Enfer

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Je t’y retrouverai...
Ces mots résonnent dans la tête de Pierre. A le faire hurler.

Il est assis à la table de la salle à manger. Un bloc de papier à lettre devant lui. Il tente d’écrire son tourment.
Pas facile.
Déjà quelques feuilles froissées gisent à ses pieds !
A quelques pas de lui, étendue sur le canapé, Claire semble dormir. Elle est nue, allongée sur le ventre, un bras ballant, la main posée sur le tapis.

Tapis rouge sang.

Pierre froisse rageusement une nouvelle feuille. Les mots justes ne viennent pas facilement.
Nerveusement, il tripote le petit révolver posé près de lui. Il est chaud dans sa main. Il l’a tellement serré ce soir.

Il repasse dans sa tête ces dernières heures.
Est-ce qu’il y aura le paradis au bout de cette histoire ? Il en doute.

Quand il est revenu du travail, Claire était en grande conversation au téléphone. Il a eu le temps de saisir quelques brides, et surtout :
« … Je connais. Je t’y retrouverai »

Son arrivée a brusquement fait changer la discussion et Claire l’a abrégée.

« Pierre est arrivé. On se rappelle »

Et Pierre a été pris de suspicion.
Ses tourments sont sans fin.

Derrière son sourire de façade, ses gestes attentionnés se cache une grande jalousie.

Elle connaît ! Elle va le retrouver !
Oui LE, ce ne peut-être qu’un homme ? Il va l’attendre !
Qui était son interlocuteur ? Son amant sans aucun doute !

« C’était Nathalie » lui a dit Claire en l’embrassant.
Pierre a fait semblant de la croire.

Claire est une belle femme, 35 ans. Dynamique, intelligente… bref tout pour plaire à n’importe quel homme.
Et surtout, pour Pierre qui se mésestime, elle a tous les atouts pour prendre dans ses mailles des hommes brillants. Plus intéressants que lui.
Et il ne doit pas en manquer autour d’elle.
La preuve ? Ce coup de fil.


Pierre et Claire sont mariés depuis six ans. Ils forment, ce que l’on a coutume de dire, un beau couple.
Pierre s’est toujours considéré comme un vermisseau à coté de Claire. Il a vécu comme une chance incroyable le fait d’avoir attiré son attention, et, après six ans de mariage il ne comprend toujours pas ce qu’elle lui a trouvé.

Elle lui dit qu’il a une sensibilité qui ne la déçoit jamais, que son humour la fait rire et que ses silences sont reposants. Pierre s’en trouve rassuré quelques temps.

Quelques temps seulement.

Pierre est, lui aussi, intelligent, et il veut le bonheur de Claire.
Sa jalousie, il l’intériorise.
Six ans qu’il amasse du ressentiment en silence.

Il est décrit par tous, comme un homme charmant, un mari idéal.

Ce coup de fil, et à nouveau son cœur s’est serré. Le doute s’est à nouveau immiscé.
La peur.

Pourtant Claire a été comme d’habitude. Gaie. Et elle a raconté sa journée de travail, avec beaucoup de détails.
Trop, a pensé Pierre.

Parmi tous les personnages masculins de son histoire, lequel est son amant ? Il y en a plusieurs peut-être !

Oui c’est ça, si elle a obtenu des promotions, c’est qu’elle a pompé généreusement son patron. Bien sur, quand il l'appelle à son entreprise et que sa secrétaire lui dit qu’elle est en réunion, c’est sans doute qu’elle est à quatre pattes sous le bureau en train de sucer le boss.

Et il imagine la bite du patron dans la belle bouche de Claire. Elle le mène au plaisir et elle avale jusqu’à la dernière goutte.
Pierre reconnaît qu’elle a un talent certain pour les fellations. Et comme elle aime ça, elle ne doit pas se faire prier.

Et Stéphane, ce collègue très proche, avec lequel elle monte souvent des dossiers. Sportif, endurant, il doit certainement la monter aussi.
Oui, le soir quand elle reste pour finir un travail, c’est évident, elle doit s’allonger sur le bureau, relever sa jupe, enlever sa culotte et écarter ses cuisses pour qu’il vienne la baiser.
Il doit avoir une queue plus épaisse que la mienne se dit Pierre. Une queue qui la remplit bien et qui la fait hurler.

Pierre se bouche les oreilles devant son bloc de papier. Il ne veut pas entendre Claire crier.
Il serre l’arme dérisoire.

Six ans qu’il se construit ce type de scénarios.
Six ans qu’il veut parler, s’en ouvrir à Claire. Mais il a tellement peur d’être ridicule. Tellement peur d’avoir raison, qu’il se tait.
Et il a accumulé de quoi faire un livre.

Christophe, l’ami que Pierre invite régulièrement, il est bien empressé pour aider Claire à débarrasser la table et l’accompagner à la cuisine. Elle doit se laisser mettre la main au cul quand elle se penche pour mettre les assiettes dans le lave-vaisselle. Et il n’y a pas que les assiettes à ranger…

Pierre se fait des films. Que des séries B… même Z. Des nanars. Mais dans ces situations il n’est pas en état de faire une critique objective.

S’il avait su !
Claire était réellement en discussion avec Nathalie. Elles sont amies et travaillent dans la même entreprise. Toutes les deux doivent se retrouver pour acheter un cadeau à Stéphane, leur collègue, qui quitte l’entreprise.
Claire n’en a pas parlé à Pierre. Elle évite de trop parler des petites fêtes amicales qui s’organisent au sein de l’entreprise, et qui, certaines fois, la font débaucher un peu plus tard.

Car elle voit bien que Pierre est jaloux.

Mais elle est loin de s’imaginer à quel point !

Une feuille froissée vole à nouveau et tombe sur le carrelage.
Que c’est difficile de formuler ses sentiments, d'expliquer ses actes.

Après le dîner, comme souvent Claire et Pierre se sont assis dans le canapé. Ce soir ils ont lu un moment, puis Claire s’est rapprochée de son mari.
Elle le sentait distant. Sombre.
Un petit câlin devrait lui redonner le sourire, a-t-elle pensé.
Elle lui a caressé sa queue par-dessus son pantalon. Pierre ne résiste pas beaucoup habituellement.
Et ce soir, comme toujours malgré sa mauvaise humeur, il a bandé et Claire lui a ouvert le pantalon pour le prendre en main, puis en bouche.

Pierre a pensé que tous ses amants avaient bien de la chance, et qu’il était un cocu magnifique.
Il ne veut plus en supporter davantage. Il est devenu violent. Il a repoussé Claire sur le tapis et il l’a baisé. Oui il l’a baisé de façon bestiale.
Par devant, par derrière.
Claire a compris que Pierre avait une souffrance et qu’il la jugeait responsable sans doute. Mais elle n’identifiait pas quelle pouvait être sa faute. Jamais il n’avait été brutal jusqu’à présent.

Et elle a joui ! Oui elle a joui, car elle l’aime…

Un bruit à l’étage attire l’attention de Pierre. Il quitte la table et abandonne son bloc de papiers quelques instants.
Il prend le pistolet avec lui.
Il monte et se dirige vers la chambre de leur enfant. Déjà 5 ans.
Il ouvre doucement la porte et s’approche du lit. Mathieu dort paisiblement. Il l’embrasse tendrement.

Il n’oublie pas de déposer le pistolet en plastique dans le coffre à jouets avant de redescendre.

Claire repose toujours sur le canapé. Il la trouve belle. Il faut qu’il lui dise ce qui le ronge et qui l’entraîne petit à petit dans un gouffre.
« A nous deux, je serais plus fort » pense-t-il.
Elle bouge légèrement dans son sommeil, comme si elle l’avait entendu !

Et il se met devant une nouvelle feuille et commence à écrire :

Claire, je t’ai trouvée et je suis perdu !...

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