Chapitre 31 - Reprendre son souffle

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- Hmm...

Akira regardait sa chambre avec circonspection : des posters de quelques héros méconnus, comme Squalia, Mr Brave ou encore Kesagiri Man. Une étagère avec une catégorie livres d'histoire, une autre de science-fiction et une dernière de magazines en tout genre qu'Akira avait récolté chez les gens du quartier qui voulaient s'en débarrasser. Sur son bureau, il y avait un tapis moelleux pour reposer ses bras quand il écrivait, ainsi qu'une planche à dessin. À côté de l'armoire où il rangeait ses vêtements, une commode dans laquelle il mettait ses objets précieux. Sur celle-ci, un flûte traversière était posée.

C'est plus... vivant ? La chambre possédait encore plein de place à remplir, mais c'était déjà pas mal. Akira prit la flûte et s'assit sur son lit. Il joua quelques notes, réglant ça et là les petites mécanismes afin de rendre le son plus doux. Quand il eut finit les arrangements, il commença à jouer la Sonate au Clair de Lune, 3e mouvement.

Bien que le morceau soit habituellement joué avec un piano, Akira tenta tant bien que mal d'accorder la vitesse de son souffle et celle de ses doigts. C'était dur, mais après quelques essais, il trouva le bon rythme, et joua.

Petit à petit, la mélodie qui était lente et langoureuse s'accéléra, jusqu'à arriver au bon tempo. Akira inspirait, expirait si vite qu'il avait l'impression de faire un sprint. Ses doigts voltigeaient, libérant les notes avec aisance. Mais son corps s'épuisait déjà, la fatigue du Tournoi se faisant encore ressentir.

Il s'arrêta au milieu du morceau, éreinté. Il suait à grosses gouttes, regardant ses mains trembler. Akira mourrait déjà de faim. Enragé par son métabolisme trop gourmand, il jeta la flûte au loin avec un cri de rage. S'attendant à ce qu'elle se brise contre un mur, il entendit un bruit mat et une voix :

- Tu joues très bien.

Il leva son regard : le principal était là, tout sourire, la flûte dans sa main levée. Il a de bons réflexes... pensa le brun en observant la souris monter sur son lit avec difficulté pour s'asseoir à ses côtés, avant de dire :

- J'ai encore du chemin à faire.

- Crois-moi, tu es plus proche du musicien professionnel que du héros, lui fit remarquer le principal de Yuei avec un petit rire.

- Vous vouliez me voir, monsieur ?

Ce dernier acquiesça, avant de prendre la main d'Akira ; surpris, ce dernier se raidit, mais les coussinets du héros tâtèrent sa paume et son poignet intérieur.

- Même après une bonne nuit de sommeil, tu n'as toujours pas récupéré... Tu n'as pas revu Recovery Girl avant ma venue, n'est-ce pas ?

-...Excusez-moi, marmonna le brun en détournant le regard

- "T'excuser" ? pouffa la souris. Mais de quoi ? Tu as démontré maintes fois que tu étais un élève ingénieux, sérieux, motivé et talentueux. Tu mérites ta place à Yuei, et Tsukauchi m'a confié que ta surveillance va être levée dans quelques jours. Pourquoi diable devrais-tu t'excuser quand tyu n'as rien fait de mal.

- Vous savez de quoi je parle, grinça Akira sans regarder le proviseur. Mais vous n'avez pas d'autres chats à fouetter ?

- Ha ha, ce serait le comble ! (Le directeur tapota la main d'Akira) Tu es élève particulier, de part ton âge et ta condition sociale, certes. Mais je connais ton secret, donc tu peux tout me confier.

Akira resta silencieux, avant d'ouvrir la bouche, indécis :

- Je l'ai révélé à un de mes camarades.

Nezu se figea.

- Qui ?

- Izuku Midoriya. Et je pense que vous savez également pourquoi j'ai pris cette décision.

Akira observa le proviseur réfléchir, digérant sûrement le fait que l'élève à ses côtés connaissait le secret du One For All, et son but ultime : détruire le All For One, créateur de maux dans le Japon altérique juvénile.

- Eh bien, soupira le proviseur, je ne suis pas réellement étonné que tu aussi vite découvert le pot de roses. Quand as-tu soupçonné ton jeune camarade.

- C'était en classe, se remémora Akira. Quand je suis entré en moi pour visualiser mon âme, car elle me semblait troublée, j'ai vu que la "lumière" que projetait Izuku-kun était différente de celle des autres, et similaire à la mienne : fragmentée, multipliée... Enfin, vous comprenez.

- Oui... Mais gardons ce sujet pour plus tard, veux-tu ? (le héros souris lâcha la main d'Akira) Je dois savoir quelle est la raison de cette soudaine perte de condition physique de ta part.

Akira commença donc à lui expliquer le phénomène, ce qu'il ressentait. Il décrivit également comment les machines l'avaient nourri pendant sa phase de maturation, avant que le talent d'Outsider lui soit conféré par copie conforme grâce au Calice des Milles Larmes. Le proviseur écouta encore une fois ces détails fantasmagoriques avec attention, cette fois aussi silencieux qu'une tombe. Quand le jeune homme eut terminé, Nezu demanda :

- Tu dis que la magie te maintenait en forme, jusqu'à maintenant ?

- Oui.

- Je n'ai aucune formation en magie pour te répondre avec précision, mais j'ai ma petite théorie : sachant que tu dis avoir perdu ta capacité "d'Outsider" à absorber cette énergie qui maintenait ton corps modifié en forme, mais que tu as continué pendant un temps à fonctionner normalement, il est possible que tu avais déjà un capital d'énergie à ta disposition...

-...et qu'il s'est épuisé avec le Championnat, comprit Akira. Pourquoi n'y ai-je pas pensé plus tôt ?

- Exactement. Auparavant, tu n'utilisais jamais tes capacités à leur paroxysme, mettant ton corps en mode "économie d'énergie". Mais avec les récentes prouesses que tu as accompli, avec tes Milles Portes de Babylon ou tes Stratosphéranges répétés, tu as consommé ton carburant à grande vitesse, et tout épuisé.

Akira se sentit soudain très mal. Tout ? Il n'avait jamais fait face à une "panne technique". Que se passerait-il, maintenant ? Son corps allait-il lentement se décomposer de l'intérieur, incapable de maintenir le formidable métabolisme qui le rendait supérieur à n'importe quel humain ou mage, jusqu'à qu'il ne soit plus qu'un déchet bon à jeter à la poubelle ?

Akira se prit la tête entre ses mains : elle commença à tourner, le sol voulant se dérober sous ses pieds. Non, non, non ! hurla-t-il dans sa tête, sa bouche paralysée par la peur... la peur de quoi ? Il essayait de voir plus clair dans ce brouillard, mais ce dernier était trop dense, l'entourant et l'enserrant dans une spirale de négativité. Peut devrait-il en finir tout de s...

- Akira.

Une patte touffue le fit revenir à la réalité ; ses sens revinrent à la normale, la lumière reprit son éclat. Il se tourna lentement vers le directeur, qui ne souriait plus. Akira sentit son souffle revenir lentement.

- Akira. Tu vas mal ; je ne me permettrais pas d'entraîner un élève plus longtemps dans des situations qui ne feront que miner son mental déjà au bord du gouffre, et augmenter son stress à son paroxysme.

Le directeur sauta du lit, et se dirigea vers la porte. Avant de sortir de la chambre, il clama :

- Tu seras privé de stage le temps que tu récupères complètement. Pendant cette période, tu seras sommé d'aller voir Hound Dog pour des séances de psychanalyse avancée. Et n'espères pas désobéir : je demanderais à Tsukauchi d'alourdir ta peine si tu décides d'enréchapper.

Nezu ferma la porte derrière lui, avant de soupirer. Akira Arata n'était encore qu'un jeune homme perdu, cherchant la justification de son existence qui était pourtant sous son nez. Cela prendrait du temps, mais au moins il en ressortirait plus fort.

* * *

Akira regarda ses mains : qu'est-ce qu'elles pouvaient faire ? C'était des mains qui avaient massacré des centaines de milliers soldats de l'Empire Epistimal, la plupart d'entre étant des enfants endoctrinés dès leur plus jeune âge. Ces mains qui avaient frappé Ludwig, Hadrian, Kara, Béryl, Lucans... et Ugo.

Une thérapie, hein ? Quelle importance... Son cas était irrécupérable, mais si survivre était la solution restante, autant tenter de rendre sa vie plus facile. De toute façon, il n'avait rien d'autre à faire.

Il se leva de son lit, et ouvrit la fenêtre. L'air frais et le chant des oiseaux balaya d'un coup ses pensées sombres : devant tant de simplicité libre de toute attache, l'envie d'Akira se dessina dans son regard quand il s'appuya sur ses bras croisés au bord de la fenêtre. Soudain, un moineau vint se poser près de lui. Pépiant, il pointa son regard sur Akira, qui amusé plaisanta

- Tu n'as rien d'autre à boulotter, toi ?

Il tendit un doigt vers l'oiseau, qui prit peu peur et s'envola en tout hâte. Le jeune brun soupira : même les piafs ne voulaient pas de lui.

Il continua à regarder la ville depuis sa chambre élevée. Musutafu brillait sous un beau ciel d'après-midi, habillé de quelques nuages solitaires. D'une certaine façon, Akira se sentait comme eux : trop hauts, et pourtant toujours au bord de l'extinction.

Son téléphone vibra : un message du proviseur stipulant qu'il devait se présenter au bureau de Hound Dog pour sa prochaine séance :

Jeune Arata, souvenez-vous de notre accord : en échange de votre bon vouloir à participer à cette thérapie, je ne ferais pas jouer mes relations dans la police pour vous faire interner 24h/24 à Yuei pour le restant de votre scolarité. L'administration manque cruellement de bras...

Souris de malheur, maugréa pour lui même Akira en continuant de lire le message.

...et je suis persuadé que vous souhaitez un autre choix de vie. J'ai déjà tout expliqué à Hound Dog, en modifiant un peu l'histoire : vous vous êtes enfermé dans un "syndrome de collégien de deuxième année", qui vous fait croire que vous êtes un magicien venu d'une autre dimension afin de sauver ce monde. Bien sûr, Hound Dog ne se concentrera pas sur cet aspect, mais exclusivement sur votre confiance en vous.

Mes plus sincères salutations,

Principal Nezu, Yuei.

Akira râla en rangeant son téléphone dans sa poche. Il sortit de sa chambre, saluant au passage le personnel de nettoyage avec un sourire forcé et un signe de main. Il parcourait les longs couloirs de Yuei, quand il vit quelque chose d'intriguant : Hitoshi Shinso qui parlait avec Aizawa-sensei.

Ces derniers le remarquèrent, et le violet le salua de la main, son regard se détournant néanmoins. Eraserhead, quand à lui, marmonna quelque chose à Shinso avant de s'approcher d'Akira, la mine sévère. Devant ce regard dur, Akira se sentit mal, très mal, comme si son coeur s'écrasait sur lui-même. Il arriva au point où il se tassa, sa tête baissée. Eraserhead haussa un sourcil.

- Tu es vraiment un gamin problématique, marmonna le professeur avant de soupirer. Je te laisse, j'ai à faire.

Son professeur principal s'éloigna.

-...Désolé.

Aizawa se tourna vers le jeune homme, surpris : c'était la première qu'il s'excusait. Et de cette manière, en plus. Il secoua la tête, et partit vers Hitoshi qui lui fit cette remarque :

- C'est vraiment pas la personne que j'ai croisé au Championnat.

- Non, affirma abruptement Aizawa en faisant taire ce sentiment étrange qui commençait à le démanger dans sa poitrine.

* * *

Ryo Inui, alias Hound Dog, continuait de lire le dossier de cet élève. Il avait passé le test de recommandation haut-la-main sur les épreuves pratiques et écrites, mais son interview avait apparemment fait un flop : d'après son examinateur, le jeune homme avait des problèmes "existentiels". Au début, le héros avait cru que c'était seulement des délires d'adolescent qui s'annonçaient un peu tard, mais les rapports médicaux du jeune homme témoignaient d'un encéphale très particulier, au point où les médecins avaient prédit l'arrivée de maladies mentales dégénératives.

Ryo gronda : le principal avait fait une erreur monumentale en laissant ce jeune chiot gambader aux milieu de la portée, alors qu'il se pensait chat. L'IRM montrait un scan bien plus horrible, avec une zone noircie caractéristique des tumeurs développées depuis plusieurs décennies. Comment ce gamin avait-il survécu avec une telle maladie ?

Mais le principal lui avait dit de ne rien mentionner à propos du domaine médical ; le gosse pourrait prendre peur et finir par tomber dans le gouffre à tout jamais. Des gamins héros qui étaient devenus vilains... Hound Dog grogna quand il se remémora de certains élèves prometteurs qui avaient franchi la ligne et n'étaient jamais revenus.

Mais Arata était très puissant, et il était instable. Un vilain pareil serait extrêmement difficile à gérer, même pour les héros en haut du classement.

Soudain, on toqua à sa porte. Mais à l'odeur, la personne était reconnaissable entre mille.

- Entre, Arata-san.

Le jeune homme ouvrit la porte, et d'un coup d'œil le héros vit le cœur du problème : auparavant, Arata était un jeune homme altier, presque moqueur. Désormais, il était voûté, jetant des regards furtifs et méfiants à Ryo.

- Tu peux t'asseoir, proposa-t-il au brun en lui présentant une chaise faisant face à son bureau.

L'invité s'assit, les mains jointes et les jambes resserrées. Tout dans sa posture trahissait d'une gêne et d'un désir de fuir, donc Hound Dog ne le pressa pas :

- Bien. Akira Arata, c'est ça ?

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