Diplomatie

2 minutes de lecture

Villacoublay, 18 Juillet 1978, 10h45

Le jet se posa sur la piste sans un frémissement. Sur l'aire de réception, une limousine et des officiels étaient des champignons noirs à la face du sol. Le président Sécuria bouclait sa tournée européenne par Paris, Ville-lumière, fleur de la patrie des droits de l'homme.

Une personnalité très controversée, ce Land Securia. On disait que le chef d'état du Sunototorio n'était pas à proprement parler un démocrate. Les pires histoires circulaient sur son compte. Récemment, la presse internationale avait publié des photo de sa femme, la très belle- trop belle - Lara, ancienne danseuse, surtout réputée pour ses frasques nocturnes, de vingt ans sa cadette, les épaules caressées de vison. On disait que le peuple du Sunotorio crevait de faim, pendant que le président, sa femme, et leurs favoris vivaient sur un piedestal. On disait que l'inflation galopait dans cette petite république d'Amérique centrale. On disait le pays au bord de la guerre civile. On disait que Securia avait amassé en six ans de présidence une immense fortune personnelle, jalousement abritée dans les coffres-forts helvétiques. On parlait de totalitarisme, et aussi de torture. On disait qu'il avait été installé au pouvoir par la CIA, toujours soupçonnée d'ingérence. On disait que Lara Runnert, nom de théâtre de Mme Securia, coûtait au pays vingt mille dollars US par jour. On disait les rouages de l'administration sunotorienne gangrénés, rongés par la corruption. Mais, on disait tant de choses.

Toutes ces rumeurs n'empêchaient point l'homme d'état Securia d'être reçu partout avec les honneurs dûs à son rang, et notamment dans les nations bien-pensantes du monde occidental, celles-là même qui condamnaient ses excès. Mystères de la politique!

Securia descendit la passerelle de l'appareil avec la lenteur convenable, son épouse à sa gauche, tandis que se pressaient autour de la carlingue des photographes avides de gros plans, et l'habituelle armée de diplomates, tous sur-qualifiés en lèche-botte protocolaire.

Le géant placide lissa sa moustache, serra quelques mains empressées. Lara dédia aux photographes les sourires d'usage, nullement embarrassée par la mitraille des flashes ni par l'éclat des projecteurs. Elle captait merveilleusement la lumière et le savait.

Après de nombreuses simagrées destinées à contenter les chasseurs d'images, le couple présidentiel s'engouffra dans la limousine. Quatre motards encadrèrent le véhicule qui quitta l'aéroport pour rallier la capitale dans un premier temps, l'hôtel de Crillon ensuite. L'accueil des prestigieux hôtes avait duré en tout et pour tout vingt minutes.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 5 versions.

Vous aimez lire Denis Mursault ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0