Chapitre 24 : Celle qui rompt

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Je pose mon téléphone avec précipitation et me poste près de la porte. J’attends que Gabriel monte en ascenseur. Dans ma poitrine, mon cœur bat follement. Mes ongles ne cessent de s’approcher de ma bouche, alors même qu’il n’y a plus le moindre bout à mordiller. J’entends les portes de l’ascenseur s’ouvrir. J’entrouvre et accueille Gabriel avec un sourire crispé.

— Ça va ? me demande-t-il immédiatement.

Décidément, il me connait bien. Je grimace.

— Je voudrais te parler.

Il fronce les sourcils.

— T’as l’air bien sérieuse ! Je peux retirer mes chaussures quand même ?

Je hoche la tête sans parvenir à me dérider. Je suis certaine que je prends la bonne décision, même si je sais déjà que je vais souffrir.

— Tu veux boire quelque chose ? Un coca ?

Il accepte d’un signe de tête et je ramène des verres sur la table basse. Il s’assied à mes côtés et touche ma main.

— Alors de quoi tu veux parler ?

Je déglutis.

— De nous ?

Je lis dans son regard qu’il veut plus de détails.

— Je pense qu’il faut qu’on arrête de se voir.

Mes yeux s’embuent de larmes. Je renifle. Je dois me montrer forte, c’est moi qui suis en train de rompre, après tout. La bouche de Gabriel s’entrouvre, mais il ne répond pas tout de suite.

— Je ne comprends pas… Je pensais qu’on était bien ensemble.

— Justement.

— Euh là, je ne te suis plus Athéna. On doit arrêter parce qu’on est bien ensemble ?

— Exactement. On est bien ensemble, mais pour combien de temps ? Dans moins de trois mois ce sera terminé !

Je désigne mon ventre plus qu’arrondi et poursuis.

— C’est inutile de s’attacher plus encore et de souffrir après !

— Mais… Mais… Ce n’est pas inutile ! On est heureux !

— Non ! Tu es heureux ! Moi, je ne cesse de penser à après. Chaque minute qui me rapproche de mon accouchement est à la fois un supplice et un délice ! Je suis tiraillée entre vous deux… Je ne peux pas. J’ai pris la décision d’avoir un enfant toute seule et ce n’est pas pour le reléguer au fond de ma vie ! Je veux me consacrer à lui et être heureuse de son arrivée, pas déçue qu’il m’empêche de te voir !

Gabriel passe une main dans ses boucles brunes et grimace.

— Je ne savais pas que tu ressentais tout ça, tu aurais dû m’en parler…

Il caresse ma joue sur laquelle une larme s’est échappée.

— C’est ce que je fais maintenant.

— On peut trouver une solution…

Je ricane.

— Une solution ? J’y ai bien réfléchi, il n’y en pas. Notre relation est vouée à l’échec.

Il s’approche encore de moi et dépose un baiser sur ma tempe.

— Je tiens à toi, Athéna, murmure-t-il.

— Moi aussi. Et c’est bien le problème, je lâche avant d’éclater en sanglots.

Enveloppée dans ses bras, j’inspire son odeur, celle qui me manquera bientôt. Gabriel ne cesse de poser des baisers légers dans mes cheveux. Comment fait-il ? Il devrait me détester.

— Tu es sûre de toi ?

Je renifle peu élégamment et relève mon regard vers lui.

— Oui. Sauf si tu es prêt à vivre en famille avec moi ? je propose alors que je m’étais promis de ne pas le faire.

On ne peut pas demander autant d’engagement à quelqu’un que l’on connait depuis moins de cinq mois. Il faut plusieurs années avant de fonder une famille. C’est injuste de lui demander une telle chose. Il secoue la tête. Mon dernier espoir fracassé.

— Je partirai demain et ce sera fini, promet-il. Mais laisse-nous au moins cette soirée !

J’acquiesce, incapable de prononcer un mot. Ses lèvres se déposent sur les miennes avec une délicatesse renouvelée. Dans son regard brille la même douleur que je ressens. Préférant oublier, je ferme les paupières et me laisse aller contre lui. Sa chaleur m’enveloppe avec familiarité. Réalisant que ce sera la dernière fois, je m’accroche à lui. Nos langues bataillent avec une vigueur nouvelle. Celle de la dernière fois.

Je passe les mains sous son tee-shirt. Je veux sentir sa peau contre la mienne. Tout sentir de lui. Je me perds en lui. Je m’abandonne entièrement.

***

Le lendemain matin, j’émerge dans une sorte de brouillard. Nous n’avons pas beaucoup dormi. L’urgence nous a poussés à nous caresser et à nous aimer. J’entrouvre une paupière. Gabriel est en train de rassembler ses affaires au pied du lit. Une boule se forme dans ma gorge. Je ferme les yeux pour fuir une quelconque conversation. Je ne serai pas capable de parler sans pleurer. Je ne sais pas si Gabriel est dupe, mais je sens le matelas s’affaisser tandis qu’il se penche vers moi. Il embrasse mon front.

— Je t’aime Athéna ! murmure-t-il avant de partir.

La porte a à peine claqué que les larmes dévalent sur mes joues.

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