Ballade nocturne

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Dans cette longue rue déserte, un seul bruit résonne : le son de ses talons noirs claquant contre le bitume glacée de cette nuit froide et humide de novembre.

Accrochés à ses oreilles des écouteurs morts pendent et ne sont reliés à rien. Ils sont comme la couette protectrice contre les monstres de son enfance : une défense bien inutile mais rassurante contre d'éventuels hommes qui viendraient l'aborder. C'est la tactique la moins pire qu'elle ait trouvé pour repousser ses avances inopportunes, harassantes et lassantes. Elle aime d'habitude ces longues marches solitaires de jours ou de nuits, son baladeur crachant un son plus ou moins violent, plus ou moins inspirant, et surtout meublant ses rêveries vagabondes. Elle aime autant ses ballades qu'elle ne supporte pas qu'un inconnu vienne la déranger alors qu'elle est en plein rendez-vous avec elle-même.

Mais la nuit elle préférait rester alerte et attentive au moindre bruit. Comme beaucoup d'autre jeunes filles, elle avait vu petit à petit le loup se faire remplacer dans ses cauchemars enfantins par la silhouette floue et bien plus menaçante d'un inconnu qui la suivait dans une ruelle déserte pour lui faire on ne sait trop quoi. Lorsqu'elle fut en âge de comprendre le mal qu'aurait pu lui vouloir ce fameux inconnu à qui il ne fallait surtout pas parler, il était trop bien trop tard : la peur et l'angoisse coulaient en elle aussi naturellement que le sang et la lymphe dans ses chairs.

C'était pourtant bien dommage, songea-t-elle en contemplant la rue déserte, les maisons silencieuses qui ne se ressemblaient pas et les lampadaires éclairant le trottoir humide de reflets orangés, les nuits pouvaient être si belles... Et puis, il n'y avait personne pour venir vous importuner. Quelles magnifiques histoires elle aurait pu se raconter à elle même avec de la bonne musique pour fond sonore ?
Elle en était là de ses réflexions quand elle arriva à l'embranchement qui donnait sur la rue où se situait son modeste appartement. Elle stoppa sa marche, son cœur s’accéléra et son souffle fut court. La rue était plongée dans les ténèbres. L'éclairage public avait du être coupé ou tombé en panne. La lumière de quelques fenêtres transperçaient bien les ténèbres ci et là, mais elles n'éclairent rien d'autre qu'elles mêmes.

Elle saisit son téléphone dans sa poche et mit l'application lampe torche en route. Il ne lui restait qu'une dizaine de pour cent de batterie mais ce serait bien suffisant pour rejoindre la douceur rassurante de son foyer.

Elle s’engouffra dans les ténèbres légèrement tendue. La lumière du flash de son téléphone allumé n'éclairait pas très loin mais c'était mieux que rien. Les éclairages des villes font bien souvent oublier l'épaisseur de la nuit. Tout en avançant elle se mit à penser à ses ancêtres lointains, images sorties tout droit des illustrations que l'on peut trouver dans les livres pour enfants, recroquevillés sur eux même n'ayant même pas un faible feu pour combattre les ténèbres.


Clac, clac.


La jeune femme se retourna sur elle-même aussitôt. Ce bruit de chaussures claquant sur le bitume, ce n'était pas elle qui l'avait produit ! Elle tendit son bras le plus loin possible pour que le faisceau lumineux balaie la rue le plus largement possible.

Bon sang ! Elle ne voyait rien ! Pourtant elle aurait juré que...

Bah, c'était la nuit qui lui montait à la tête. Voilà tout ! Elle rigola en se retournant : elle avait une trop grande imagination pour son propre bien...
Clac, clac. Elle l'avait entendu à nouveau ! Elle en était sure à présent quelqu'un marchait derrière elle. Mais pourquoi elle ne l'avait pas vu ? Sans éclairages, n'importe quelle personne sensée s'éclairerait avec son portable.

A moins que ce soit un idiot qui s'amuse à faire peur aux jeunes femmes qui auraient l'outrecuidance de rentrer chez elles aussi tard le soir.

Elle se retourna de nouveau et balaya la rue. Aucune autre lumière que celles de son portable et des fenêtres de quelques insomniaques. Tendue comme une bête apeurée elle poursuivit son chemin en accélérant le pas mais sans courir : s'il s'agissait d'un idiot qui s'amusait à l'effrayer elle ne voulait pas lui donner le plaisir de voir sa blague de mauvais goût fonctionner sur elle.


Clac, clac.


Cette fois-ci, elle pivota sur elle-même à toute vitesse.

_Montrez-vous ! C'est pas drôle de faire peur à quelqu'un dans tout ce noir ! Cria-t-elle la voix plus tremblante qu'elle ne l'aurait souhaité. Rien, plus de bruits de talons sur le trottoir. Mais elle ne reprit pas sa route maniant son téléphone pour démasquer l'inconnu qui la suivait dans cette rue sombre.
Clac, clac, clac, clac.
Le choc des talons sur le sol s’accéléra soudainement. Une silhouette flou émergea alors des ténèbres. C'était un homme ou une femme elle n'aurait su dire vu que la silhouette était couverte d'un sweat à capuche épais masquant son visage et la forme de son corps. Il ou elle s'était arrêtait à la limite entre les ténèbres et le faisceau de lumière et ne disait pas un mot.

La jeune femme était saisit d'effroi par cette silhouette silencieuse, si étrange et banale à la fois. Mais pourquoi garder ainsi le silence ? En tout cas, si c'était un plaisantin qui voulait l'effrayer il ou elle avait parfaitement bien réussit son coup.


Clac. Clac. Clac.


La silhouette encapuchonné s'approcha d'elle sans dire le moindre mot. Elle était tétanisée. Ses jambes refusaient de bouger, comme fusionnée dans le bitume.

_Que... que... me voulez vous ? Parvint-elle à balbutier.

Toujours le silence, rien que le silence.


Clac. Clac.

La silhouette était maintenant si proche d'elle qui lui aurait suffit de tendre ses bras vers elle pour la toucher. Celle-ci s'arrêta pourtant. Son visage était toujours dissimulée par sa capuche mais le menton était visible. Elle le balaya pour voir.

Elle recula, effrayée par l'éclat jaunâtre qu'elle vit. Pas de peau ni de chairs pour ce menton, uniquement de l'os.


Bip, bip, bip.


Son téléphone ! Plus de batterie !

Tout était noir ! Elle ne voyait plus rien ! Elle ne pouvait plus La voir !


Clac.

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