Chapitre 19

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Quand je relève les yeux vers ceux de la personne qui m’a rattrapée au vol, je manque de m’étouffer, de crier ou de la frapper. J’avoue avoir beaucoup d’émotions m’envahissant à cet instant. Je suis partagée entre l’horreur, la rage et la peur. Je voudrais prendre mes jambes à mon cou finalement, mais je ne peux pas. Les mains de cet inconnu agrippent toujours mon poignet et mes pieds sont scotchés au sol. Mon cerveau ne répond plus à ce que mon cœur lui crie : pars. La personne en face de moi me regarde intensément et je peux voir un dilemme le tirailler et sans prononcer un mot, il se penche et dépose un baiser tendre sur ma joue, là où s’est arrêtée la course d’une larme. Puis il part. Et je reste là, plantée à côté de la porte. Je n’avais qu’à tendre la main, appuyer sur la poignée et partir.

Mais je ne l‘ai pas fait. Il ne me restait plus qu’à franchir le portail et cette histoire aurait été derrière moi. J’avais fait le plus dur en sortant, mais un mur s’était dressé devant moi. Un mur de questions et de curiosité. Sans réfléchir trop longtemps, j’ai fait demi-tour et ai commencé à courir ; j’ai besoin de le voir, de le toucher et de lui parler. Lorsque je suis assez près, je m’arrête et lance avec le plus d’assurance qu’il me reste dans la voix :

  • Ethan ?

Il ne répond pas, ne se retourne pas, mais il y a une faille dans sa démarche. Quand il se rend compte qu’il s’est dévoilé, il s’arrête, sans pourtant se retourner.

Je recommence :

  • Ethan ?
  • Tu te trompes, me répond-il.
  • Non, bien au contraire. Je saurais te reconnaître parmi des centaines de milliers de personnes.
  • Je ne suis plus celui que tu as connu.

Et cette fois-ci, il me fait face. J’en profite et m’avance d’un pas. J’ai besoin de le voir de plus près, d’effleurer les traits de son visage. Je tends la main et touche du bout du doigt la ligne de sa mâchoire.

  • Mais je ne t’ai jamais connu. J’ai lu ta lettre. Je sais que tu n’as jamais été celui que tu te vantais d’être avec moi. Mais ça ne fais rien.

Mon geste le fait tressaillir. Ou bien étaient-ce mes paroles ? Ce que je sais, c’est qu’il tente de prendre la fuite, une fois de plus. Mais je le retiens. Je n’use pas de force ou de mot, j’utilise uniquement mon regard et, seul lui le fait changer d’avis. Le lot de questions que j’avais à poser s’est envolé. Mais peu importe puisqu’il prend la parole avant même que je n’ouvre la bouche.

  • J’ai menti, c’est vrai. Tout un tas de fois, même. Mais je ne peux pas te laisser croire que je ne t’ai pas aimé. Depuis que j’ai prononcé ces mots pour la première fois, ils n’ont cessé d’être vrais. Ils le sont toujours d’ailleurs, malgré le temps passé, malgré les mensonges et le mal que je t’ai fait. Emma, je t’aime. Et je sais que tu dois te poser tout pleins de questions, mais, s’il te plaît, n’oublie jamais ces mots : je t’aime, du plus profond de mon cœur, avec toute mon âme et la force dont je dispose. Je t’aime, toi et seulement toi.
  • Pourquoi ? Je...je ne comprends pas. J’étais là, et tu étais là aussi. Et du jour au lendemain, tu ne l’étais plus. On m’a dit que tu étais mort. On m’a dit que tu avais eu un accident. J’y étais, je t’ai fait mon dernier au revoir. Tu étais là, dans un cercueil. Je t’ai embrassé une dernière fois. Tu...tu étais là. Je le sais. Je ne l’ai pas rêvé. Alors comment ? Et pourquoi ?
  • Je sais ce qu’on t’a dit. Je sais parce que c’est moi qui leur ai demandé de te dire ça. Je n’étais pas dans ce cercueil. J’étais à l’hôpital. Celui que tu as embrassé ce jour, c’est Thomas. Il a eu un accident et, au même moment, on m’a appris que j’étais de nouveau malade. Je pensais sincèrement que j’allais mourir. Mais je m’en suis sorti, il y a deux mois à peine. Je suis tellement navré, Emma, je sais que ça a dû être dur pour toi, et j’ai été égoïste, mais j’avais affreusement peur.
  • Je t’interdis de me dire que tu comprends et imagines ce que j’ai pu ressentir et encore moins ce que je ressens tout de suite. Tu n’en as pas la moindre idée. Pourquoi t’es revenu ? Pourquoi t’es ici ?
  • Parce qu’on me l’a demandé, tes amies, elles s’inquiètent pour toi. Apparemment, tu sors avec Liam ? Depuis quand ce genre de mec t’intéresse ? C’est le pire !
  • Mais au moins il ne m’a pas menti, ces intentions au début n’étaient peut-être pas les meilleures, mais au moins il est sincère.

Il y a quelques mois, j’aurais échangé tout ce que j’avais pour pouvoir avoir cette discussion avec Ethan. Mais aujourd’hui je ne peux plus entendre un autre mot sortir de sa bouche. Je vois de la peine dans ses yeux quand je le dépasse pour me rendre en cours. Je ne peux ignorer sa douleur, mais, tout de suite, quelque chose en moi me rappelle ce qu’il a fait, ce qu’il a inventé et la douleur qu’il m’a infligée. Instantanément, la culpabilité qui s’emparait de moi s’évapore.

Le voir m’a fait un choc, je l’admets. Je tournais enfin la page, j’acceptais le bonheur qui s’imposait à moi. J’avançais. Et c’est comme si sa poigne me tirait en arrière, me renvoyait dans mon passé, me forçant à voir son visage partout, trouver la lueur de son regard dans celui de tous les autres, entendre sa voix à chaque vibration de l’air. Ça en devient presque insupportable. L’air autour de moi se raréfie et je sens des larmes perler sur mes joues.

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