Chapitre 12 : Le retour

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Quelques semaines après l’atteinte de l’orbite terrestre, et passés plusieurs jours sur la station ISS 8, nous étions enfin sur Terre ! Les choses allaient devenir compliquées. Nos premiers échanges avec la base terrestre avaient semblé montrer que le vaisseau Vernes III gamma était inconnu au bataillon. Cela n’augurait rien de bon pour Anabella et moi. Nous avions tenté de nous mettre d'accord sur le discours que nous allions adopter une fois sur ISS 8 et surtout une fois sur Terre.

« Bella ? Que crois-tu qu’il va nous arriver une fois au sol ? Visiblement, ils ne nous connaissent pas et semblent n’avoir jamais entendu parler du projet Vernes. Nous sommes des étrangers pour eux désormais.

— J’imagine qu’ils vont nous interroger, pour savoir qui on est et d’où on vient, répondit Anabella.

— Et comment tu vois les choses ? Tu penses qu’on peut leur annoncer fièrement qu’on vient du passé et potentiellement qu’on pourrait y modifier des choses et donc détruire leur présent ?

— J’imagine que non. On peut toujours essayer de leur dire que changer le passé ne détruit pas le présent, que cela crée une seconde ligne temporelle et que pour eux ça ne changera rien.

— Ce n’est pas idiot, répondis-je, mais on ne connait pas du tout ce sujet, alors qu’eux le maitrisent sans doute plus que nous. Il ne faut pas leur dire qu’on vient du passé.

— Okay, mais on vient d’où alors ?

— On pourrait peut-être venir d’un programme spatial européen, tentai-je, on aurait perdu le signal avec notre base et tout ce qu’on veut c’est retourner en Europe. L’explication collera avec nos accents respectifs.

— Moui… Non en fait, on n’est pas sûr que l’Europe existe toujours, et si elle existe, qu’elle s’appelle toujours comme ça, remarqua justement Anabella. On a toutes les chances de se planter. Nous sommes plusieurs siècles dans le futur, prétendre qu’on est de ce monde-là, ça ne passera jamais. Il suffira qu’ils nous posent une seule question, comme le nom du président actuel d’un de nos deux pays et on ne saura pas répondre.

— Alors on est foutus. On ne peut pas mentir.

— On pourrait peut-être dire qu’on appartient à un programme top secret, que nous n’avons pas autorisation d’en parler mais qu’on les remercie de nous être venus en aide.

— Oui c’est pas mal comme idée. Mais comment pourraient ils ne pas être au courant ?

— Ça viendrait d’un autre pays, et puis ensuite, on avisera, on demandera à parler au gouvernement de ce pays.

— Ils vont nous prendre pour des espions. Et puis ça nous ramène à prétendre qu’on connait encore quelques bribes de géopolitique. On a toutes les chances que le pays en question n’existe plus… »

Anabella et moi nous enfoncions dans une impasse totale, incapables de justifier notre présence. Finalement, nous décidâmes d’opter pour l’option « amnésie totale ». Il était question de prétendre qu’on ne savait plus pourquoi nous étions là et qui nous avait envoyé ici, que nous avions dû recevoir un choc pendant le voyage, ce qui n’était pas loin d’être vrai, et que manifestement, nous étions astronautes puisque machinalement, nous savions piloter le vaisseau. Voilà à quoi nous décidions de nous tenir, ce qui était ma foi bien maigre.

De retour sur Terre, à la base spatiale, nous fûmes accueillis par un homme relativement jeune, la trentaine, très grand, brun, au regard bleu acier. C’est lui qui semblait diriger le cortège d’accueil, armé jusqu’aux dents. Les soldats n’avaient pas l’air hostiles, mais dans le doute, ils formaient un mur qui nous faisait comprendre que la confiance était encore à gagner. Ils portaient des casques à visière qui ne laissaient apparaître qu’une très mince partie de leur visage. Le jeune homme, lui, avait le visage découvert. Il nous fit traverser un certain nombre de portiques et de sécurités. Nos premiers pas dans le futur ressemblaient à nos derniers dans le passé, enfin à quelques détails près. Les armes que portaient les soldats qui nous accompagnaient étaient différentes de celles que je connaissais. Vues de face, elles comportaient d’énormes lentilles, comme l’objectif d’une caméra. L’infrastructure que nous avons pénétrée était, d’extérieur, assez commune. Au-dessus des portes de hangar, on pouvait lire « Bienvenue à Egality City ». Mais une fois à l’intérieur, tout semblait différent. Le bâtiment comportait de nombreuses parois composées d’une espèce de plexiglas qui disparaissaient pour nous laisser passer.

Anabella et moi fûmes emmenés dans une salle assez austère aux parois de plexiglas teintées. Au centre il y avait une petite table bleu clair, le même bleu clair que la teinture des parois, et le même bleu clair que celui que je voyais partout depuis que j’avais pénétré le bâtiment. Des chaises, bleues également, fixées à la table étaient disposées tout autour. Rien d’autre ne composait cette pièce minimaliste. On nous servit à manger des espèces de chamallow au goût de poulet et de légumes. La texture était finalement agréable, on sentait qu’il y avait du fromage quelque part ce qui liait bien le tout. Avec ça, un soda dont on pouvait sélectionner le parfum sur la bouteille. Anabella prit « tutti frutti ». Je la soupçonne d’avoir fait ce choix car ce parfum sonnait italien. Quant à moi je choisis « matin de printemps ». J’étais curieux de savoir ce que signifiait ce parfum. Y a-t-il vraiment des gens qui sont déçus et qui trouvent que « un matin de printemps ça n’a pas ce goût-là » ? Bref, ce n’était pas terrible mais nous étions heureux de manger autre chose que de la nourriture lyophilisée. De plus, nous retrouvions la sensibilité de nos papilles gustatives ce qui commençait sérieusement à nous manquer dans l’espace.

Quand nous eûmes mangé, le jeune homme qui nous avait conduit ici et qui n’avait pas pipé mot revint et se présenta.

« Bon retour sur Terre. Je suis SpGe1000 – Connor. Je dirige cette base ainsi que tout ce qui touche de près ou de loin à des opérations spatiales quel qu’en soit l’objectif. J’espère que vous avez bien mangé. Nous savons à quel point les repas terrestres manquent dans l’espace. »

Il marquait des pauses interminables entre chaque phrase et prenait le temps de nous dévisager. Cette attitude installa un malaise qu’il me fut difficile de masquer. Anabella sembla meilleure que moi à ce petit jeu. Il reprit en affichant un grand sourire :

« Je n’ai pas l’honneur de vous connaître. Je connais pourtant tous ceux que ma base envoie dans l’espace. Si vous n’y voyez aucun inconvénient j’aimerais m’entretenir avec chacun d’entre vous, afin que nous fassions connaissance. »

Il tendit le bras à Anabella, paume vers le haut, main légèrement ouverte, pour lui faire signe de se lever et de le suivre. Anabella obtempéra. Sur le seuil de la porte, ou plutôt de la paroi teintée, il se retourna vers moi et conclut :

« Si vous souhaitez manger encore quelque chose ou que vous désirez quoi que ce soit, n’hésitez pas à le demander à Gordon, il va rester ici jusqu’à mon retour. Je n’en ai pas pour longtemps ne vous en faites pas. »

Un jeune homme attendait effectivement de l’autre côté de la paroi. Il était grand lui aussi. Je n’ai pas osé demander autre chose que de l’eau, par peur de dévoiler que je ne connaissais pas les mets courants du monde actuel. J’eus alors le temps d’anticiper les questions que pourrait me poser ce Connor. Son nom était vraiment inhabituel, sans doute parce que l’armée utilise des matricules. Il ne nous a pas demandé nos noms, à aucun moment. Il a pris le soin de ne poser aucune question lorsque nous étions tous les deux. Il s’apprêtait à procéder à un interrogatoire croisé. Heureusement qu’Anabella et moi nous étions mis d’accords sur notre version des faits. Mais de nombreuses indications sur le monde que nous arpentions désormais pouvaient changer la donne. Et sur ce point nous n’avions pas pu nous mettre d’accord. La chose la plus évidente était que la langue avait bien changé. C’était de l’anglais, mais pas le même que celui qu’Anabella et moi pratiquions. De nombreux mots étaient empruntés à d’autres langues que nous connaissions et nous n’avions pas beaucoup d’effort à faire pour le comprendre, cependant notre origine étrangère était aussi évidente que le nez au milieu de la figure. Impossible de passer pour des autochtones. Ainsi commença une longue angoisse à propos de ce qu’Anabella avait bien pu remarquer, sur sa perspicacité, et sur les réponses qu’elle allait donner.

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