Que veut donc le Rouge

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  Que veut donc le Rouge pour sa succession ? Non de l’excès, nous l’avons atteint et après être montés au sommet, il ne nous reste plus qu’à descendre. A procéder par antonymie si vous préférez. Souvent l’existence est lutte des contraires. La haine succède à la passion, le vice à la vertu, le tragique au comique. S’en indigner n’y changera rien. Autant en faire notre vérité provisoire, il sera toujours temps d’y revenir quand le temps aura accompli son œuvre. Si les précédents enchaînements s’étaient réalisés à l’aune des associations positives, ici il faut procéder par contraste. Dans cette optique, que peut donc choisir le Rouge ? Mais sa réalité inverse que nous trouverons dans les nuances souples, calmes, émollientes, rassurantes, douces comme le ciel, comme la mer, du BLEU. Communément entendus, ces éléments du ciel et de la mer appellent des images de calme, de paix, de sagesse. Est-ce un hasard si les ciels des berceaux de bébés sont bleus ? Si le khôl des paupières l’est également, si les lapis-lazulis ornent le cou des belles Orientales, si le délicat myosotis est aussi nommé ‘herbe d’amour’, si les nuances de bleu, comme aurait dit Nietzsche parlant des pensées, « viennent sur des pattes de colombe. » Oui, le bleu est image d’apaisement, de repos, de domaine infini de ressourcement. Ecoutons ce qu’en dit Jean-Michel Maulpoix dans son livre ‘Une histoire de bleu’ :

« Le bleu ne fait pas de bruit.C'est une couleur timide, sans arrière-pensée, présage, ni projet, qui ne se jette pas brusquement sur le regard comme le jaune ou le rouge, mais qui l'attire à soi, l'apprivoise peu à peu, le laisse venir sans le presser, de sorte qu'en elle il s'enfonce et se noie sans se rendre compte de rien. »

   Oui, l’écrivain a raison, le bleu est la matière même du regard, les yeux fertiles le recueil au gré duquel ils visent le monde avec la plus grande douceur, le plus exact respect. Et si le monde s’enflamme soudain, ce ne sont nullement les yeux qui sont en cause, leur azur qui présente un défaut, leur aigue-marine qui est atteinte de strabisme, c’est que le monde lui-même a oublié le Bleu, qu’il l’a déchiré pour laisser place à de rubescentes lumières qui l’attaquent et le mordent de toutes parts. Le Bleu est la part célestielle, azuréenne de l’être. Le Bleu est pure floculation, grésil dans l’air qui ne connaît point le lieu de sa chute. Un envol libre de soi, une efflorescence de l’air, les arabesques de la gracieuse libellule. Touché par la patience du Bleu, le cosmos avance vers son destin dans la plus belle assurance. Il sait maintenant qu’il n’y aura plus d’involution qui le recondirait dans les hoquets, les soubresauts tachés de noir du Chaos.

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