2 : Celle qui va chez le docteur

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Je souffle un grand coup avant de pénétrer dans la salle d'accueil.

— Bonjour ! m'accueille la secrétaire.

Je la salue et lui explique que je viens pour le premier rendez-vous de suivi de grossesse.

— Très bien. Le papa n'a pas pu venir ? demande-t-elle avec un sourire.

Je réponds par un haussement d'épaules. Elle est bien curieuse, celle-ci. Je ne dois pas être la seule femme à venir toute seule. Lorsque je m'installe sur une chaise dans la salle d'attente, je découvre que si. Aujourd'hui en tout cas, je tente de me réconforter. Je ne suis pas venue ici pour ma PMA. En France, un projet de loi est évoqué pour que les femmes célibataires puissent prétendre à la procréation assistée, mais pour l’instant, cela n’avance pas. Je ne voulais pas attendre quelques années de plus, peut-être avoir du mal à tomber enceinte et me retrouver mère à 40 ans. Cela n’a jamais été dans mes projets. Alors, je me suis tournée vers la Belgique pour accélérer le processus.

En face de moi, une femme au ventre arrondi semble être en fin de grossesse. Enfin j'espère. Ou ce sont des jumeaux. Jusque là, je ne m’étais pas inquiète concernée la grossesse. C’était juste le stade à atteindre. Mais maintenant je découvre que ce n’est pas un simple statut. Cela n’a rien à voir avec le fameux en couple/célibataire de facebook. Mon corps est bouleversé. Rien que les hormones qui ont pris leur envol me le rappelle. Et dire que d’ici moins de 8 mois, mon bébé sera dans mes bras. Si tout va bien… Je retiens un soupir. La peur de la fausse couche s’impose brutalement à moi. Et si…Pourvu que tout aille bien.

Je tente d’occulter mon angoisse en observant les patientes. Une autre femme, à peine sortie de l'adolescence, est assise à ma droite avec ce qui doit être son petit ami. Ils sont silencieux. Rien de croustillant pour me distraire.

L'attente est longue. Un magazine dans les mains, mon esprit dérive. Je revois le moment où j'ai décidé que je ne pourrais pas vivre sans enfant, que je sois célibataire ou non. A trente-quatre, c'est comme si mon horloge interne avait déclenché une alarme. Si tu veux des enfants c'est maintenant ! J'ai commencé à me renseigner sur l'insémination, les droits. Je savais déjà que c'est pas si simple que ça. Nadège, une collègue prof de français, a fait quatre inséminations et trois FIV dans aucun résultat pour l'instant. Je n'ai pas encore osé lui annoncer que je suis enceinte au bout de ma deuxième insémination... Je ne sais pas comment lui dire. Y a-t-il une bonne façon ? Devrais-je le faire vite comme lorsqu'on arrache un pansement ? Elle va souffrir. J'imagine déjà ses yeux bleus se remplir de larmes. Des frissons hérissent le duvet sur mes bras. La vie est tellement injuste.

— Madame XX? appelle le docteur.

Il me serre la main avec un sourire aimable.

— Comment allez-vous ? me demande-t-il une fois installé derrière son bureau.

Il me suit depuis l'adolescence. Je l'aime bien, même si il m'a proposé de congeler mes ovules. Merci pour le coup de vieux !

— Je suis enceinte, je déclare.

— Voulez-vous le garder ? me demande-t-il. C'est une merveilleuse nouvelle ! s'enchante-t-il une fois que j'ai hoché la tête.

Il doit s'assurer que c'est une grossesse prévue avant de s'enthousiasmer, j'imagine le fiasco sinon...

— Pouvez-vous me donner la date de vos dernières règles ?

Je lui explique alors tout le processus qui a conduit à ma grossesse. Calme, il ne semble pas choqué que j'ai décidé de faire un bébé toute seule, comme dirait Jean-Jacques Goldman.

Il me donne tout un tas de détails sur les papiers que je vais devoir fournir à la sécurité sociale, à la CAF et à mon employeur. Puis, il me propose de m'ausculter. Enfin ! ai-je envie de crier.

Installée sur le lit, il enduit mon ventre encore plat d'un gel froid avant de placer l'échographe dessus. Je retins un sursaut au bruit qui emplit la pièce.

POUM POUM POUM

Le coeur de mon bébé bat à toute vitesse. Les larmes pointent au coin de mes yeux. Le gynécologue sourit.

— C'est émouvant, n'est-ce pas ?

Je hoche la tête, les mots bloqués dans ma gorge.

— Voyez, on voit déjà la forme du corps et de la tête. Les membres ne sont que des bourgeons à ce stade, mais ils vont se développer bientôt.

— Tout va bien ! Je vais vous prescrire une série de tests sanguins que l'on va suivre tout au long de la grossesse. Avez-vous des symptômes pour l'instant ?

Je lui explique que je suis un peu nauséeuse par moment et extrêmement fatiguée. Il en conclut que tout va bien. Je sors du cabinet, rassurée.

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