Chapitre 27 : Celle qui a des contractions

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Quand j’entre dans le hall de l’hôpital, j’ai une boule dans la gorge et du mal. Je peine à articuler quand je me présente à l’infirmière.

— Vous pouvez marcher ? me demande-t-elle.

J’acquiesce faiblement. J’en suis capable, même si j’ai cette sensation de pesanteur qui me gêne. Je n’ai pas encore trouvé la position idéale pour la faire passer. Je me demande si je devrais essayer les postures apprises en cours d’accouchement. Mais non, j’ai des contractions, mais c’est pas le travail, a dit Caro. Bon, elle était inquiète quand même et m’a conseillé de venir consulter. Je crois que de toute façon je n’aurais jamais pu dormir dans cet état d’inquiétude.

Une infirmière m’installe dans une petite salle. Elle prend ma tension, ma température puis me fait patienter. Les mains sur le ventre, je souffle lentement pour calmer mon angoisse. Rien à faire, mon ventre continue de durcir pour quelques instants. Quand il est tellement ferme que mon doigt ne peut pas s’enfoncer dans ma peau, j’expire et j’inspire en attendant que ça passe. Caro m’a expliqué que c’est ça une contraction. Pas de douleur.

Une sage-femme entre et m’annonce qu’on va faire un monitoring pour vérifier. Alors qu’elle me passe une ceinture en caoutchouc autour du ventre, elle m’explique que les capteurs vont détecter les contractions et leur permettre d’analyser les résultats.

Seule dans la salle, je tente de penser à autre chose que la situation actuelle. Mais les chiffres tournent dans ma tête. 6 mois et demi de grossesse, soit 30 semaines environ. 10 semaines d’avance ! Un bébé est viable sans risque à partir de 33 semaines. On n’y est pas encore. Pas du tout même. Et puis, je ne veux pas accoucher maintenant. Je ne suis pas prête. Je n’ai pas fini les cours de préparation à l’accouchement. Je n’ai pas reçu le lit. Je ne peux pas accoucher si je n’ai pas de lit… Je fonds en larmes. Une infirmière entre à ce moment.

— Ça ne va pas, madame ?

Je renifle.

— Je suis inquiète, c’est tout.

— C’est normal, mais on s’occupe de vous. Tenez !

Elle me tend un mouchoir avec un doux sourire qui me réconforte.

— Le monitoring est bientôt fini. Après c’est le docteur qui viendra....

Pour un peu, j’espère presque que c’est Gabriel qui passera la porte. Ridicule… Je n’ai pas envie de le revoir. Mais un visage familier me rassurerait…

— Est-ce que j’ai eu raison de venir ? balbutié-je à l’infirmière.

Après tout, j’ai peut-être rêvé ces contractions. Elle acquiesce.

— Quand on est enceinte et inquiète, on a toujours raison de venir, me rassure-t-elle. Et vous avez bien des contractions.

Elle ne m’en dit pas plus et s’en va avec un dernier sourire. Je sens mon abdomen durcir de nouveau et soupire. Les contractions n’en ont pas terminé avec moi. Je somnole à moitié quand la porte s’ouvre de nouveau. Un jeune docteur entre avec une infirmière qui me détache la sangle du monitoring. Il examine ensuite mon col.

— Bon, votre col n’a pas bougé. Toujours fermé.

J’acquiesce, les lèvres pincées. J’imagine que c’est plutôt bon signe.

— Par contre, on va faire quelque chose pour les contractions. Il y en a trop. Elles peuvent nuire au bébé et finir par agir sur le col. Vous allez rester cette nuit.

Une boule se forme immédiatement dans ma gorge. J’aurais dû m’y attendre, pourtant il vient de dire qu’il allait faire quelque chose…

— On va vous donner un médicament et on doit vous observer pendant qu’il agit. Il peut faire baisser la tension. Mais il devrait réduire les contractions.

J’opine du menton. Il m’explique encore quelques trucs. Je n’entends plus, mon cerveau est resté bloqué sur le fait que je vais rester à l’hôpital. La vie de mon bébé me parait soudain si fragile.

Une infirmière entre dans la pièce et me perfuse avec le fameux médicament. Je reste allongée sur mon lit qui va me garder pour la nuit, j’imagine. J’ai un tensiomètre autour du bras qui va se déclencher toutes les 15 minutes. Joie ! Le temps passe lentement. Je cesse de naviguer sur mon téléphone, consciente que la batterie ne tiendra pas longtemps à ce rythme-là. Somnolente, je me réveille à chaque fois que la pression autour de mon biceps se resserre. Je n’arrive plus à savoir si j’ai des contractions ou pas. Une infirmière m’a dit qu’il ne fallait mieux pas chercher à les compter. De toute façon, ils viennent de me remettre sous monitoring pour s’assurer que le médicament agit.

— C’est bon, m’annonce le docteur au bout d’un temps que je ne pourrais déterminer. Les contractions se sont atténuées. On va vous garder en observation quelques jours pour vérifier que tout va bien. Vous allez être transférée dans une chambre.

Son sourire est rassurant. Je me dis que le danger est écarté. Bébé va rester encore un peu au chaud.

— Méfiez-vous quand vous vous redressez, me prévient l’infirmière. Votre tension est basse, faudrait pas faire un malaise…

J’opine de la tête et m’assieds délicatement. Elle me questionne du regard, je souris. C’est bon. Avec une autre infirmière, elle m’aide à m’installer sur un fauteuil roulant. Elles discutent toutes les deux, mais d’un coup, je ne saisis plus leurs mots. Mon champ de vision se rétrécit. Je veux crier pour les prévenir, mais ma bouche est trop lourde pour s’ouvrir. Le noir.

Quand j’émerge, je suis de retour dans le lit de la salle médicale. Hagarde, je secoue la tête.

— Vous allez bien ? Vous nous avez fait peur ! s’exclame l’infirmière. Vous auriez dû nous prévenir que ça n’allait pas.

Je voudrais lui expliquer que je n’ai pas réussi, mais je suis encore faible et parviens seulement à esquisser un sourire d’excuse.

— On va attendre encore un peu que votre tension remonte avant de vous transférer.

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