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Le grand jour était arrivé.

L'horloge sur le mur indiquait neuf heures et quart, le soleil perçait les stores à moitié fermés pour déverser sa douce lumière et réchauffer les coeurs sombres ou endormis. Les oiseaux piaillaient leurs chants matinaux dans une chorégraphie aérienne répétée quotidiennement.

Enfin !

L’excitation grimpait peu à peu, se déversant dans ses veines pour l’enivrer. Mais parviendrait-elle à contenir cet excès d’enthousiasme assez longtemps ? Rien n’était moins sûr. Son sac était prêt depuis un bon moment, les premières lueurs de la journée encore endormies.

Toutes les demi-heures, elle jetait un oeil au contenu. Il ne fallait rien oublier pour le grand final. Chaque composant de la bombe était soigneusement emballé dans un isolant en mousse, préserver des chocs pour éviter un quelconque endommagement. La fermeture glissa pour dévoiler le contenu : du RDX pour l’explosif, un liant plastique appelé polyisobutylène qu’elle s’était procurait au marché noir. L’adipate servirait de liant et de l’essence qu’elle avait siphonné dans la voiture du voisin d’en dessous pour le produit pétrolier. Tout le nécessaire pour constituer un morceau C-4.

Il lui faudrait un petit coin tranquille pour monter sa bombe. Les plans n’étaient pas assez précis pour le définir, mais une fois sur place, elle repèrerait l’endroit idéal pour se camoufler et monter son objet de mort.

Le temps ne tournait pas assez vite à son goût. Ne pas aller travailler n’était franchement pas la meilleure des idées qu’elle avait eu, mais le timing ne lui permettait pas de s’organiser autrement. Peu importait, mieux valait-il peut être qu’elle ne passe pas un instant de plus auprès de tous ces gens qu’elle haïssait.

Un verre se brisa contre le mur. L’eau dessina une tâche qui pleurait quelques larmes. Le godet s’éparpilla en plusieurs petit cristaux sur le sol, reflétant la lumière du jour infiltrée.

Reste concentrée ma belle. Ta tenue, puis tu t’occupes de l’appartement.

Les renseignements récoltés sur la société qui assurerait le service lors de la réception lui avait permise d’obtenir un costume quasi identique. Le pressing avait fait un bon boulot pour à peine dix euros, elle se fondrait avec aisance dans le flux continu du personnel.

Un souvenir de son enfance la saisit. Un de ces soir où elle avait été dîner au restaurant en famille dans un grand palace. Les hommes et les femmes qui y travaillaient avait une élégance dans leurs costume trois pièces. C’était décidé, elle serait serveuse dans les plus grands restaurants du monde. Mais la vie pouvait être cruelle.

Elle secoua la tête pour reprendre ses esprits. Trop de distractions en ce jour Ô combien important. Ne pas tout gâcher avec des pensées parasites, ce n’est pas le moment de laisser la nostalgie t’emporter dans son flot.

Elle plia avec soin les manches de sa chemise. Son tailleur dans le sac, elle se tourna vers la petit malle dissimulée dans l’ombre de la pièce. Tous ses ustensiles pour modifier son apparence se dévoilèrent. Une quinzaine de perruques, des lentilles, des lunettes, du silicone pour modeler des pommettes ou un nez. Tous n’avait vu que du feu dans ses artifices et pourtant elle avait bien des progrès à réaliser.

Un modèle classique lui irait parfaitement, cheveux châtains, légèrement ondulés avec une mèche blonde platine. Assez proche de celui qu’elle utilisait quand elle se rendait à son travail. Une paire de lunettes et quelques tâches de rousseurs pour parfaire ce subterfuge. Personne ne la reconnaîtrait, elle serait partie bien avant que l’immonde gratin ne se pointe pour cette fiesta qui s’annonçait « mortelle ».

Les papiers d’identité, le passeport ainsi qu’un peu d’argent furent glissés dans une pochette en plastique et placé sur le dessus du sac. Tous était fin prêt.

Le plus compliqué se présenter : piéger l’appartement pour détruire un maximum de pièces. Plusieurs bidons de carburant patientaient, des fils de différentes couleurs suspendus dans le vide. Elle n’avait pas le droit à l’erreur dans son montage. Sa première tentative se solda pas un coup de jus. Elle secoua vivement le pouce puis l’humidifia avec sa langue.

Le fil rouge pour le déclencheur, le vert pour le circuit électrique. Oui c’est ça ! À moins que… Non ! Roh… Arrête d’hésiter, tu l’as fait des dizaines de fois dans la forêt avec le vieux Ouliech.

Elle effectua les branchements et la minuterie afficha le chiffre trois en rouge suivi de deux zéro. Un dernier morceaux pour relier le compteur au téléphone dont la batterie était chargée au maximum.

Trois minutes à compter de mon appel et cette appartement sera réduit en cendre, tout mon passé avec.

La femme admira son oeuvre puis balança une couverture sur le dispositif.

Il était temps de partir, laisser derrière cette mascarade et mettre en place l’acte final de cette tragédie qui durait depuis trop longtemps déjà. Les choses seraient bien plus simple une fois le mal tué à sa source, repartir et se reconstruire. Elle l’espérait du moins, mais cette image de sa famille heureuse avant que tout ne soit détruit lui gonfla le coeur de certitudes. Oui, elle irait mieux une fois cette histoire terminée.

La fermeture du sac accrocha les maillons, scellant son contenu le temps du voyage. Elle posa le bagage près de la porte de son appartement et tenta de se retourner. Mais faire face à son passé s’avérait bien trop difficile. Elle devait affronter bien pire encore d’ici quelques heures, le visage de celui qui avait réduit ses rêves à néant.

Non, cette fois il ne s’en sortirait pas.

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