Chapitre 2

5 minutes de lecture

Il m'a lâché la gorge pour mieux y arriver, mais la violence de ce que j'ai ressenti physiquement au premier coup m'a obligé à me recroqueviller à terre pour me protéger. Pour autant les coups ne se sont pas arrêtés là ,puisqu'il a enchaîné avec les pieds. Et bien qu'ils pleuvent encore, j'ai cessé de les compter.

Il est dans un état second et je suis entrain de faire de même. D'ailleurs là, je commence à ne plus rien ressentir de la douleur tellement je l'ai absorbé. Je reste incroyablement étonnée de voir comment le corps peut parfois se montrer si protecteur envers lui-même.

Étendue là, dans cette pièce, je me demande de quoi j'aurais l'air là-bas avec mon visage défiguré et/ou des hématomes partout.

Que pense ma gentille mère depuis son paradis ? Je ne peux qu'imaginer qu'elle regrette profondément sa disparition et qu'elle voudrait réparer les cœurs qu'elle a cassés. Le truc c'est qu'il est impossible de prévoir qu'un camion fou est capable de vous faucher en deux secondes comme il est impossible d'imaginer comment je suis si profondément brisée depuis. Je ne peux pas m'empêcher de lui en vouloir. Elle m'a abandonnée. Maintenant, elle m'oblige à naviguer seule dans les étapes du deuil. Et ça, au milieu d'un sérieux merdier. Elle devrait savoir qu'il y a quelques années que j'aurais dû dépasser ça, mais jusqu'alors ça m'est très compliqué.

Sortant de mes pensées, je tente de le regarder et entraperçois des gouttes de sueur sur son front, il passe d'ailleurs une main dessus. Il semble me jurer des mots que je ne comprends pas complètement, à cause de mes oreilles qui bourdonnent. Il est fatigué, je le sais et le sens, parce que les coups s'espacent. J'arrive légèrement à rassembler mes esprits et à distinguer ce qu'il me dit.

- C'est comme ça que tu remercies ton père de t'avoir donné une éducation ? En mordant comme une sale chienne ? Tu devrais être honorée qu'un mec comme moi veuille te baiser.

- Tu...es...complètement...malade !

C'est tout ce que j'arrive à prononcer entre deux hauts le cœur.

Je ne suis pas croyante mais pris Dieu quand même de me dire pourquoi j'ai mérité ce qui m'arrive.

Comme je n'ai pas pu m'empêcher de l'ouvrir, j'ai le droit à un dernier revers qui m'ouvre la lèvre à cause de ses bagues en argent. Le goût métallique du sang m'arrache une nouvelle fois une complainte douloureuse.

- C'est tout ce que tu mérites ! Et pour ton information, après réflexion, pas sûr que même un chien voudrait de toi. Tu ressembles tellement à rien !

Je me sens si honteuse que je me demande s'il n'a pas raison au fond. Après tout, je n'ai jamais eu de petits amis. Peut-être ne suis-je pas assez jolie? Ou peut-être me juge-t-on sans cervelle ? Quoi qu'il en soit, s'il s'est lancé un pari, il l'a réussi. Je me sens complètement dévalorisée.

Me laissant giser sur le carrelage comme si je n'étais rien, il s'en va. Mes cheveux noirs sont dégoulinants de larmes et me collent le visage. Après tout ce qu'il vient de m'arriver, je suis en état de choc.

Je peine à me relever. Je fais une première tentative en m'appuyant sur les mains, mais mon corps me trahit. Je vacille avant de retomber sur les fesses. J'ai principalement des élancements dans ma tête, comme un marteau piqueur. Ça me fait mal, alors j'y porte l'une de mes mains. On dirait qu'il y a vraiment tout un chantier là-dedans. Bizarrement, c'est comme si on m'avait anesthésié en parti le reste du corps. J'ai la trouille qu'il revienne. Ce con est sûrement parti se vautrer dans le salon puisque j'entends la télé. Je reprend deux secondes de respiration et refais un essai. Cette fois c'est la bonne.

Toute tremblante, je cherche un truc à tâtons sur le plan de travail, pour me protéger. Ne trouvant rien, mon premier réflexe est de me diriger vers le tiroir à couteaux et de m'en saisir d'un. Dans ma hâte, je marche sur les morceaux brisés de ma tasse et me déchire les pieds. Je les avais oubliés ceux-là. Et c'est comme ça que sans surprise sur ce blanc immaculé, vient s'ajouter une énorme note de rouge carmin qui tranche énormément avec le lieu. Forcé de constater que même si je ne souhaite pas le blesser, il se peut qu'il ne m'en laisse pas le choix...et qu'il me faudra ajouter un peu plus de cette couleur au sein de cette maison. Après tout, lui ne s'est pas gêné. De toute façon, je ne ressens plus ce lien qui nous unissait autrefois.

Bilan rapide : il faut que je trouve mes clefs. Mais merde, je réalise qu'elles sont dans le vestibule ce qui va m'obliger à passer devant lui. Je réfléchis aussi bien que je peux mais ne trouve pas d'autres solutions. Il faut absolument que je prenne cette fichue voiture pour me sauver.

J'ai le cœur qui menace de me lâcher mais j'ai la surprise de voir qu'il tient encore bon, même si c'est sur le fil. Je profite de mes quelques instants de solitude pour réprimer mes larmes et prendre le peu de courage qu'il me reste. J'emprunte le couloir sombre en tentant de faire le moins de bruit possible. En regardant rapidement derrière moi, je vois la lumière de la cuisine qui éclaire les traces ensanglantées qu'ont laissé mes pieds. On croirait voir une scène d'horreur. Mais n'est-ce pas ce que j'ai vécu? Les débris éparpillés ne font-ils pas que renforcer cette impression?

Épouvantée, je reprend ma route, tant bien que mal. J'entends des sons et me fige. Je me trouve maintenant après quelques pas, devant l'encadrement d'où il provient. Je ne peux m'empêcher de regarder bien que j'hyperventile à cette même idée. Je suis révoltée parce que je vois. Seul l'écran l'éclaire mais ça me suffit pour comprendre. Mon père est dos à la télé et manches relevées, il est entrain de resserrer avec ses dents un garrot sur son bras gauche. L'aiguille pleine est posée sur une sorte de petit plateau blanc. J'ai 'impression de ne voir plus qu'elle, ainsi que toutes les petites piqûres sur sa peau fine. Je ne sais toujours pas ce qu'il prend, mais peu m'importe, face à la colère et la tristesse qui déborde par tous mes pores, j'enserre le couteau avec plus de vigueur jusqu'à en avoir les doigts blanchis.

Concentré sur ce qu'il fait, il ne m'a pas vu. Je bouillonne de l'intérieur. Dans un excès de rage et de peur, je me saisis des clés sur le meuble à ma gauche et trottine, à défaut de pouvoir courir, vers la porte d'entrée. Je ferme les yeux pour atténuer non seulement ma nausée, mais aussi ma douleur plantaire entre autres, qui se fait elle aussi ressentir. Le cliquetis produit par les fameuses clés à dû l'alerter puisqu'il me rattrape de manière très vive, m'enserrant le poignet avec force pour me retenir.

- TU partiras quand JE t'aurais baisé avant. Je veux te sentir étroite.

S'en suis une bagarre indéfinissable où parmi les cris, je finis par le blesser à l'épaule et au ventre. Au milieu de tout ce sang, je sais qu'il est encore en vie. La douleur ne fait que l'irradier. Je saisis alors cette occasion qui m'ai enfin donnée et fini par sortir et prendre ma liberté.

Jamais plus je ne veux le revoir. Jamais.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 4 versions.

Vous aimez lire Oceane C. ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0