Les uns sans les autres

2 minutes de lecture

Des fois il vaut mieux boire pour oublier. Alors au lieu de siroter seule dans son coin je pars faire une journée dégustation de vins. Quitte à boire, autant y aller franco. En vrai, goûter des vins c’est âpre, surtout sans manger. En deviner les arômes c’est rude, surtout sans rien trouver. Cela dit, à tous les coups on gagne lorsque l’on dit “fruits rouges”. C’est ce que je répète à mon voisin de gauche qui se marre à chaque fois, donc je continue. Tester environ quinze vins en majorité rouges à la suite, c’est la garantie d’avoir un sourire violacé en fin de journée, dents et langue comprises. Une fois dehors, je prends soin de très peu ouvrir la bouche sous peine d’être directement cataloguée alcoolique. Tiens, je croise la femme âgée aux cheveux rouges. Elle tient, comme d'habitude, dans sa main gauche un fil au bout duquel pendouille une clé et marche, façon robotique, en levant mécaniquement ses pieds chaussés de chaussons fourrés. Dehors, il fait plus de 30°C. Dans quel état doivent-être ses pieds ? Sa balade quotidienne consiste à aller s’asseoir sur le banc du quai du tram et de voir défiler les rames. Je suis loin d’être la seule dans le rouge.

Des fois, c’est bien de faire du sport. Je pars donc à la piscine. Elle est gigantesque. Le bassin est divisé en huit couloirs de nage. Chacun est destiné à un groupe de personnes bien spécifiques : ceux qui nagent plus vite que les autres, ceux qui nagent avec des plaquettes, ceux qui nagent pépère, ceux qui prennent des cours et ceux qui ne savent pas où se mettre. En l’occurrence, moi. Je choisis un couloir sans étiquette. Cela fait belle lurette que je n’ai pas nagé. Mon maillot de bain non plus. Il semble s’être bien distendu et j’ai l’impression qu’il prend de l’avance. Je m’improvise MacGyver et j’entortille le haut de mes bretelles entre elles dans mon dos à chaque aller pour dire de maintenir le maillot près de mon corps un tant soit peu. Cette manoeuvre fonctionne sur quelques mètres puis la compétition entre lui et moi recommence. Est-ce que les nageurs qui me croisent voient vraiment ce que j’imagine qu’ils voient ? Mes lunettes ne sont pas optimales non plus et me font un mal de chien. À la sortie du bassin, face au miroir, je ressemble à un panda qui perd sa combinaison. J’ai beau essayer d’atténuer le cercle dessiné autour de mes yeux avec de la crème, rien n’y fait. Je sors donc avec mes lunettes invisibles. Bizarrement, après m’être acheté un nouveau maillot de bain et des lunettes plus larges aux ventouses plus douces, je ne retourne pas à la piscine. Le traumatisme est incommensurable. Laissons passer un peu de temps pour me faire oublier.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Anaid Retinperac ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0