Chapitre 1 : Derliahn (5/7)

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 À l’orée du bois, Ulryk n’avait toujours pas bougé. Il tremblait de peur et ses mains étaient toujours plaquées sur ses oreilles. La pluie commença à tomber et le contact de l’eau froide sur sa peau le fit revenir à lui. Il se calma en n’entendant plus aucun cri. Seulement, ce n’était pas un silence normal qui régnait aux alentours de Derliahn, mais un silence de mort. Il n’y avait plus aucun bruit, même la nature c’était tut. Il se leva, la peur au ventre. Lorsqu’il sortit de sa cachette, un sentiment d’horreur s’empara de lui et il ne put empêcher ses larmes de couler. Son village ne ressemblait plus à rien. Plusieurs maisons brûlaient ou avaient brûlé, la pluie ayant éteint le feu. Quelques habitations étaient aussi en ruine. Ulryk commença à descendre prudemment la pente qui le séparait de Derliahn. La pluie redoubla d’intensité et la pente se transforma rapidement en boue. Désorienté par ce qu’il voyait, l’adolescent glissa et finit sa descente sur le dos. Lorsqu’il arriva en bas, sa tunique était imbibée d’eau et couverte de boue. Son visage et ses cheveux ruisselaient d’eau, cachant les larmes qui continuaient de couler en voyant de plus près à quoi ressemblait son village. Il y régnait une atmosphère lourde et des cris et des pleurs se faisaient entendre un peu partout. Face à lui, il vit la moitié basse d’un corps allongé face contre terre. Il s’approcha et découvrit le corps de son père. Il baignait dans une boue couleur rouge bordeaux. Son visage était tourné vers son fils et il le fixait de ses yeux vitreux, dénué de vie. La stupéfaction pouvait se lire sur son visage. Le teint d’Ulryk devint blanc. Il releva la tête et vit plusieurs corps de villageois au sol. Ils avaient soit été abattu, soit piétiner pendant la confusion de l’attaque. Face à cette scène, il se retourna et vomit tout le contenu de son estomac. Il avança en titubant vers la place du village. Là, plusieurs personnes étaient attachées autant des personnes âgées que des hommes trop blessés pour être emmenés. Une vague lueur d’espoir parcouru son visage. Il essuya ces larmes et s’approcha afin de les aider.

  • Ça va petit, tu n’as rien ? demanda calmement un homme ligoté.
  • Euh… oui, ça va. J’étais… s’interrompit-il en remarquant qu’il désignait l’endroit où il était lâchement resté.
  • Je vois. Tu t’étais caché. Tu as bien fait petit. En attendant, aide-moi à me détacher pour qu’on vienne en secours aux autres, répondit-il avec un sourire bienveillant pour le rassurer.

 Ulryk acquiesça d’un hochement de tête, hors de lui. Il venait de prendre conscience des dernières paroles que son père lui avait dites. En effet, il ne savait pas ce qu’était la guerre. Il venait d’avoir un avant-goût d’un simple petit pillage de village et tout ce qu’il avait fait, c’était de se cacher.

  • À quoi ça sert que je m’entraîne si dès que j’en ai besoin, je me planque comme un lâche, pensa-t-il en détachant l’homme qui l’avait interpelé.
  • Merci petit, détachons les autres et aidons ceux qui en ont besoin, répondit-il.
  • Je ne suis pas petit ! Je suis Ulryk, le fils cadet du chef du village ! s’énerva-t-il, ne pouvant plus se contenir.

 Suite à cette altercation, il partit en courant. Instinctivement, il se dirigea vers le fond du village, vers la maison de Lewlyn. Là, il y avait moins de corps. Il s’arrêta et frappa rageusement dans la première maison qui se trouvait près de lui. Il entendit une petite voix couinée à l’intérieur de celle-ci. Elle avait peur. Ulryk prit son courage à deux mains et entra dans la maison. Sa voix tremblait lorsqu’il se présenta. Il y eu un silence pesant avant que la porte d’un placard ne s’ouvrit. L’adolescent eu aussitôt un mouvement de recul. Il se tenait prêt à partir. Remarquant son attitude et ne voulant plus fuir, il serra les poings et fit un pas en avant. Il vit la tête d’une femme sortir de l’entrebâillement de la porte. La crainte partit aussitôt d’Ulryk. Il se sentit aussi bête qu’avec le lapin plus tôt dans la journée. La femme ayant reconnue le jeune homme, elle indiqua à une autre personne dans le placard de sortir. La femme et une petite fille en sortirent difficilement. Ulryk leur expliqua la situation et elles sortirent de la maison, la fillette blottit dans les bras de sa mère. Lorsqu’il sortit à son tour, il regarda en direction du bois, là où les empreintes des brigands se dirigeaient. Il aperçut un jeune homme torse-nu sortir de la forêt. En le reconnaissant, l’adolescent courut dans sa direction, ne faisant plus attention à ce qui l’entourait. Une fois arrivé à son niveau, il se jeta dans ses bras et celui-ci se laissa tomber au sol face à la vue désolante de son village.

  • Ulryk, mon frère. Heureusement, tu es en vie, commença le garçon torse-nu.
  • Alan ! Je pensais être tout seul… s’attrista-t-il.
  • J’ai vu mère dans les bois avec ma fiancée. J’ai voulu intervenir… mais seul je n’aurais rien pu faire à part les mettre en danger. Où est père ? continua-t-il sur un ton neutre.
  • Il a été abattu par les brigands, répondit-il en larme.
  • Je vois. Dans ce cas, je vais pouvoir partir à la recherche de tous ceux qui ont été kidnappés, finit-il sans une once de sentiment dans la voix.

 Une fois de plus, la réalité rattrapa l’adolescent. Il était là, assis par terre, en larmes. Ulryk prit une fois de plus conscience de sa lâcheté. Il regardait son frère qui était debout, fier. À ce moment-là, il repensa aux paroles de son frère. Il avait vu leur mère et sa fiancée se faire emmener devant ses yeux et malgré leur nombre, il avait voulu intervenir. Tout ce dont était capable le jeune homme, c’était de se cacher. Il se releva péniblement en regardant le sol, honteux. Il s’essuya les larmes avec sa manche couverte de boue et releva la tête pour faire face à son frère. Et il lui cria qu’il irait les chercher. Alan se retourna brusquement et regarda son cadet dans les yeux. À cet instant, il fut marqué par la détermination qui se lisait sur son visage.

  • Toi ? Y aller ? Laisse-moi rire tu n’es qu’un lâche. Au moindre problème tu prends tes jambes à ton cou en te faisant dessus, se moqua-t-il.
  • Oui je suis un lâche, un pleutre, un couard ! Et alors !? Toi tu es le chef de Derliahn maintenant ! Tu dois aider ceux qui sont restés et reconstruire Derliahn. Tu as repris les rênes et c’est tes responsabilités. De toute façon, j’ai toujours voulu partir du village et maintenant j’en ai l’occasion. Alors je ne vais pas me priver. En plus de passer pour un lâche, je passerais pour un hypocrite, répliqua-t-il.
  • Tu es bien naïf mon frère. Cependant, je te conseille de partir seul, finit-il.

 Ce n’est que peu de temps après, qu’Ulryk comprit le sens de ces paroles. À ce moment-là, il se souvint de son ami Kheryan et de son amie Lewlyn. Il se dirigea vers la maison de sa camarade, là où son compagnon avait accouru. Lorsqu’il arriva, tout ce qu’il restait de l’habitation était des ruines. Il se laissa tomber au sol, anéanti. Il voulut hurler, mais aucun son ne sortait de sa gorge. Son amie était morte. Il n’avait plus aucune raison de vivre. Cependant, il crut entendre un léger bruit. Il se calma et se concentra sur celui-ci. Il entendit une voix faible en provenance des décombres qui appelait à l’aide. Il reprit alors espoir pensant être Lewlyn. Il commença à retirer les cailloux un à un. Plus il retirait les gravats, plus ses mains étaient ensanglantées dû aux coupures. Il aperçut alors une main inanimée et il redoubla d’effort pour sortir la personne coincée. Seulement ce n’était pas une main de femme et il se douta qu’il ne s’agissait pas de son amie. Il perdit de sa bonne humeur et continua de le dégager. Lorsqu’il aperçut enfin des cheveux bruns, il reconnut son ami Kheryan. Il l’extirpa des décombres et constata son état. Il avait l’épaule gauche déboitée et une entaille profonde sur le ventre qui saignait abondamment. Son genou droit ou sa cheville droite avait l’air foulé. Il avait du mal à faire son diagnostic face au piteux état de son ami. Cependant, le reste de son corps paraissait relativement indemne avec seulement quelques coupures. Une fois son observation finis, il laissa son ami dans la boue comme un vulgaire chien. Il retourna aux décombres et continua de les retirer un à un. Au bout de quelques minutes, il crut entendre son ami prononcer quelques mots et il retourna auprès de lui.

  • Elle… Elle n’est pas là… dit-il difficilement.
  • Où est-elle !? s’énerva son ami en le prenant par le col.
  • Tout ce qu’il y a… là-dessous, … c’est le cadavre… d’un… d’un brigand et de son père, répondit-il en toussant et en crachant du sang.
  • Je m’en fou ! Où est-elle !? Répond moi ! ordonna-t-il en le secouant.
  • Em… Emmenée par les brigands… finit-il en larme.

 Ulryk lâcha son ami sans ménagement, dans la boue. Il se retourna et donna des coups dans le sol imbibé d’eau pour essayer de se calmer. N’y arrivant pas, il hurla sa colère et partit en laissant son ami. En attendant, Kheryan, au sol, mis son bras droit sur ses yeux pour cacher ses larmes.

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