Sulens - 25 février 2018

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La montagne de Sulens m'avait enchantée l'été dernier, grâce à ses paysages magnifiques et quelques péripéties sympathiques. D'ailleurs, entre-temps, je me suis procurée la carte IGN des environs. Il me tardait de parcourir ses flancs en hiver car il est toujours intéressant de comparer les changements d'ambiances de la nature selon les saisons. Et je ne pensais pas si bien dire !

Nouvelle montée, nouveau départ ! Cette fois-ci, je suis accompagnée et nous décidons de commencer notre randonnée en raquettes par le col de Plan Bois, plus accessible. J'avais pu le lire sur Internet, force est de constater qu'il s'agit d'un spot important pour les skieurs de randonnée. Nous croiserons d'ailleurs nombre d'entre eux durant notre ascension.

Raquettes chaussées, bâtons réglés, nous démarrons tranquillement la promenade dans le brouillard. Mais la piste est large et notre visibilité n'est pas troublée pour le moment. Pourtant, étant donné la vue que nous avions depuis chez nous, j'en doutais fort. D'ailleurs, depuis que nous avons quitté la maison, j'espère que nous pourrons assister au spectacle grandiose d'une mer de nuages au sommet. Vite, hâtons-nous. D'autant plus que le dénivelé de la forêt est clément.

Arrivé à une petite ferme d'alpage, nous croisons davantage de randonneurs. Aussi, deux personnes dévalent la pente sur des luges... suivies par un compagnon équipé de trois paires de bâtons encombrantes. Clairement, il s'est fait arnaqué.

Il n'aura pas fallu longtemps avant que la piste ne rétrécisse et que nous soyons obligés de marcher l'un devant l'autre. Comme à notre habitude, je prends la tête. La pente commence à se raidir et les bâtons nous sont d'une grande aide pour économiser nos jambes. Plus nous gagnons en altitude, plus nous croisons des personnes aux cheveux et sourcils couverts de givre, tant l'air est humide et frais. Heureusement, le vent a décidé de souffler ailleurs.

La piste étroite nous donne à suivre deux skieurs, dont l'un a un sac fortement similaire au mien, ce qui ne manque pas de me faire sourire. Lorsque la piste s'élargit, après être passé à côté d'une ferme d'alpage inoccupée en la saison, nous ne prenons pas la peine de les doubler ; cela nous demanderait un effort plutôt conséquent et, étant donné que le gros morceau reste à venir, mieux vaut garder nos forces.

Plus nous montons, plus le brouillard s'épaissit. Nous retrouvons nos deux skieurs — qui nous ont devancés pendant une pause hydratation — à un croisement malin. Heureusement pour nous, j'étais venue cet été et nous ne nous laissons pas berner : c'est à droite. Le voile brumeux ne nous permet pas de voir à quinze mètres et je commence à m'inquiéter, car les côtés de la piste ne sont plus perceptibles. Je suis prudemment les traces laissées par ceux passés plus tôt, supportée par la confiance de mon compagnon.

On dit que la frontière entre le ciel et la mer appelle à l'aventure lorsqu'elle devient presque invisible. Sachez que cela ne vaut pas pour celle le liant au manteau neigeux. Désormais, tout ce que nous percevons, c'est du blanc. On ne distingue plus le flanc de la montagne du brouillard et c'est angoissant. La piste n'est plus et seuls nos précédents nous guident. Pourvu qu'ils ne se soient pas trompés. Pourvu que mes instincts soient bons. Je me le répète et encourage mon compagnon dans notre avancée angoissante. Sans repère, nous hésitons à faire demi-tour. Cependant, après vérification de notre parcours sur la carte, je devine que nous sommes bientôt arrivés. Il serait dommage de nous arrêter si près du but, alors nous continuons. Allez, encore un effort !

Et l'effort est le bienvenu : nous affrontons la crête finale. Raide, mais quelque-peu rassurante car, enfin, nous pouvons observer autre chose que du blanc. Je la reconnais bien parce que, l'été dernier, elle m'avait « cassé les jambes ».

En ce jour, c'est encore pire : malgré les raquettes, on s'enfonce toujours un peu dans la neige, comme si l'on marchait dans du sable. Les efforts à déployer sont plus importants et, sur une telle pente, on le ressent particulièrement. On respire, on souffle, j'encourage. Je vois la pointe ! Une paire de ski plantée ! Oui, nous y sommes : le presque sommet du Sulens, emmitouflé dans le brouillard. Envolée mon idée de surplomber la mer de nuage. Nous nageons en plein dedans.

Par mesure de prudence, nous ne parcourons pas les quelques mètres guidant à la table d'orientation La crête est raide, nous sommes fatigués et, clairement, ça n'en vaut pas la peine. Les raquettes déchaussées, le plaid installé — isolant, on a fait nos divas, oui — nous nous ravitaillons et nous réchauffons avec un thé. Du côté du versant par lequel nous sommes venus, nous ne distinguons que du blanc. Couplé au silence absolu de cet instant, la montagne devient aussi fascinante qu'intimidante. Finalement, ça en valait la peine.

Nous ne nous attarderons pas au sommet, car le froid commence à nous saisir. Raquettes rechaussées, chaufferettes dans les gants, c'est reparti pour la descente. Ce brouillard nous empêche d'apprécier le relief et le dénivelé n'est pas simple à appréhender. D'ailleurs, nous préférons dévier de notre trajectoire pour nous faciliter le trajet du retour. Celui-ci sera bien plus court que l'aller, bien moins éprouvant.

Les sapins couverts de givre indiquent que notre point d'arrivée est proche. C'est avec surprise que je constate que mes jambes ne sont pas aussi lourdes que d'habitude. Sans doute que le faible dénivelé m'a permis de m'économiser.

Enfin, nous arrivons à l'auberge du Col de Plan Bois, fin de notre randonnée, et la fatigue n'a pas été assez forte pour nous abattre. Maintenant certains que nous n'aurons pas à puiser dans nos réserves et soulagés d'être arrivés, nous plaisantons en voyant nos têtes : mes cheveux restés à l'extérieur de mon bonnet ressemblent à des spaghettis et des petites boules de givre se sont formées au bout des poils de sa barbe naissante. Cela vaut bien une photo souvenir.

Heureusement, j'avais choisi de passer par le chemin dit « facile », l'aller-retour tranquille. On le retentera sûrement au printemps, quand les pistes seront dégagées, pour tester cette version plus accessible de la randonnée estivale.

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