3

8 minutes de lecture

Que pouvait bien être ce liquide jaune translucide qu'ils lui avaient fait boire quelques minutes auparavant ? Il les avait vu le préparer : un verre d'eau, une poudre blanche et trois gouttes sorties d'un petit flacon. Dylan s'était amusé à lui faire ouvrir la bouche de force. Il l'avait avalé puis il avait alors profité de l’absence de son bâillon pour tenter une fausse intimidation.

-  Félicitation ! Vous redevenez l'homme le plus recherché du pays.

-  C'est le propre d'une cellule dormante. Vous nous avez certes traqué, affaibli, détruit et nous somme pourtant toujours là.

-  Le propre des nuisibles. Dit-il en dévisageant le reste de la bande.

Les mots qu'il prononçait n'avaient que peu de valeur ici, ce qui pouvait le déstabiliser, lui qui avait l'habitude d'être très influant. Enchaîné, il se sentait petit face aux gaillard d'en face.

Adam Adam, qualifié de dangereux criminel, cerveau d'un groupuscule dissident luttant pour détruire et décrédibiliser l'organisation politique et républicaine du pays. C'était ainsi qu'on le qualifiait pour une première approche sérieuse dans les classes de sixième. Faire ses premiers pas dans le monde d'adulte impliquait forcément une connaissance normalement hors de portée des enfants. C'était l'une des lignes de conduite de la nation pour la rendre plus forte, plus soudée et plus rayonnante à nouveau. Ne rien cacher aux enfants, ne rien céder à la terreur face à celui qui était responsable de nombreuses prises d'otages et d'enlèvements qui ont conduit à la mort pour la majorité d'entre eux.

Rory posa son sac sur la table.

-  Bon, commençons par voir à quel point il est imperméable.

Il s'avança vers Fabien puis se concentra quelques secondes. Il ferma les yeux et finit par poser ses doigts sur la tempe. Fabien le regardait faire avec un sourire goguenard. Rory commença à gigoter légèrement quand il perdit rapidement l'équilibre

-  Il est totalement impénétrable ! Dit-il en restant par terre. C'est le type le plus protégé qu'on ai croisé jusque là.

Fabien était devenu chauve. Rodrigo, l'homme au bouc bien soigné a usé de son talent pour le raser de près. Il a même essayé de concevoir, sans succès, une armature de bois pour stabiliser la tête de Fabien qui continuait constamment de la tournoyer dans tout les sens. Il portait aussi une sorte de casque blanc en mousse au dessus du crâne, il pu remarquer qu'il contenait de nombreux électrodes dans lesquelles Rodrigo insérait un liquide gluant et froid. Devant lui, s'était organisé un dispositif pour le moins inquiétant. Progressivement, il a vu s'ajouter des ordinateurs portables, des câbles électriques, divers objets informatiques et du matériel médical. Il détestait encore plus ce moment. Il ne pouvait pas comprendre l'utilité de ces préparatifs, mais il en connaissait le but. Toute la pièce a été agencée, ils avaient même tiré les rideaux et conçu une luminosités spéciale. Il savait ce que la bande espérait obtenir de lui. Il n'avait pas remarqué durant tout ces vas-et-viens, les départs de Dylan et Angèle, ceux-ci avaient accomplit leur mission. Rodrigo était face à son Mac-Book qu'il reliait au casque cérébral que portait Fabien, par des câblages spécifiques. À sa gauche, se trouvait Rory qui venait de sortir deux mini ordinateurs portables de son sac en bandoulière. Il les connectait aux différents électrodes posés sur le torse et les bras de Fabien. Il avait toujours un regard méprisant envers celui-ci. Il équipa également Lola. Adam quant à lui restait debout, il observait Fabien observer le reste de l'équipe.

-  Il est pire que la mort que d'être dans la même pièce que moi. N'est-il pas ?

Fabien délaissât aussitôt son attention envers le groupe pour la diriger vers ces soudaines paroles.

-  Cette fierté que je lis, cette suffisance que je vois, je vais être heureux de la comparer avec le visage que vous aurez lorsque vous aurez conclu que cette opération aura été vaine. Dit-il fièrement.

-  Ainsi que vous pensez me connaître, vous devez savoir que je l'envisage déjà. En ces temps difficiles pour nous, il nous est raisonnable de prendre de gros risques pour de maigres résultats. Aussi chimériques peuvent-ils être.

Fabien se mit à avoir un rire nerveux.

-  Alors c'est ça, le grand Adam Adam, tellement esclave de son idéal dystopique qu'il en est réduit à se battre littéralement pour rien du tout.

-  Toute bataille a besoin…

-  En faite, pas du tout. Vous n'avez aucun idéal à défendre, c'est simplement la lutte, l'esprit de contradiction qui vous motive. Vous vous êtes tellement empêtré dans l'affrontement que c'en est devenu votre principale cause.

-  Vous avez parfaitement raison Damien. Je ne me bas pas pour un idéal quelconque, je lutte simplement contre le votre car il m'apparaît imposé, subit avant de m'apparaître juste et convenable.

-  Vous osez mettre à bas nos convictions, notre société, notre future sans rien derrière ! Vous êtes pitoyable.

-  Je ne doute pas du bien de ce qui vous construisez, je ne défie pas les raisons qui vous motivent. Ce monde pourrait être prometteur en effet, votre idéal est défendable certes, mais vos manières d'influencer les hommes de pouvoir sont en tout point inacceptables et c'est en cela que je trouve mon combat.

-  Et pourquoi donc ? Pourquoi forcément organiser un militantisme radical alors que le peuple soutient ce que nous avons mis en place. Le peuple se complaît dans ce que nous lui avons offert et si tel n'avait pas été le cas, notre politique n'aurait pas vu le jour. Je suis réellement au service des autres contrairement à tout ceux qui nous ont précédés.

-  Je ne doute pas non plus de votre sincérité, je sais que vous voulez le meilleur pour votre prochain.

Fabien ne savait plus quoi dire. Son interlocuteur ne débattait pas avec lui, il s'obstinait même à vouloir l'approuver. Il dévisagea le reste de l'équipe qui était enfin prête.

-  Vous n'êtes qu'une bande de rejetés de la société, tous minables. Je me demande vraiment pourquoi vous êtes si important à arrêter. Je ne vois pas en quoi vous êtes une menace sérieuse. Sincèrement.

-  Non vous ne le voyez pas Damien. Vous ne voyez rien, comme tout le monde.

Munis d'un casque sur la tête, Rory analysait ce que l'électrocardiographe affichait sur le scope. Il se chargeait aussi de surveiller les pulsations sanguines ainsi que la température corporelle de Lola et Fabien. Rodrigo quant à lui s'occupait de l'électroencéphalographie. Fabien était particulièrement stressé, Lola savait que l'approche allait être délicate. Elle avait étalé tout un tas de documents sur la table et se tenait en face de lui, sur la gauche des garçons. Les appareils informaient de l'état de panique de leur sujet, il s'agissait donc pour elle avant tout de relâcher la pression. La pièce était plongée dans une sorte de peine ombre apaisante, le silence devenait total. On entrait progressivement dans une nouvelle étape. Lola commença à interpeller Fabien qui tendait à parler de moins en moins jusqu'à complètement se taire. Il se crispait en fermant fort les yeux pour se dégager de cette situation. Il reprenait les mouvements brusques de la tête et respirait de plus en plus fort si bien qu'il soufflait par moments. Lola se mit à rougir légèrement et commençait à avoir le visage humide de transpiration. Tout deux avaient les yeux fermés et se livraient une bataille psychologique. Il était assez difficile de mesurer le chahut qui se tramait dans leurs têtes tant il détonnait avec le parfait silence qui régnait sur Terre. Adam regardait faire, il surveillait de temps en temps la fenêtre en tirant doucement le rideau. Rien ne ressortait du paysage figé qui lui faisait face, il n'y avait plus de vent, seule la chaleur était tenace. Rory faisait part à Lola de son état. Son corps réagissait comme si elle disputait un match de boxe, il percevait bien la grande difficulté éprouvée. Rodrigo faisait preuve de pessimisme, l'activité neuronale de Fabien était fulgurante. Il voyait bien un état psychologique rigide qui protégeait de toute manipulation externe et il redoutait déjà la lésion cérébrale.

-  Ce type est vraiment trop fort. Je comprend maintenant pourquoi Rory a été projeté. Chuchota t-il.

Lola alternait yeux ouverts et yeux fermés, elle dirigeait son bras vers Fabien quelques fois avant de le relâcher. Elle allait jusqu'à même s'avancer pour placer la paume de sa main sur son front au plus fort de la tension. Fabien commençait à saigner du nez ce qui obligeait Adam à s'impliquer lui aussi dans l'opération. L'affrontement psychique dura près de trente minutes lorsque qu'il abdiqua. Il se laissa piéger, à bout de force. On entendait uniquement les ordinateurs ventiler lorsque Lola ne s'obligeait pas à communiquer à voix haute pour tenir les garçons au courant de l'évolution du traitement. Même s'ils restaient informés grâce à l'étude des appareils, ils avaient parfois besoin d'un suivit oral afin d'analyser correctement les données recueillies.

Elle décida de le laisser en sommeil quelques minutes afin pour lui de se reposer et de marquer un recule avec tout ce qui venait de se passer. Rory indiqua que la pression sanguine revenait à la normal tandis que Rodrigo s'inquiétait pour la suite après cette approche difficile. La préparation à l'hypnose a été laborieuse parce que Fabien était un sujet impossible à manipuler de cette manière. Il était verrouillé tel un trésor national. Ce n'était pourtant pas le but de Lola, elle était consciente qu'elle ne pourrait pas mettre ses talents à profit. Elle voulait simplement trouver une faille dans le système.

Un membre de Torem, se trouvant juste en face se devait d'être impérativement utilisé. Ils devaient tout tenter. Ils leur avait fallu près d'un an d’intense travail pour lui avoir mis la main dessus. Il fallait d'abord cerner qui pouvait être membre de cette organisation, ils en avaient identifié six au total. Adam et Lola en avaient côtoyé trois. Cette époque remontait à quelques années, quand le célèbre Adam Adam était encore influent et rassemblait beaucoup de monde pour sa cause. Durant ce déclin, ils ont tenté à maintes reprises de localiser n'importe lequel de ces membres. La prise d'otage du conseil d'administration d'un grand journal national, qui avait choqué tout le pays, avait débouché sur un échec et la mort de plusieurs personnes. Cet échec avait finit d'achever son mouvement. Il n'avait mis la main sur personne et enlisé son groupe vers la traque permanente et la dislocation. Après avoir réussit à identifier Fabien comme membre à fort potentiel, ils se sont mit à l'action. Ils ont usés de filature, de photos, de collectes de données, de regroupements d'infos, un lourd travail d'enquête et d'infiltration. Fabien était la cible parfaite, la plus instable, la moins protégée. C'était le candidat idéal qu'il fallait utiliser pour pouvoir un jour abattre leurs ennemis. Mais il fallait d'abord voir si'il était exploitable, sans cela ils essuierait encore une énième perte de temps, une fois de plus.

Annotations

Vous aimez lire toxie ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0