42/ Morts-vivants

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 C’est la panique à Katdefa. Les guerriers se replient vers la tour pour former un bloc compact dans lequel les créatures intangibles ne pourront pas apparaître. Les archers essayent tant bien que mal de tirer sur les Erynie, désigné par Thanis, mais sans grand succès. Cette faculté qu’elles ont à clignoter rend la tâche quasiment impossible.

 "Repliez-vous vers la tour !! hurle Roland. Formez un rempart uni et infranchissable ou ces chiennes continueront à nous décimer.

 Immédiatement, c’est la débandade vers la tour. Dans la cohue générale, il essaye de coordonner ses troupes, sans grand succès. Il réussit à abattre quelques créatures, toujours dans le dos et par surprise, lorsqu’elles apparaissent à l’improviste. Il joue alors de sa hache, rapidement, avant qu’elles ne s’échappent à nouveau. Il soupconne ces créatures de ne pas être que des guerrières. Elles attaquent aussi certainement l’esprit des hommes. A leur vue, il se sent troublé, hésite à les attaquer. Peut-être n’est ce que leur incroyable beauté ou le fait qu’elles soient nues, mais Roland est persuadé qu'elles agissent sur son esprit.

 Il se replie avec ses Hommes, veillant à ne laisser personne en arrière. Il ferme la marche, tranchant tout ennemi qui aurait la mauvaise idée de se présenter devant lui.

 Plus ils s’approchent de la tour, moins ils paraissent harcelés par leurs ennemis. Arrivé au pied de la tour, Roland reprend son souffle et se retourne. Le champ de bataille est atroce. Pas très grand, la quantité de cadavres paraît donc encore plus impressionnante. La majorité des corps visibles sont ceux des Vrocks, leurs ailes dépassant par endroit. Si Roland transpirait moins, il aurait pu sentir cette odeur qui s’élève du champ de bataille. L’odeur du sang, de la mort, de l’acier rougit. La terre est maculée, gorgée. Par moment, on peut observer un mouvement, quelque chose trahissant un pauvre bougre, pas encore mort mais presque. Il gesticule, essayant de s’extirper de là, aux portes de la mort. A part ça, tout est calme.

 Tout est calme, sauf la ligne d’Erinye qui s’est formée à bonne distance. Les archers, sur ordre de Carseb ont cessé le feu, car leurs ennemis refusent le combat, restant hors de portée. Les créatures restent là, cessent de clignoter et observent, impassiblent.

 Soudainement, elles s’enfuient. Vers la forêt, elles font volte face et s’enfoncent sous les frondaisons. La joie que procure le départ des ennemis est vite entâché par un grondement sourd. Tel un tremblement de terre semblant se rapprocher, le bruit s’élève autour de la tour.

 Les arbres se couchent dans la forêt, au fur et à mesure que la chose avance. Vahya, depuis la tour murmure pour elle-même.

 - misère... Qu’est ce que c’est que ce truc ?

 La meute de loups, à l’arrêt depuis que le bruit a retentit paraît hésiter. D’un seul mouvement, les animaux décampent et fuient la queue entre les jambes.

 Dans un fracas d’arbres et un cri sonore, une immense créature humanoïde sort de la forêt. Elle est seule, armée d’un gourdin clouté. De la tour, on dirait des clous. Mais en vérité, ce sont de véritables barres de fer, de la taille d’un bras qui hérissent l’arme.

 La créature est sauvage, très musclée et vêtue d'un simple vêtement de peau en guise de pagne, il mesure plus de trois mètres de haut. Son corps est couvert de poils rêches et sa bouche est garnie de crocs acérés. Son apparence est terrifiante, mais le tableau ne s’arrête pas là. Par endroit, sa peau semble se décoller, laissant entrevoir des os solides, des tendons et des lambaux de muscles. Ses orbites son vides, cette créature n’a pas d’oeuil ou les a perdus. En effet, son visage parait lacéré et suppure un liquide visqueux. A mesure que le monstre approche, on constate que son corps est parcouru de petites bêtes, des insectes qui courent sur ses membres, se réfugiant dans les recoins, ses yeux, ses oreilles, son nez, les trous laissés par la peau tombante.

 La crainte est palpable et générale au pieds de la tour. Carseb s’écrit.

 - Thanis, c’est quoi ça ?? Nous ne sommes pas de taille ! Il va renverser la tour d’une seule charge.

 - Ferme là Carseb, je ne sais pas ! On dirait un zombie Gobelours...Géant ! un ogre ramené à la vie ! Mais les plans infernaux ne comptent pas ce type de créatures dans leurs rangs ! Un nécromancien, bien de chez nous l’a relevé et prête main forte aux démons !

 Au sol, Roland essaye de tenir ses Hommes. Il relève sa visière pour que tous puissent voir son visage. Tous s’écrasent à la vue du géant, incapables d'esquisser un geste.

Hé merde, se dit-il. C’est la fin pour La Guilde…Nous allons nous faire balayer.

 Lui-même est terrifié, mais il tente de ne pas le laisser transparaître.

 - Archers, vos flèches ne serviront à rien, s’écrie Thanis dans la tour. Cette chose est déjà morte, elle ne souffre pas et ne perd pas de sang. Elle ne faiblit pas et ne s’arrêtera que quand elle aura atteint son objectif ! Il faut la démembrer et la brûler…

 Les archers et mages présents dans la tour restent figé à cette annonce. Carseb réagit et jure.

 - Merde…

 Il brise son arc, de mauvaise facture, d’un coup de genoux rageur. Il s’engouffre dans l’escalier, vers le champ de bataille.

 Parmi les Hommes au sol, certains sont des prêtres. Ils sont les seuls à se ressaisir et reconnaitre un zombie géant. Ils empoignent leurs insignes religieux et le pointent vers la créature. Ils brandissent un anneau, des pendantifs, ou encore des boucliers incrustés, semblable à celui de Vrael. Ils canalisent tour à tour l’énergie de leur dieu pour tenter de faire fuir le zombie. Roland a déjà vu ça auparavant, contre des morts-vivants humains. Ils fuient à la vue d’un signe religieux lorsqu’un prêtre les renvoie.

 Une jeune prêtresse humaine, qui brandit un lourd pendentif en forme d’éclair, la relique d’Hénoérus s’écrit.

 - Il est trop puissant !! Ça ne sert à rien.

 A cette annonce, un mouvement de foule prend forme, parmis les Hommes rassemblés au pied de la tour. Roland s'époumonne à son tour.

 - Tenez vos positions !! Si la tour tombe, nous mourrons tous !

 Le ton est brutal, incisif et n’admet aucune négociation. Ils ne bougeront pas d’ici mais ne se battront pas non plus, n’arrivant pas à esquisser le moindre geste face à l’horreur devant eux.

 Carseb fait irruption dans les rangs et joue des coudes pour rejoindre son compagnon, en première ligne. Il arrive au niveau de Roland qui lui adresse un bref regard avant de reporter toute son attention sur le géant.

 - Qu’est ce que tu fais là ? Tu viens te faire découper ?

 Carseb ne répond pas tout de suite, il se penche sur un cadavre et le dépouille d’une épée courte.

Ce sera plus efficace cette épée qu’une dague…pense-t-il.

 - Pas de flèche contre ce gros tas, a dit Thanis…finit-il par répondre. Et je n’ai pas l’impression que nous pouvons compter sur le reste des troupes, regarde-les.

 Il jette un regard dédaigneux derrière lui, vers la troupe figée par la terreur.

 - Ne les jugent pas si durement...ils ont bien combattu. Face à des choses qui nous dépassent tous, ils ont fait face. On ne peut pas demander plus d’un soldat, il a le droit de se terrer face à cette monstruosité…

 - Et pourquoi on est là, nous ? demande le voleur en faisant un moulinet pour tester le poids de son épée.

 - Parce qu’il faut bien que quelqu’un le fasse…Et que nous sommes parmis les meilleurs combattants de La Guilde…Et que nous sommes ses meneurs, c’est à nous qu’il revient de montrer l’exemple…Et comme je l’ai dit, ce sont de simples soldats qui obéissent aux ordres. Braves et dévoués, mais on ne peut pas exiger plus d'eux.

 - Mouais…Si tu le dis…Tes mots me font penser à Fitz, dit-il tristement. Il aurait dit ça lui aussi. Ou à peu de choses près…

 - Alors fais-lui honneur, Carseb. Toi comme moi, on sait que si Markal et Vrael ne s’activent pas vite, on va y rester. Soyons braves comme il l’a été.

 Carseb termine un dernier moulinet. Il esquisse ensuite un premier pas, vers la créature qui ne bouge pas. Elle crie et laisse faire son apparence terrifiante. Elle se prépare à charger pour renverser la tour.

 Roland lui emboite le pas et rabat la visière de son casque. Il fait rouler le manche de sa hache dans ses deux mains. Le guerrier est un colosse face au fragile demi-elfe. Il le dépasse de deux têtes, facile. Son arme est gigantesque face à sa petite épée. Ils avancent d’un pas mesuré vers le zombie. Celui-ci paraît prendre conscience de leur présence, sans les voir. Il dirige son visage vers eux et cesse sa parade d’intimidation. Il fait tournoyer sa masse cloutée.

 - Chacun pour soi, dit Carseb. On l’occupe de deux côtés. Si l’occasion se présente de le coucher, n’hésite pas. On pourra peut-être découper ce fils de pute.

 Roland acquiesce d’un signe de tête sous son casque. Ils s’éloignent l’un de l’autre, à mesure qu’ils s’approchent du géant.

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