Ma chère Irène.

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 Si tu savais le coup de poignard en plein coeur que j'ai reçu, lorsque j'ai ouvert la boîte aux lettres ce jour-là, et que j'ai mis la main, avec horreur, sur cette enveloppe envoyée par ta famille, avec une croix grisée dessus. J'ai tout de suite compris. Et je sais pourquoi je déteste tant les croix aujourd'hui.

 J'ai aussitôt téléphoné à Lionel, ton compagnon. Vous étiez déjà loin en route pour la cérémonie et l'enterrement dans je ne sais plus quelle région du coeur de la France. Un après-midi entier à pleurer toutes les larmes de mon corps sur mon lit.

Le Ciel, je n'y crois pas. L'Enfer, il est sur Terre. Et l'Enfer, il coulait dans tes veines aussi, écorchée vive.

 Si tu savais combien je t'aimais, Irène. Comme une soeur. Comme la soeur que je n'avais jamais eue et qu'à jamais j'ai perdue. Mon âme-soeur.

Tu étais si belle avec tes longs cheveux, et si fière, intelligente, extrêmement cultivée, tu lisais tout ce qui te tombait entre les mains. Même dans ton bain, tu lisais.

 Tu me disais "Je suis folle, tu sais". Non, tu n'étais pas folle, Irène. Tu prenais juste tellement à coeur tout ce qui t'entourait, te torturais l'âme et t'entaillais les avant-bras... Passionnée, hypersensible, perfectionniste dans l'âme, tu ne parvenais plus à m'écrire, ni même à communiquer.

J'ai mal de n'avoir rien su faire pour toi. Juste avoir été là, mais ça n'a pas suffi. Tes démons étaient bien trop puissants.

 Je ne suis jamais allée sur ta tombe. Pour moi, ça ne rime à rien. Ce n'est que du vent. Des os au fond d'un trou. Voilà pourquoi aujourd'hui j'ai eu envie de t'écrire et de t'envoyer ce ballon, dans quelque dimension que tu sois. La seule dimension que je comprenne, c'est celle de mon coeur : c'est là que tu es. Depuis toujours. Et pour toujours.

 26 ans : c'était trop jeune pour mourir. Saloperie d'anorexie.

 Tu écrivais toi aussi, des textes déroutants, fort bien conçus, parfois d'une violence inouïe. Tu me les avais confiés, comme un trésor encombrant.

Peut-être que la boucle se perpétue, et c'est pourquoi j'ai pris la plume, et j'écris désormais... Peut-être que cette envie, cette folle passion des mots, c'est quelque chose de toi qui s'est transmis, j'ai envie de le penser.

Alors, je te le promets, je vais continuer...

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