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     Il est là, inerte dans son corps de jeune homme, il me fixe. Il me fixe de ses yeux grands ouverts, les pupilles dilatées. Des yeux effrayants. Des yeux terrifiants sur un doux visage. Un doux visage au sourire forcé accompagné d'amers larmes sur ses joues. Ses cheveux sont noir, un noir pur, un noir plus noir que noir. Ils sont en bataille, et certains sont collés au sol. Son visage est entouré de peinture rouge, un rouge profond, sanglant. Quel triste tableau ! Il ne ressent plus rien, on voit sur son visage qu'il ne peut plus rien ressentir, rien penser. Non, il ne veut plus ressentir et ne veut plus penser.

Ses vêtements son lamentables. Un simple t-shirt autrefois blanc, maintenant rouge, noir, marron, gris. Un simple t-shirt blanc immaculé d'immondes couleurs, et, en lambeaux de toutes parts. Un trou par-ci, un trou par-là. Pathétique. Son short verdâtre cache un peu ces mêmes couleurs noirâtres et rougeâtres mais pas les déchirures qui le parcourent également.

Il ne porte même pas de chaussures. Ses pieds sont nus, couverts d'égratignures, de coupures et de ces mêmes couleurs immondes. Rouge, noir, marron. Rouge, noir marron. Atroce rouge, atroce noir, atroce marron. Immonde répétition. Répétition qui enlaidi ce tableau qui aurait pu être si beau.

Je le vois, ce corps inerte, immaculé, asséché, flétri, pourri, pathétique. Je le vois, il me voit. Je le contemple et il me fixe de ces pupilles, noires pupilles terrifiantes, dilatés, dégoulinantes. Son corps poussiéreux reste inerte, même à l'approche de ces gros blocs de béton qui tombent autour de lui.

Dans son visage on lit la peur.

Dans ses pupilles on devine le reflet d'un objet. Un grand objet presque conique. Il scintille. Du plomb, du fer... On devine un objet métallique. Un objet pointé vers lui. Un objet qui fait peur. Un objet entouré de flammes, de gravats, de fumée. Un obus. Dans ses pupilles, on devine le reflet d'un obus.

Ce tableau, avant, était joli. Ce jeune homme était là, presque inerte. Joyeux, ses cheveux coiffés sur le côté, un petit sourire se dessinant sur ces lèvres. Son t-shirt blanc, parfaitement banc et son short verdâtre. Toujours pied nus. Gai tableau. Tableau de malheur quand le peintre à tracé un garçon terrifié, au sourire forcé. Tableau maudit, quand il à tracé le garçon inerte que je vois.

Le garçon ne ressent plus mais je devine une peur, une terreur continuelle. Une tristesse incessante. Du courage et de la nostalgie s'entrechoquent au fond de son regard. L'espoir effleure ses lèvres, son faux sourire. Pathétique. Il inspire la pitié de A à Z, de sa tête effrayante à ses pieds blessés en passant par son immonde corps.

De lui, émane une chose. Un monstre qui baigne dans la haine, la fureur, la tristesse, le désespoir. Un monstre qui se nourrit de la guerre et de la mort. Un monstre dont les parents sont les ténèbres, le mal en tous sens. Maléfice, malédiction. Cruauté qui ronge par les maux. De lui, émane le dégoût. Horrible dégoût. Atrocité, immondice, mocheté, horreur de vicieux dégoût maléfique. Sombre et noir désir. Larmes d'un perdant dans l'espoir, larmes d'un gagnant dans le désespoir. Apeuré par la fin, mais content que tout s'achève, se termine. Un monstre que ce dégoût émanant de ce corps inerte et innocent.

Tous les traits de ce tableaux sont moches. Tableaux pourri, tableau raté. Écœurant. Écœurants coups de pinceaux dégoulinants de pathétisme. Peinture craquelée, autant que ce pauvre corps de jeune homme. Un véritable chef-d'œuvre raté. Non, réussi. Parfaitement réussi mais entièrement immonde au regard. Une toile gâchée.

Et là, je remarque un détail. Ce jeune homme, il tient, dans sa main, un petit jouet. Un petit jouet pour fillette. Un petit jouet, tout petit jouet pour sa sœur, petite sœur. Sa main est crispée autour de lui, les os ressortant presque de ses doigts. Les doigts d'une main exactement pareil à ses pied. Blessée. Mais ce jouet, là, il embellit l'aura de ce garçon. Hormis ce fait, il enlaidit encore plus le tableau. Maintenant, de ce garçon, le monstre qui en émane, ce dégoût; il n'est plus le même. Il est furieux. Un dégoût emplit de fureur mais pas que. Un dégoût truffé d'un millier d'émotions, de sentiments, de ressentis. Un dégoût de plus en plus laid, immonde.

Finalement, ce garçon inerte qui ne peut plus ressentir pense quand même, en toute inconscience, à un nombres incalculable d'émotions allant de la joie à la haine, de la gaieté à la fureur, de l'espoir au désespoir...

Pourtant, il reste là. Ce jeune homme inerte qui me fixe. Il m'effraye. Dans ce tableau qui donne envie de sourire et de pleurer, de fuir et de rester, d'espérer et désespérer. Un tableau de paix et de haine qui cohabitent. Mais tout cela ne fait qu'engendrer le dégoût, de plus en plus profond.

Sur ce jeune garçon, il y à des pierres, des pierres qui l'écrasent.

C'est moi. Ce jeune homme, c'est moi; ce tableau c'est chez moi; ce rouge, c'est mon sang; ce noir et ce marron, se sont les cendres qui m'entourent, la poussière; ces pierres et blocs de bétons étaient ma ville.J'ai peur de moi-même et du dégoût que j'expire. Je transpire, je sue l'odeur de la mort. Je ne suis qu'ombre de moi-même, mon propre tableau, ce corps inerte sous cette pluie de pierres et d'obus. Je suis mort, aujourd'hui même,sous les coups de la guerre et je me contemple disparaître dans les abîmes, plonger dans néant. 

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