Les uns parmi les autres

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Je suis rentrée dans le moule du monde du travail bien malgré moi, au forceps. Après m’être frotté à différents postes, tous aussi peu faits pour moi les uns que les autres, un jour, j’ai dit stop. Alors que faire de beau à présent ? Me façonner mon propre moule.

Il parait que Polo est là pour m’aider. Volontaire, je m’inscris à un premier atelier dans l’espoir d’y dénicher un indice. Il s’agit de mettre en exergue ses véritables compétences parmi tout ce blablabla du CV. Pour cet exercice, je forme un binôme avec Karl, un commercial qui veut se reconvertir en formateur de commerciaux. Au moins, lui, il sait ce qu’il veut. Nous avons quinze minutes. On ne trouve pas grand-chose à part dire de la merde. Résultat des courses, atelier passablement inutile. Seul intérêt, avoir dégoté deux contacts téléphoniques, qui finiront à la poubelle, faute de motivation. À la fin de cet atelier, l’animatrice, face à mon désespoir intense, me propose de m’inscrire à un prochain atelier où le but est d’activer mon idée de projet. Le tracas c’est que je n’ai pas de réel projet, moi. Vaille que vaille elle m’inscrit quand même.

Le rendez-vous se trouve au fin fond de la ville dans une zone en travaux, aussi chaotique que mes idées. Caroline, mon interlocutrice semble avoir adapté son look aux murs décrépis qui l’entourent. Elle a les cheveux gras et plusieurs boutons blancs sur le visage dont un sur le nez que j’aurais bien envie de percer, là tout de suite maintenant. Elle est très accessible et se comporte comme si je la croisais tous les jours au supermarché du coin, rayon coeurs d'artichauts. Je vomis donc à nouveau mon mal être professionnel. Blablabla et bliblibli. Elle me fait faire un test pour déterminer mon attitude face au monde du travail en me confiant que le test n’est pas très pertinent, mais qu’il fait partie du protocole... Les questions ont été conçues par un neuropsychologue et me font direct des noeuds au cerveau. Ce sont presque toutes des formulations négatives, pour me faire perdre le fil ? Le résultat – hip hip hip hourra – montre que j’ai les capacités intellectuelles pour aborder le monde du travail bien que je sois un peu méfiante. Vraiment ? Ouf, me voilà rassurée.

Ensuite, au sein d’un groupe, je fais un test de personnalité. Un de plus dans ma collection. Je me retrouve bien dans ce profil novateur, cherchant à améliorer le quotidien, ayant de l’intérêt pour les sciences humaines et le monde de l’art. Capicci. Tutto a posto. Seulement voilà, même si les métiers d’écrivaine et de conteuse font partie de la liste, ce n’est pas demain que je vais réussir à vivre de cet art narratif. En plein test, Caroline, se sentant fort en confiance avec nous ses cobayes, nous confie d’une manière très professionnelle sa subite angoisse suite à l’ingestion délibérée d’un tic-tac. Nous nous interrompons et la regardons ahuris. Que faut-il interpréter dans ce flash info si important ? Elle veut juste parler et se confier en fait et nous interrompt consciemment donc. Elle a essayé d’arrêter de fumer en prenant des pastilles Nicopass et a eu une urticaire. Elle vit depuis dans la paranoïa que cela se reproduise à la moindre ingurgitation de nouvelles petites pastilles, peu importe lesquelles. Là, entourée de bonnes âmes comme nous-mêmes, elle s’est dit qu’elle était à même de réaliser l’expérience. Une semaine plus tard, elle semble avoir passé le cap du tic-tac et nous propose un nouveau test sur une plateforme en ligne. Encore une fois je dois répondre à un milliard de questions, cette fois-ci compréhensibles, youpi, et à la clé une liste de métiers correspondant au plus près de mes intérêts devrait apparaître comme par magie. J’ose espérer ne pas avoir à nouveau les suggestions indécentes de type garde champêtre ou tatoueur comme lors d’un précédent bilan de compétences. Et le résultat est : sophrologue. En réalité, je ne m’imagine pas du tout dans un cabinet à attendre impatiemment des patients, pas bien dans leur tête. À ce moment de l'histoire, j’ai plus une envie de porter des perruques colorées et de faire la chenille.

Caroline a l’air ravie d’avoir mené à bien sa mission et profite de ma clairvoyance une dernière fois en me demandant s’il est normal de perdre ses cheveux par poignée. Non, madame. Elle prend des vitamines depuis une semaine et s’étonne de leur encore “non-action” sur son organisme. Je la rassure en lui disant qu’il faut au moins un mois de cure avant d’en sentir les effets. Non, ce n’est pas comme de la drogue, qui une fois injectée dans tes veines, t'emmène voir illico les sept nains en maillot de bain.

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