois ans, après le terrible malheur qu’elle a eu ?

– Mon Dieu, non ! Que lui est-il arrivé ?

– Un accident de voiture. Mais la pauvre n’était pas dans son état normal.

Je lui demande tout bas :

– Et la petite ?

– Elle était dans le véhicule avec elle. Elle ne pourra plus jamais marcher, pauvre bout de chou !

– Quelle terrible tragédie ! Quel âge a-t-elle ?

– cinq ans à la fin de ce mois-ci. Et la vôtre ?

Un rapide calcul et je comprends que Lola a été conçue six mois après Élodie. Pourquoi pas après tout ? Ils étaient mariés de toutes les façons. Bien sûr, Michel était malheureux en ménage, il me disait souvent que sa femme était dépressive. Peut-être a-t-il voulu recoller les pots cassés ? Est-ce qu’ils étaient vraiment cassés d’ailleurs ? Sûrement que Michel a menti sur toute la ligne.

Mon regard se tourne vers la petite Lola qui parle avec Élodie. Elles ont l’air de bien s’entendre et sont un peu surprises de se découvrir et d’être si semblables. A cet instant, Lola lève ses yeux sur moi. Je m’approche d’elle.

– Vous êtes ma nouvelle maman ?

– Non, ma chérie, je passais tout simplement.

– Ah, je croyais. Papa cherche une maman, mais il n’en trouve pas ! Il a des tas de copines pourtant !

– Vraiment ? Ne t’inquiète donc pas, ce n’est qu’une question de temps.

Je dois m’en aller. L’air est soudain devenu irrespirable, je sens monter la crise de panique qui s’empare de moi à certaines occasions. L’image de cette petite dans son fauteuil me fait souffrir. Et dire que je voulais me venger ! Comment puis-je le faire maintenant ? Ne l’a-t-il pas eu son châtiment ?

J’attrape ma fille, tellement promptement qu’elle pousse un cri et je dis :

– Madame, je m’excuse de vous avoir dérangée, mais je dois partir. Au revoir !

– Mais, attendez ! Vous ne m’avez rien dit !

Je fais volte-face. J’entends une voiture arriver. Vite ! Vite !

FIN