Le voyage

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Louis, Annabelle et sa vielle gouvernante, Madame Lebon, sont en route depuis plusieurs heures, dans la calèche. Les bruits des sabots des deux superbes chevaux qui les entrainent sur les routes pavées et le heurt des roues sur les cailloux emplissent la cabine. Nul besoin de parler. Chacun se retire dans ses pensées.

La semaine de Louis a été chargée en émotions et en travail, afin de préparer son départ. Les parents, tout d’abord heureux et reconnaissants de l’offre qui leur est faite, ont eu du mal à songer à l’absence de leur fils ainé. Les enfants ne l’ont pas quitté d’une semelle, le harcelant de questions sur sa future vie, une véritable aventure pour eux, qui n’ont connu que leur ferme et leur village. La petite Julie est triste et Louis la réconforte le soir dans son lit. Elle le rejoindra dès qu’elle sera un peu plus grande. Elle doit bien travailler à l’école et elle fera son apprentissage de jardinière, avec lui, à Nice, mais Louis fait attention à ne pas en dire trop. Et si ce n’était qu’un mirage ? Il a peur de trop promettre à tout le monde. Il aimerait tant les aider, épauler ses parents dans l’éducation des petits, promesse d’une vie meilleure.

Pour cela, il doit faire ses preuves et la chance pour l’instant est avec lui. Une opportunité unique.

Ses deux vieux amis sont heureux pour lui, mais eux aussi, il les laisse seuls avec leur solitude, leurs maux de personnes âgées. Il doit réussir absolument et son rêve serait de regrouper tous ceux qu’il aime auprès de lui, là-bas, au bord de la mer. Il imagine le bleu, la grande ville, les demeures de riches, les parcs, les fontaines. Le voyage lui semble trop court pour penser à tout, pour imaginer sa vie dans quelques heures. Il se prépare mentalement. De temps en temps, il jette un coup d’œil à ses compagnes de route. Annabelle regarde au loin, ses yeux clairs fixés sur l’horizon. A quoi pense-t-elle ? Quant à la gouvernante, elle dodeline de la tête, endormie depuis les premières minutes du voyage.

A midi, on s’arrête pour une pause pique-nique. D’un grand panier en osier, Madame Lebon sort des assiettes, verres et couverts, des petites merveilles gastronomiques concoctées par la cuisinière qui était dans le secret du départ. Elle a voulu mettre tout son cœur dans ces recettes pour dire au-revoir à sa jeune maitresse. C’est un délice, Louis n’a jamais rien mangé d’aussi fin. Il hume le pain, les fruits, la viande froide, les biscuits à la fleur d’oranger. Il ferme les yeux, la tête penchée vers le soleil. Annabelle préfère l’ombre d’un platane, elle commence à discuter avec Madame Lebon et semble inquiète de la réaction de son père. Mais sa mère l’attend et c’est tout ce qui compte. Elle a de la peine de laisser derrière elle ses fidèles employés, ses amis, mais son père est insupportable et sa vie est un combat de tous les jours pour éviter qu’il fasse encore plus de mal. Sa mère s’est déjà enfuie, il était furieux, mais c’est vite consolé avec une de ses maitresses.

Elles parlent, ne prêtent pas attention à Louis qui s’est rapproché d’Achille, le cocher. Il est un peu rude, mais sympathique et surtout fidèle à sa maitresse. Sans le vouloir, Louis commence à lui poser des questions sur Mademoiselle de Montaigu. Achille est bavard et raconte. Mademoiselle est une bonne personne, intelligente et il est satisfait qu’elle retrouve sa mère, à qui elle ressemble énormément. Elles seront beaucoup plus heureuses toutes les deux. Annabelle a un petit frère, Hector, qui fait ses études dans un pensionnat privé à Cannes. Il revient tous les samedis et pendant les vacances scolaires, et sera ravi de la présence de sa sœur bien aimée. Tant pis pour ce maudit maitre, il ne comprend pas qu’il a des trésors autour de lui, il ne vit que pour l’argent et s’est entouré de vauriens qui lui font des ronds de jambes, pour lui soutirer des sous. Achille est content de partir, de ne plus le voir. A moins, que Monsieur de Montaigu ne vienne tous les chercher à Nice et les ramène à Digne. Mon Dieu, épargnez-nous la présence de ce fou. Achille s’agite, Louis le fait taire pour ne pas alerter les deux femmes qui maintenant rangent les affaires dans le panier.

Le reste du voyage parait beaucoup plus long. Le petit groupe s’arrête dans une auberge de campagne pour y manger et passer la nuit. Les chevaux doivent aussi se reposer.

Le lendemain, après un voyage assez agréable, la calèche arrive enfin à Nice. Louis a les yeux qui se sortent de leurs orbites, ces couleurs éclatantes, les palmiers, la mer qu’il découvre, ce bleu turquoise étincelant, c’est magique. La ville énorme, les montagnes qui se détachent dans un ciel sans nuages. La bouche ouverte, il vit un rêve.

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