Man huntress

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Allemagne, gare centrale de Stuttgart, 18 Juillet, 18h12

Le train sursauta en abordant le secteur de l'aiguillage. Ella et Tania comprirent le message mâchonné par le haut-parleur ... à peu de chose près : "Stuttgart, Stuttgart, quinze minutes d'arrêt".

Dans le même temps, les deux jeunes femmes épiaient les deux costumes et l'imperméable bleu pâle qui avaient investi le quai quelques minutes avant elles. Pas de doute, c'était bien des MS. Ella souffla:

— Vous les avez reconnus ?

— Clairement, opina Tania. Le plus grand, c'est Sanders.

— Et le petit costume, frissonna Ella, c'est Lookuir.

La brunette réfléchit.

— Je connais aussi celui qui porte l'imper: Lycran.

— Nycron, corrigea sa partenaire, Rodney Nycron.

Tania grimaça.

— Rien que du beau linge. La partie s'annonce difficile.

Elle palpa le Beretta 82 au travers de sa veste de tailleur pour se rassurer.

De son côté, Ella suivait d'un regard oblique le dénommé Nycron. Un éclair passa dans ses yeux d'opale. 'Play the game', énonça-t-elle mentalement, dans une démarche qui tenait autant du toc que de la superstition, une saveur sucrée sous la langue accompagnant ses pensées.

Une drôle de personnalité, Ella. Une femme qui concevait l'existence comme une ligne discontinue d'épreuves et de plaisirs, ces deux notions étroitement liées. A l'heure où elle aurait dû craindre pour la réussite de sa mission, pour sa vie peut-être, où le danger se matérialisait, elle sentait monter en elle une excitation qu'elle savait ne devoir s'apaiser que dans un contact direct avec le péril. Dans ces moments-là, la jeune femme rieuse et épanouie laissait place à une chasseresse impitoyable aux sens aigus. Ses joues se creusaient, son pouls s'accélérait. Une fois son objectif établi, plus rien d'autre ne comptait. Ceux qui ont vu 'La chasse du Comte Zaroff' peuvent comprendre. Ella était une spécialiste de la 'Man hunt', selon sa propre expression. Cet instinct se voyait renforcé par une confiance aveugle en ses moyens, qui confinait au complexe de supériorité. Ceci s'expliquait par le fait qu'elle n'avait jamais rencontré l'échec.

Elle avait avec les hommes des rapports très particuliers. On eût dit qu'elle voulait se les approprier et démontrer dans le même temps leur faiblesse. Contredisant l'un, couchant avec un autre, en supprimant un troisième. Peu importait que cette supériorité fût rhétorique ou physique.

Le défi lancé à Burton illustrait magnifiquement sa manière d'agir. Interpellée par le feu roulant des vantardises du bonhomme, elle n'avait pu s'empêcher d'intervenir. Non point pour lui river son clou, ce qui eût été banal, mais pour sentir l'aiguillon du risque se perdre dans l'ivresse d'une victoire promise. Le jeu se révélait d'autant plus intéressant que la proie semblait vigoureuse, voire brillante.

Le désarroi perceptible de Burton lui avait injecté une dose de satisfaction à nulle autre drogue comparable.

Radieuse, elle avait décrété:

— Granyt s'est fissuré.

Tania, rompue à l'ironie de sa coéquipière, n'avait pas relevé le trait d'humour.

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