Chapitre  7 : Celle qui va à l’hôpital

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Ma vie suit son court tranquillement. J'ai juste reçu un SMS de Gabriel. Si un jour je change d'avis, il attend un message. Avec un pincement au cœur, je me suis retenue de répondre.

A presque trois mois de grossesse, mon ventre commence tout juste à s'arrondir, mais j'enfile des vêtements un peu plus amples. Je pense l'annoncer bientôt à mes collègues. J'appréhende. La plupart ne sont pas au courant de mes projets. J'en avais parlé à quelques uns seulement. Puis plus rien après le premier échec d'insémination. Je leur ai dit que ça n'avait pas fonctionné du bout des lèvres. Depuis, quand ils me parlent, j'ai l'impression qu'ils marchent sur des coquilles d’œuf pour éviter de parler d'enfants. Difficile à faire quand ils ont une famille....

Je les comprends aussi. Marie, la prof de français, essaie d'avoir un enfant depuis plus de six ans. Ils ont essayé tout un tas de truc. Au fil des années, on a vu combien tout ça pesait à Marie. Quand des collègues ont des enfants alors qu'ils ont essayé bien après elle... Je suis assez proche d'elle. On va parfois boire un Starbucks après les cours. Cependant, je n'ai pas osé aborder mon choix de vie avec elle. Plusieurs fois, les mots ont failli m'échapper. Et maintenant que je suis enceinte, je ne sais pas trop comment lui dire. Certainement pas en arrivant le matin, à côté de la photocopieuse, « Salut Marie, ça va ? t'as passé un bon week-end ? Bah sinon moi je t'ai pas dit mais je me suis faite inséminer en Belgique et je suis enceinte.». Il faudrait du tact...

Je me mords la lèvre alors que j'entre dans la salle des profs. Hors de question de servir le même mensonge que ma mère ! J'ai fait le choix de fonder une famille seule, je vais assumer. Mais j'aimerais le faire avec délicatesse.

J'avance vers mon casier quand je sens quelque chose d'humide entre mes cuisses. Je me fige. C'est vrai que depuis que je suis enceinte, j'ai beaucoup de pertes blanches. Glamour, bonjour ! Mais pas autant que ça d’habitude.

— Athéna, ça va ? me lance justement Marie assise à côté. T'es toute blanche ?

Je hoche la tête avec une grimace.

— Je dois juste aller aux toilettes.

Elle me regarde les yeux écarquillés tandis que je m'enfuis aussi vite que je peux vers les WC.

Une fois la porte refermée, je baisse ma culotte et découvre avec horreur une tache de sang. Je m'assois sur la cuvette. Mon cerveau peine à analyser la situation.

Je suis enceinte, je ne peux pas avoir mes règles, non ? Je souffle. Suis-je en train de faire une fausse couche ? Je mordille nerveusement mes ongles. Les larmes dévalent sur mes joues. Je ne sais combien de temps je reste avant d'ouvrir la porte.

Nadège m'attend derrière.

— Je suis désolée, je commençais à m'inquiéter. ça fait un moment que t'es partie...Et ma mère tombe toujours dans les pommes quand elle a la gastro...

— Merci, c'est pas la gastro.

— Ah bon, t'es sûre ?

Je renifle avant de sangloter bruyamment.

— Je suis enceinte... j'ai perdu du sang ! je lâche, incapable de plus d’enrobage.

Son visage perd toutes ses couleurs. Sa bouche s'arrondit silencieusement. Elle fixe mon ventre avant de revenir à mon visage. Soudain, elle me dit :

— Faut que t'ailles aux urgences ! C'est grave... Tu peux conduire ? T'as mal quelque part ?

Toutes ses questions me sortent de mon état anesthésié.

— J'ai mal nulle part. Je peux conduire. Je vais y aller. Tu préviens le principal pour moi ?

Elle hoche gravement la tête et m'accompagne jusqu'à la salle des profs où je récupère mes affaires.

— T'es sûre ?

— Oui, merci Marie.

J'esquisse un sourire et m'en vais. Dans ma tête, tous les scénarios possibles et imaginables se profilent. Je me retiens à grand peine de chercher grossesse et perte de sang sur Google. Surtout pas ! Cathy nous a rappelé l’autre jour à quel point c’est anxiogène. Je mourrais d'une crise d'angoisse avant d'arriver à l’hôpital.

Je m'engouffre dans ma Polo et cherche l’hôpital le plus près du collège sur le GPS. Quinze minutes de voiture... Je tente de me concentrer sur la musique qui passe à la radio. Mais même les Maroon 5 ne peuvent lutter contre l'angoisse qui m'étreint.

***

Dans l’hôpital, j'annonce à la secrétaire des urgences la raison de ma venue. Elle m'annonce que je vais être envoyé au service des urgences gynécologiques et demande à une infirmière de venir me chercher. On me pose alors tout un tas de questions : depuis quand je suis enceinte ? la date de mes dernières règles ? Si j'ai déjà fait une échographie ou une prise de sang ?

Je réponds rapidement, espérant qu'on aille au plus vite vers mon problème.

Une fois son dossier complété, l'infirmière m'emmène dans une petite salle avec un bureau.

— Patientez-ici le docteur va arriver.

Je m'assois et découvre derrière moi un lit médical avec des étriers et tout un tas d'appareils à côté. Je caresse mon ventre. Pourvu que ce bébé de la taille d'un citron.

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