59. Fin du weekend

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Oriane

Je fais un dernier tour du salon pour vérifier qu’il ne reste rien de mes méfaits du weekend avant de sortir de la maison. Il va falloir que je fasse rapidement disparaître ce sourire niais sur mon visage, au risque d’avoir l’air de tout sauf d’une femme qui fait un break avec son mari et qui n’a pas vu son fils depuis deux jours et demi…

Bon, évidemment, je culpabilise un peu. Jamais je n’aurais pensé devenir une femme qui trompe son mari. En rentrant à la maison, ce matin, je me suis regardée dans le miroir et je n’ai pas pu m’empêcher de me dévisager avec sévérité. Comment pouvais-je paraître aussi souriante et heureuse dans ces conditions ? Pourtant, quand je compare, et je ne peux faire autrement vu le contexte, Hugo et Louis, je me rends compte que ça n’a jamais été aussi serein et naturel avec mon mari. J’ai conscience que le contexte était très différent au début de notre relation, mais Louis n’a jamais été aussi tendre, attentionné, à l’écoute. Sans parler du sexe… Bon sang, une nuit avec le stripteaseur et je perds totalement la tête.

Je sors de la cour après avoir connecté mon téléphone à ma voiture et lance l’appel que je me retiens de faire depuis que je suis rentrée à la maison. Ma meilleure amie, toujours au taquet près de son téléphone, décroche à la première sonnerie et je souris en entendant sa voix à peine réveillée.

— Bon petit déjeuner, Rach ! Tu vas bien ?

— Coucou ma Chérie. Très bien et toi ? Tu n’as pas donné de nouvelles du weekend, tu as déprimé au fond du lit ou quoi ?

— Heu… pas vraiment, non, pouffé-je avec l’envie de me filer des claques. Disons que j’ai fait de jolies rencontres au marché, et que j’ai passé le weekend en bonne compagnie…

— Tu t’es tapée combien de mecs ? Raconte ! me presse-t-elle tout de suite plus réveillée.

— Passer le weekend en bonne compagnie ne veut pas dire coucher avec des mecs, tu sais ? Mais… possiblement avec un… plusieurs fois.

— Eh bien, ça te réussit, la séparation, dis-donc ! C’est qui ? Je le connais ?

— Évidemment que tu le connais. Si mes souvenirs sont bons, tu voulais qu’il te passe les menottes quand il t’a fait visiter ta maison…

— Oh purée ! Tu t’es encore tapé Hugo ! Et plein de fois ? Combien ? rit-elle. Tu n’as pas perdu de temps, dis-donc !

— Non, mais j’ai clairement perdu le compte des orgasmes, m’esclaffé-je avant de soupirer. Je suis dans la merde, Rach. La femme mariée et la mère veulent sauver leur mariage, et la femme tout court… se dit qu’elle pourrait être heureuse et plus épanouie en divorçant.

— Wow ! Tu as raison, c’est la merde, ça. Moi, je pensais que t’amuser un peu avec Hugo, ça allait te décoincer un poil, te donner du plaisir, faire réagir Louis, mais de là à ce que tu parles de divorce… Je suis sur le cul !

— J’envisage toutes les possibilités… Disons que… l’absence de Louis à la maison ne me pèse pas plus que ça.

— C’est sûrement un signe, ça. Pas forcément celui auquel tu t’attendais en demandant un break à Louis, mais il faut le prendre en compte. Et le weekend sans Robin, ça n’a pas été trop difficile, alors ?

Je soupire en me garant à quelques mètres de l’agence et prends le temps de réfléchir à sa question avant de répondre.

— Disons que si j’avais été seule, ça l’aurait été. Samedi matin, j’en avais déjà marre d’être sans lui. Le plus dur, c’était l’appel du soir. Sérieusement, passer d’un câlin à un coup de fil, trop déprimant. Bref… je t’appelais pour savoir si tu venais toujours déjeuner avec nous, ce midi, à la base.

— Oui, bien sûr ! Mathieu est parti bosser ce matin un peu en retard à cause de moi, pouffe-t-elle. Et je me suis rendormie après. Tu as bien fait de m’appeler, je vais aller me préparer !

— Ça marche. Ramène ton plan de table, qu’on le boucle définitivement ! Je file récupérer mon grand bébé. A tout à l’heure !

Rachel pousse un long soupir avant de me saluer et de raccrocher. Le plan de table, sérieusement, pourquoi s’arracher les cheveux à ce point avec cette connerie ? Je pense que mon amie a pris dix ans rien qu’en essayant de caser les parents de Mathieu qui sont chiants, racistes et juste imbuvables, alors que le couple a tout une bande d’amis très éclectique. Le beau-père de Rachel est métis, en prime. Bref, autant dire qu’on va s’arracher les cheveux.

Je mets tout ça de côté et sors de la voiture avec empressement pour rejoindre l’agence. Quand j’entre, Fabienne et Robin sont installés derrière le comptoir d’accueil en train de rire, et je retrouve mon sourire de Maman. Louis traîne dans la pièce, au téléphone, et me gratifie de son sourire ultra bright commercial alors que mon fils me saute dessus. Comme une droguée, je me repais de son odeur, le couvre de bisous et le retiens contre moi plus que nécessaire.

— Bonjour, Fabienne. Comment allez-vous ?

— Très bien, et vous ? Contente de vous revoir un peu ici, cela faisait un moment !

— Tout va bien, merci, souris-je.

Louis raccroche et approche, le sourire aux lèvres, avant de m’embrasser sur la joue. J’aimerais dire que le retrouver me comble de joie, mais à cet instant, tout ce qui retient mon attention, c’est Hugo qui descend les escaliers, un tas de papiers à la main et ses lunettes, qu’il a failli oublier à la maison dimanche, sur le nez. Toujours aussi beau, toujours aussi souriant lorsque nos regards se croisent.

— Bonjour Messieurs.

Ok, j’avoue, là, je ne me sens pas du tout à mon aise. J’ai l’impression qu’on peut lire sur mon visage tout ce qui me passe par la tête, qu’une pancarte affiche clairement que j’ai trompé l’un avec l’autre. Je sais que c’est ridicule, surtout que j’affiche un masque sage et poli, mais dans ma tête, ça bouillonne.

— Oh bonjour Oriane, répond simplement Hugo avant de s’approcher de Fabienne.

— Bonjour ma jolie épouse, tu m’as manqué ce weekend. Et à Robin aussi !

Je me retiens de lever les yeux au ciel et lui offre un sourire poli, tentant de masquer mon malaise grandissant.

— Vous avez bien profité, tous les deux ? éludé-je tandis que Robin rejoint le comptoir d’accueil pour reprendre son dessin, une tentative de caricature de la secrétaire.

— Oui, je crois que Robin a apprécié retrouver son papa, même s’il a mis un peu de temps à se faire à ton absence. Tu es ravissante, aujourd’hui. Je crois que le weekend de repos t’a fait du bien, tu resplendis.

Garder une expression neutre… Ne rien laisser voir… alors qu’une partie de moi est proche de rougir, que l’autre a la libido qui se réveille à vitesse grand V.

— J’ai eu du mal à m’habituer à la maison vide, mais oui, le weekend m’a fait beaucoup de bien, confirmé-je en croisant le regard pétillant d’Hugo. Bien, on va te laisser bosser… Tu me tiens au courant quand tu veux prendre Robin pour la soirée, cette semaine.

— Je pensais que je pourrais peut-être revenir dès ce soir ? Pour passer du temps avec Robin et toi. Je n’ai pas envie d’attendre plus pour reprendre comme avant, dit-il tout bas, en essayant d’éviter que ses collègues l’entendent ainsi plaider avec moi.

Je ne peux m’empêcher de jeter un coup d’œil au comptoir d’accueil. La logique voudrait que j’observe mon fils, et c’est vrai que je focalise mon regard sur ses cheveux qu’il faut vraiment que je coupe, mais j’ai tout de même un aperçu du Lord des câlins qui semble faire mine d’être très intéressé par sa paperasse.

— Je pense que c’est un peu prématuré, non ? Je n’ai pas eu de grande révélation, de mon côté. Toi, oui ?

Il a l’air blessé par ma réponse et fait une moue qui montre toute sa déception.

— J’ai compris la leçon et le message, Oriane. Je dois faire des efforts et j’en ai fait, non ? Qu’est-ce qu’il te faut de plus ? Tu veux vraiment m’humilier ?

— Je ne cherche pas à t’humilier. Je veux juste que tu comprennes que ce n’est pas parce que tu as joué le père parfait ce weekend, que c’est gagné. C’est trop facile, vu le nombre de fois où on a déjà discuté de tout ça… Je suis désolée.

— Bien, tu me feras signe alors, quand tu arrêteras de bouder…marmonne-t-il avant d’approcher du comptoir pour attirer l’attention de notre fils et signer tout en parlant. Robin, tu viens me dire au revoir ? Maman ne veut pas que je rentre ce soir, alors on se retrouvera mercredi ou jeudi soir, d’accord ?

— Arrête ça tout de suite, soufflé-je. Ne me mets pas tout sur le dos, Louis, tu as ta part de responsabilités dans cette situation. Qui cherche à humilier qui, là ?

— Désolé, Chérie, dit-il en ayant vraiment l’air de regretter ses propos. C’est juste… une situation difficile à vivre. Allez, Robin, amuse-toi bien avec Maman et profite bien d’elle ! Je t’appelle ce soir, mon Grand !

— Au revoir, Papa. Ne t’inquiète pas, je dirai à Maman que tu penses à elle. A ce soir !

Robin enlace son père et je lance un regard d’excuse à Fabienne et Hugo, espérant que Louis ne soit pas trop insupportable aujourd’hui par ma faute. Je ne m’attarde pas plus longtemps à l’intérieur, attendant mon fils sur le trottoir. Si mon weekend et mon début de journée m’ont requinquée et ont été plus qu’agréables, Louis a réussi à assombrir mon humeur en un rien de temps. Est-ce vraiment ce que je veux dans ma vie, aujourd’hui ? Je suis tellement perdue… Heureusement qu’il me reste Robin et sa bonne humeur, son sourire, et Rachel qui ne me juge pas et me permet de me confier.

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