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En bas de la colline, Jules vérifia une énième fois que personne n’était resté en surveillance. Seules les caméras de surveillance seraient un obstacle à l’intrusion des deux compères. Une à l’angle du bâtiment, une autre au-dessus de la porte, Mâcon ne lésinait pas sur les moyens pour protéger son trafic.

Alors que Babacar s’occupait de la porte de secours, Jules repéra l’armoire électrique. Il n’y connaissait pas grand chose, mais débrancher les fils les uns après les autres restait dans son champ de compétence. Accroupi, il progressa avec minutie vers son objectif. Les caméras pivotaient assez lentement pour avoir une marge de manoeuvre et se déplacer.

La porte de l’armoire électrique n’était pas fermée, une chance. Il la fit pivoter et se retrouva face à un noeud de câbles multicolores. Une bonne étoile devait l’accompagner. La base de chaque fil était identifiée par une étiquette. Elles défilèrent entre les doigts du juriste jusqu’à dévoiler celle nommée « surveillance ». D’un coup sec, il arracha le lien électrique. Au-dessus de la porte arrière, la caméra s’immobilisa.

- Travaillé effectué chef. Et toi ? Que faisais-tu devant ce panneau ?

- J’ai neutralisé les systèmes de surveillance.

Ils se tapèrent dans la main. Mais le plus sérieux restait à venir.

- Reste derrière moi gros, je vais te servir de bouclier. On ne sait jamais, ce mec est un putain de dealer, il doit sur-protéger sa marchandise.

Remontant le long du mur, Babacar prit une barre de métal sur le sol et fracassa les trois cadenas. La facilité qu’il eut déconcerta Jules. Son ami avait toutes les qualités requises du parfait voleur. Devant la serrure, il s’équipa de son kit de crochetage.

Il agita ses deux tiges de fer. Un premier déclic. Il continua sa manoeuvre jusqu’à en obtenir un second. Une fois encore, Jules n’eut pas de temps d’inspecter les marchandises entreposées sous une bâche que son camarade pénétrait déjà dans l’entrepôt. Il y reviendrait plus tard.

- Wouaaaaaa… Mais c’est le temple de la bagnole en kit ici !

Il y eut un écho.

Babacar avança vers le centre de l’entrepôt. Sur la plateforme élévatrice, une Ferrari California rouge. Il fit trois fois le tour, les yeux remplis d’étoiles. Son coeur s’emballa en découvrant les étagères pleines de pièces détachées. Moteur à injection, kit d’embrayage, plaquettes de frein ou pompe à eau, il ne manquait rien. Il était au paradis de la mécanique.

De l’autre côté du hangar, Jules réfléchissait face à trois grandes tables. Des dizaines de briques d’un kilo de cocaïne étaient entreposées devant lui, il y en avait pour plusieurs centaines de milliers d’euros. Jamais il n’avait vu autant de dope au même endroit. Un éclair de conscience le frappa, les risques qu’il prenait, la situation elle-même, tout devint plus clair.

- Dis moi que je rêve mec, c’est quoi ce lieu ? Le paradis ? On n’est même pas mort !

- Bab, ne perdons pas de temps. J’ai un mauvais pressentiment. Fouille la cabine du bas, je me charge d’inspecter celle du haut.

- Je peux prendre une petite réserve de came aussi ?

Il connaissait déjà la réponse, mais qui ne tente rien n’a rien. Il se déplaça en marche arrière jusqu’à la porte du bureau inférieur qu’il força en un quart de seconde.

Jules emprunta l’escalier de fer pour accéder à la loge supérieure. Lui n’eut pas besoin de faire ses preuves en matière d’effraction, le battant était entrouvert. Il le poussa avec une grande délicatesse. Peut-être avait-il peur qu’un piège se referme sur lui. Son instinct lui indiquait d’être sur ses gardes.

Il activa l’interrupteur. La lampe au plafond peina à libérer sa vitalité. Le peu de lumière obligea l’humain à sortir sa lampe torche. Le faisceau illumina droit devant lui. Jules fit un aller-retour avec le crayon lumineux, rien de très concluant. Il s’avança vers le bureau pour fouiller un tas de papier étalé.

Un grand nombre de factures pour des ventes de pièces détachées, quelques achat de nourritures dans divers fast food, rien d’utile pour faire avancer l’enquête.

- J’ai trouvé un truc mec, tu vas kiffé ta vie de ouf.

La voix de Babacar se heurta à l’insonorisation de la partie haute. Monter des marches… Même une petite quinzaine… Non, il ne le ferait pas. Il composa le numéro de son ami.

- Tu es feignant à ce point ?

- J’ai essayé de crier, mais tu ne m’as pas entendu. J’ai trouvé un joli carnet rempli de noms, de sommes et tout le blablabla du dealer.

- Alexian ?

- Il avait une putain de putain de dette. Plus de cinq mille euros.

Jules n’était pas étonné. Son père côtoyait le milieu depuis un long moment. Lui-même avait croisé la route de Mâcon. Dimitri avait dû apprendre pour le fiston et il l’avait mis en état de dépendance par l’intermédiaire de l’américain.

Une si belle somme… Et si Alexian avait voulu doubler Mâcon et Dimitri ? Sa dette s’expliquait. Sa mort aussi, il n’avait pas pu rembourser son dû.

- Ce mec a un réseau de folie. Je te prends tout ça en photo gars.

- Vas-y, et range le carnet dans ton sac. Mâcon n’en aura plus besoin derrière les barreaux.

Jules continua ses recherches. Il força le tiroir du haut du bureau d’un grand coup de pied. Une enveloppe scellée laissa son coin timbré apparaître. La curiosité du juriste fut plus forte que tout. Avec un soin tout particulier, il l’ouvrit et découvrit son contenu.

Sur une photo, l’homme posait avec une femme d’une quarantaine d’années passées. Sa cascade de boucles blondes déferlée sur un visage parfaitement proportionné. Ses yeux bleus débordaient de bienveillance pour le jeune homme qui la tenait dans ses bras. Les deux souriaient, un sentiment si puissant l’amour les enveloppant.

Dans l’enveloppe, deux billets pour Los Angeles attendaient. Ils étaient datés pour le lendemain, treize heures. Il était sur le point de quitter la France avec cette femme et ne plus jamais revenir.

- Il faudra que l’on mette la main sur ce mec rapidement. Il va rentrer au pays avec une jolie femme.

- Comment veux-tu qu’on le chope ?

- J’ai le numéro de son vol. Je vais prévenir Charles pour qu’il le fasse intercepter. Avec le carnet, il devrait tomber pour trafic de stupéfiants. Au moins dix ans à l’ombre, il va devenir blanc.

Le jeu de mots provoqua un fou rire entre les deux amis.

Jules rejoint son compère. Ils jetèrent à nouveau un regard dans le hagard. L’entrepôt semblait plus grand vu de l’extérieur, une petite extension construite. Pourtant il était parfaitement rectangulaire une fois les portes franchies. Pas moyen d’y accéder.

Autour de la première table, Jules et Babacar se posèrent un instant. Ils avaient assez d’éléments pour faire plonger Mâcon, mais au fond de lui, Jules sentait que l’histoire était bien plus complexe. Diane avait eu son rôle, il en était persuadé. Il ne lui manquait qu’un lien entre elle et les autres acteurs.

La porte principale crissa.

Quatre silhouettes se découpèrent dans la lumière naturelle pénétrant dans le hangar. Ils se figèrent. L’espace d’un battement de coeur, Jules n’eut pas plus pour se mettre à couvert.

Les balles sifflèrent. Certaines ricochèrent sur le métal des poutres. Babacar rampa jusqu’à atteindre le dos du mur à outil. La fermeture de sa poche latérale s’ouvrit, sa main empoigna le Glock. Cette fois, il n’oublia pas de retirer le cran de sûreté. Il y eut un bref instant d’accalmie. Il en profita pour faire parler la poudre.

Le premier projectile frôla la jambe d’un des gardes du corps. Il se retourna et cribla la structure de plombs. Babacar riposta sans demi-mesure. Il pressa encore et encore la détente jusqu’à ce que le « clic » mécanique le stoppe. Il était à sec.

- OK les mecs, on arrête de jouer. Rendez-vous et je m’engage à vous épargner. C’est un marché plus qu’honorable avec ce que vous venez de découvrir.

Mâcon était sur les nerfs. Ils se triturait les doigts pour maîtriser sa colère.

Jules interrogea son acolyte d’un signe de la tête. Il haussa les épaules. Putain de merde, il fallait qu’il revienne ce connard. Deux options mon gars : résister et prier pour ne pas finir avec un trou dans la tête, ou bien se rendre et prier pour ne pas finir avec une balle dans la tête. Le choix était simple.

- Je ne vais pas attendre la journée. Je vous laisse dix secondes. Neuf, huit…

- Ils se pissent dessus, fit remarquer l’une des trois autres.

- Sept, six, cinq, plus que quatre secondes… Attention…

Le dealer envoya deux hommes faire le tour pour prendre à revers ses ennemis. Il ne prendrait pas le moindre risque. Dimitri l’avait mis en garde, sa tombe l’attendait s’il ne ramenait pas le fric. Il n’échouerait pas. Et si cela signifiait d’abattre ces intrus, il le ferait sans hésitation.

- Trois, deux, un…

Jules se leva les mains en évidence. Babacar l’imita et se mit à découvert. Les hommes de Mâcon se ruèrent sur eux. Quelques coups furent distribués avant d’attacher solidement ses deux prises.

- Bien, c’est un bon choix mes amis. Que la fête commence ! ricana-t-il.

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