Une affaire urgente

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 Judicaël Westerberg regarda sa montre : il lui restait une vingtaine de minutes avant l’heure de la pause déjeuner. Il venait d’envoyer la commande de capteurs photosensibles, et commencer un autre dossier dans un laps de temps aussi réduit ne lui semblait pas pertinent. Il avait toutefois une idée en tête. Il quitta donc son fauteuil et partit dans les couloirs en direction du service juridique.

 On aurait pu croire en le voyant et en entendant son nom que Judicaël était nordique : grand, vigoureusement charpenté, des cheveux blonds mi-longs ramenés en arrière et enfin des yeux d’un bleu aussi froid qu’un fjord en hiver. Il était pourtant né en France, le nom n’étant qu’un héritage d’un lointain ancêtre. Toutefois, l’idée qu’à son charme s‘ajoutait du sang viking semblait fasciner certaines… et certains. Judicaël était séduisant, le savait et en profitait. Et il comptait bien faire usage de ses attraits avant le repas.

 Il arriva devant le bureau doté de la plaque « Malek Kairouz, juriste », puis toqua à la porte. On lui donna la permission d’entrer. Il ouvrit donc, et sans rentrer dans le bureau, s’appuya contre l’embrasure de la porte, un sourire au coin des lèvres. Assis en face de lui, Malek lui demanda d’attendre un instant qu’il finisse de lire le mail qu’il venait de recevoir. Malek était plus petit que Judicaël, et sa peau hâlée contrastait avec la pâleur de son collègue. Ses cheveux noirs étaient coupés courts, et ses yeux sombres brillaient derrière ses lunettes de lecture. Une fois le mail parcouru, Malek retira ses verres et se tourna vers le grand blond.

– Qu’est-ce que je peux pour toi, Judy ?

– Je me demandais si, oh, par hasard, tu avais quelque chose de prévu dans le quart d’heure à venir…

 Une lueur malicieuse s’alluma dans le regard du juriste.

– Le service achat aurait besoin de mon assistance ?

– Un besoin urgent qu’il faudrait que tu viennes combler » répondit Judicaël avec un large sourire.

– Dans ce cas… » conclut Malek en se levant. « Tu connais ma propension à me jeter à corps perdu dans les affaires urgentes. »

– Et tu sais à quel point quel point j’aime me perdre dans ton corps… » souffla Judicaël dans le cou de son collègue alors que celui-ci lui passait devant. Malek l’attrapa alors par la cravate et le tira doucement vers lui, un air ingénu sur le visage.

– J’ai un trou de mémoire… Tu veux bien me refaire une démonstration ?

– Tes désirs sont des ordres, Malek.

 Judicaël posa alors sa main sur le fessier de son ami et, mêlant caresse et poussée, l’invita à le suivre dans les couloirs de l’entreprise.

– On évite les toilettes, cette fois-ci ? » demanda le brun. « On a failli se faire repérer la dernière fois.

– Pas de soucis » répondit laconiquement le blond. « J’ai prévu le coup.

 Ainsi, au lieu de se diriger vers les W.C., le duo tourna à droite au détour d’un couloir pour finalement s’arrêter devant la porte de l’ascenseur. « Sérieux ? » demanda le juriste, mi amusé, mi surpris. L'acheteur se fendit pour toute réponse d’un rictus lubrique, puis appuya sur le bouton. Quelques instants plus tard, la cabine s’ouvrit devant eux.

– Parfait pour monter au septième ciel » plaisanta le blond pénétrant dans l’ascenseur.

 Malek le rejoignit, puis passa son bras derrière la nuque de son collègue pour l’attirer vers lui. Si quelqu’un était passé à ce moment-là dans le couloir, il aurait pu apercevoir, avant que les portes de métal de l’ascenseur ne finissent de se fermer, un grand homme blond embrasser un homme brun plus petit, l’un tenant le visage de l’autre, les mains du deuxième posées sur les hanches du premier.

 Le petit indicateur numérique signala que la cabine entamait sa descente. Puis, après quelques étages, les chiffres s’arrêtèrent de défiler, la suite s’interrompant soudain au numéro 3. L’ascenseur n’ateignit cependant jamais le troisième étage, ni aucun autre d’ailleurs. Il semblait s’être évanoui entre deux paliers… Par chance ou peut-être parce qu’une divinité de la chair veillait au grain, personne ne vint solliciter l’élévateur pendant sa mystérieuse disparition. Le compartiment métallique était soudainement devenu un espace hors du temps, l’espace d’une dizaine de minutes. Seul un faible râle aurait pu être entendu à quelques occasions, mais nulle oreille n’étant présente, qui aurait même pu affirmer qu’il y avait réellement eu du bruit ?

 Enfin, à onze heure cinquante-huit très exactement, la cabine s’ouvrit à l’étage exact duquel elle était partie quelques moments auparavant. Judicaël réajusta sa cravate tandis que Malek se passait le pouce au coin des lèvres, puis le grand blond fit un pas en avant.

– Oublie pas ta braguette » lui rappela son collègue.

 Judicaël s’arrêta alors. Il eut un petit « zip », puis les deux hommes partirent de concert vers le réfectoire.

 Alors qu’ils s’éloignaient du lieu de leurs plaisirs, on y pouvait encore entendre leurs paroles qui s’éloignaient peu à peu.

– T’aurais pas mangé de l’ananas, récemment ?

– Il me semble pas, pourquoi ?

– Pour rien…

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