Partie 5/8 : Lo sacrifici de la decana (Le sacrifice de la doyenne)

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La tristesse de la découverte laissa place à la panique dans le centre-ville lorsque le cheval inerte, y fut déposé. Des cris de terreurs s’élèvent de chaque côté de la grande place. La sentence cruelle du roi aller prochainement s’abattre et l’un d’eux sera sacrifié.

Personne ne comptait se porter volontaire !

  • Praube de jo ! Qui va prévenir le roi ? entendions-nous de toute part.

La scène qui se jouait au sein du bourg communal était d’un pathétique inouï. Pris de vertiges, certains s’effondrèrent au sol. D’autres s’égosillaient de détresse, secoués par de violents soubresauts de frayeur.

Jamais le village n’a connu une tel désaroi. Même le prêtre ne savait comment contenir ses oilles.

  • Vous, mon père ! s’écria un villageois affolé en direction de l’homme d’Eglise. Peut-être notre bon roi sera-t-il clément avec un envoyé de Diu ?
  • Si cela était si simple, hilh men ! répondit ce dernier. Je me sacrifierai volontiers, mais pour l’Amour de notre Seigneur, je ne peux m’y résoudre. Si je suis décapité, qui confessera mes paroissiens ! Mon rôle est trop utile pour que je prenne le risque !

Assise sur le rebord du puits, la doyenne du village, le dos vouté par les années et les mains appuyées sur son bâton, ne put s’empêcher d’élargir ses lèvres en entendant les paroles du Sent Òmi.

  • Et moi, parièr ! s’enquit un bourru imposant. Je suis l’unique boulanger du village. Sans moi, pas de pain ! Je suis trop utile pour me désigner !
  • E jo, tot parièr ! J’ai six enfants dont deux encore aux seins !
  • E jo, parièr ! Sans mon labour, pas de blé ! je suis indispensable à notre survie.
  • E jo, sans mes forges, pas d’outils pour le labour !
  • E jo, sans mes plantes, pas de médicaments !
  • E jo, sans mes soins, pas de médecine !
  • E jo, sans mes légumes, pas de soupe !
  • E jo

Et ainsi, chacun énonça sa raison évidente et légitime de ne pas être désigner comme le commanditaire de la maudite mission. L’un d’eux devait pourtant s’y contraindre : qu'ei la volontat deu rei !

  • Et si l’on envoyait un dròlle ? suggéra un villageois. Le roi sera peut-être indulgent avec un enfant ?

C'en était trop d’absurdités pour la vieille femme ! Elle se releva habilement du puits sur lequel elle était assise, maitrisant à la perfection ses déficiences.

  • Pegàs, qu'ès tu ! déclara-t-elle désappointée par l’idiotie de son voisin.
  • Vielhòta capborruda ! chuchota dans sa barbe ce dernier, vexé par la remarque de la decana.

Lentement, pas à pas, la doyenne s’avança au centre de la foule et lui fit face.

  • Coardèr*, disions-nous lors de ma jeunesse devant un tel manque de courage ! gronda-t-elle avec douceur. Si aucun de vous n’assume ses responsabilités, alors mieux vaut que je prenne les miennes ! Après tout, poursuit-elle, je ne suis qu’une vielhòta, inutile à la collectivité !

La doyenne fût acclamée avec la même ferveur que le roi le fût jadis. Artés avait son volontaire, à son grand soulagement. Et, qui de plus logique, qu’une personne âgée, improductive aux besoins essentiels de la société !

« Praubes ingrats ! » rit-elle intérieurement devant les courbettes exagérées de ses voisins. Ce soir-là, elle se sentit comme une noble personne, cajolée et servie tel un condamné avant sa mise à mort. Elle écarta néanmoins plusieurs propositions exagérées. S’il y a une chose qu’elle avait appris au fil des ans, c’était de préserver sa dignité.

Les festivités en son honneur furent célébrées toute la nuit durant. La decana avait décidé de ne pas y participer jusqu’à tard, une longue route en carreta l’attendait dès l’aube. En chariot, en effet ! Ces voisins lui avait aimablement proposé de l’accompagner jusqu’au castèth de Pau qu’Henri IV avait rejoint récemment.


* Lacheté

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