Scène 7
Valentin et Alexis entrent dans le salon d’un pas pressé, des parapluies trempés à la main. Valentin est agacé. Alexis est un homme androgyne.
VALENTIN
Ca fait une demi-heure qu’on attend sous la pluie que quelqu’un nous ouvre la porte, on aurait eu le temps d’avoir au moins trois orgasmes !
Il s’approche des canapés alors qu’Alexis inspecte les lieux, curieux.
Heureux de voir que cette orgie n’était pas qu’une grosse blague. Vous auriez tout de même pu nous attendre pour commencer à manger !
ADRIEN
L’appétit n’attend pas, Valentin.
THOMAS
Une blague ? Mais pourquoi est-ce que ça aurait été une blague ?
ANNA
Mais parce que c’est vachement drôle !
ALICE
Profites-en Thomas, pour une fois que tu nous fais rire.
VALENTIN
Laurine n’a pas l’air bien.
ADRIEN
Elle a eu du mal à avaler la pilule, rien de grave. Pourquoi est-ce que tu es en retard ?
VALENTIN
J’espérais sauter la partie ennuyeuse de la soirée mais il faut croire que c’est raté, vous êtes encore habillés.
ANNA
On a commencé à se dévêtir, nous.
VALENTIN
Oui, mais c’est assez décevant. Ça manque de présence masculine.
THOMAS
Tu en as rapporté une, de présence masculine, et tu ne l’as même pas présentée.
VALENTIN
Crois-moi, cette présence masculine est assez courageuse pour le faire toute seule.
ALEXIS
On parle de moi ?
VALENTIN
Toujours !
ALEXIS en s’approchant de Thomas
Alexis, enchanté. C’est vraiment gentil de m’accueillir chez vous, je sais que ça peut être intimidant pour des non-adeptes.
ANNA
Non-adeptes ? C’est une orgie ou une messe satanique ?
ALEXIS
Des non-adeptes du sexe, je voulais dire.
THOMAS
Et qu’est-ce qui te fais dire que je ne suis pas un adepte du sexe ?
ALEXIS
Il est presque vingt-deux heures et vous n’êtes toujours pas nu.
ALICE
Je pense qu’au point où on en est, tu peux nous tutoyer.
VALENTIN en observant la drogue posée sur la table
Qui a apporté des bonbons ?
ADRIEN
Moi, et ça fait cher le kilo de dragibus.
ALEXIS
Tu t’es fait avoir, c’est de la merde.
THOMAS
C’est ce que j’essaye de leur dire depuis tout à l’heure.
ALEXIS
Vous m’auriez demandé, j’avais quelques contacts qui auraient pu nous fournir.
ANNA
Des dealers ?
ALEXIS
Pire, des artistes.
VALENTIN
Promis, c’est pas moi !
Silence.
ALICE
Et qu’est-ce que tu fais, dans la vie, à part baiser ?
ALEXIS
Pas grand-chose.
Alexis se sert en alcool.
Je pose pour des photos.
ANNA
A part baiser, on a dit.
ALEXIS
Je bois, aussi !
ALICE
Ça revient au même.
ALEXIS
Dans ce cas, rien. Le monde entier fonctionne à la baise ! Les sentiments, l’égo, l’art, tout est une question de sexe. Alors quoi ? Est-ce qu’on est vraiment obligé de sans cesse en parler ? On doit respirer pour vivre, mais est-ce qu’on passe notre temps à débattre autour de la qualité de l’air ?
VALENTIN
On ne peut vivre sans air, mais est-ce qu’on pourrait vivre sans sexe ?
ADRIEN
Bien sûr que non.
THOMAS
Mais bien sûr que si !
ANNA
Thomas a raison, on peut. Mais on se ferait chier. Regardez les religieuses.
ADRIEN
Etre religieuse, ce n’est pas ce que j’appelle vivre.
VALENTIN
En parlant de religion, il faudrait que je me serve une petite eucharistie.
Il se sert un verre de vin. Alice lui tend son verre.
ALICE
Tiens, ceci est mon corps.
Valentin la sert.
THOMAS
Alice, tu as des médicaments à prendre.
ALICE
Je l’ai déjà pris et d’après Alexis, c’était de la merde.
THOMAS
Je ne plaisante pas, fais attention avec les mélanges. Tu risques de finir comme Laurine.
ALICE
Au moins, elle ne t’entend pas, elle.
Laurine se réveille, déboussolée.
LAURINE
Vous ne baisez pas encore ?
ALICE
Et elle reste perspicace !
VALENTIN
Salut Laurine, comment se passe ce petit aperçu de demain matin ?
LAURINE
Oh, Valentin ! Je ne pensais pas te voir habillé ! Il est quelle heure ?
THOMAS
Tu n’as dormi que dix minutes.
LAURINE
Eh bien, c’est dix minutes de trop. Et il…
La sonnerie de portable d’Anna la coupe.
ANNA
Désolée, je dois décrocher.
Elle s’éloigne de quelques mètres mais reste tout de même dans la pièce. Tout le monde se tait, mal à l’aise.
Je t’avais dit que je ne serais pas disponible ce soir, c’est pas la peine de m’appeler toutes les demi-heures. Non, je ne viendrais pas. Quelle heure tu dis ? Non, vraiment, c’est trop tôt, je suis… Je suis avec des amis. Une soirée normale, rien d’important.
LAURINE
J’ai tellement mal au cœur, j’ai l’impression d’être en plein naufrage. Et il fait tellement chaud !
ANNA
Non, c’est pas pour autant que je vais venir.
VALENTIN
Elle a raison, il fait chaud à en crever !
Il va ouvrir la fenêtre, un courant d’air s’engouffre dans l’appartement.
ANNA
Quoi ? Une minute, je t’entends mal, il y a du bruit autour de moi. Combien ? Sérieusement ? Non, attend, raccroche pas, je vais voir ce que je peux faire. Arrête tes conneries, j’ai rien bu, à peine une bouteille de champagne. Oui oui, promis, j’y réfléchi. Mais arrête de dire ça, c’est n’importe quoi ! Je suis avec des amis, tu mets tout le monde mal-à-l’aise ! Tu sais bien que… Quoi ? Non, vraiment, j’ai rien dis de pareil ! Mais… Oh et puis, ta gueule.
Elle raccroche.
THOMAS
Sinon, on a un couloir, tu sais.
ANNA
Pardon, c’était important.
VALENTIN
La tempête devient sérieuse.
ALEXIS
C’est fou qu’il fasse aussi chaud à l’intérieur.
ALICE
La tempête est aussi à l’intérieur.
LAURINE
A l’intérieur de mon estomac, oui.
ADRIEN
C’est pas si étonnant qu’il fasse chaud si vous restez habillés.
THOMAS
Oui, enlevez vos manteaux.
VALENTIN
Jamais un homme m’a aussi promptement demandé de me déshabiller.
Valentin s’approche de Thomas et commence à enlever son manteau. Il est presque nu en dessous.
Comment as-tu osé me laisser attendre une demi-heure sous la pluie dans cette tenue ?
Alexis l’imite et se retrouve lui aussi en sous-vêtement. Il est nettement plus féminin.
ADRIEN
Cette soirée prend une tournure inattendue.
ANNA
Bien sûr, et c’est ce que tout le monde attendait.
VALENTIN
Est-ce que tu m’attendais, Thomas ?
Valentin passe ses mains autour du coup de Thomas.
THOMAS
Tu sais bien que je ne suis pas homosexuel.
ALICE
Si seulement !
VALENTIN
Parce que tu penses qu’il n’y a que les homosexuels qui me désirent ?
ALEXIS
L’homosexualité, c’est tellement surfait.
ADRIEN en regardant Alexis
Tu es si beau que tu ressembles à une femme.
ALEXIS
C’est les femmes qui me ressemblent, pas le contraire.
LAURINE
Je vais vomir.
ALEXIS
Je vais tâcher de ne pas le prendre personnellement.
ANNA
Viens vers la fenêtre, ça te fera du bien.
Anna escorte Laurine jusqu’à la fenêtre alors qu’Alexis s’assoit sur le canapé.
VALENTIN
Ose me dire que rien ne te plait chez moi.
THOMAS
Ça serait mentir, j’aime beaucoup ce que t’écris.
VALENTIN
C’est déjà pas mal, mais l’art ne suffit jamais pour séduire.
THOMAS
Pourquoi me séduire ?
VALENTIN
Pour survivre.
Alice va fumer une cigarette à la fenêtre.
ALEXIS
Je croyais te suffire, Valentin.
VALENTIN
Je me suis trop perdu pour n’avoir qu’une seule solution à mes problèmes, tu le sais bien.
Valentin s’approche d’Alexis et se blotti contre lui.
Toi, tu es mon défibrillateur. Tes coups de reins sont mes battements de cœurs, mais tu ne peux pas toujours être là pour me sauver.
Ils s’embrassent.
ALEXIS
Bien sûr que si. A chaque fois que tu te laisses tomber, je te rattrape.
ADRIEN
Je ne savais pas que le sexe pouvait être aussi beau.
THOMAS
Quel sexe ?
Anna essaye de réconforter Laurine alors qu’Alexis et Valentin continuent de s’embrasser.
LAURINE
Je vous assure que ce n’était pas une bonne idée, cette fenêtre ouverte. Il ne faut pas mêler l’intérieur à l’extérieur, il faut faire attention avec les mélanges.
ANNA
On y réfléchira plus tard. En attendant, fais en sorte que ton intérieur n’aille pas à l’extérieur.
ALICE
J’ai déjà pas beaucoup de libido ce soir, alors si tu pouvais éviter de gerber dans l’appartement, ça serait sympa.
ANNA
Si tu lui colles ta clope sous le nez, elle risque non seulement de gerber mais aussi de le faire en toussant.
ALICE
Elle a survécu au cachet des merveilles, elle va bien survivre à un nuage de nicotine.
LAURINE
J’ai pas vraiment l’impression de survivre.
Le téléphone d’Anna sonne de nouveau. Elle décroche.
ANNA
Oui ? Non, vraiment, je ne suis vraiment pas disponible ce soir. Tu ne peux pas me rappeler plus tard ?
THOMAS agacé
On a un putain de couloir !
ANNA
T’inquiète, c’est le gars chez qui je suis. Mais non, juste un ami. Non, je ne peux pas te voir maintenant, je suis prise toute la nuit. Mais même si…
Laurine vomit à travers la fenêtre.
ALICE
Ah. Qui a garé sa voiture en bas de l’immeuble ?
ANNA
Merde
Elle raccroche.
ADRIEN furieux
Elle a vomi sur ma bagnole ?
ALICE
Si ça peut te rassurer, la moitié est partie sur le balcon du voisin.
ADRIEN
Bordel !
ALICE
Si on pouvait éviter de hurler, j’ai mon mal de crâne qui revient.
VALENTIN
Adrien, ce n’est qu’une voiture.
ALEXIS
Qu’est-ce qu’une voiture quand on peut posséder quelque chose de plus vivant ?
ADRIEN
Arrêtez avec vos répliques à la con, elle a vomi sur ma voiture putain !
Alexis embrasse Adrien pour le faire taire.
ANNA
Mais pourquoi est-ce que tu t’es mise aussi mal, Laurine ?
LAURINE
Mais parce que je vous aime !
ALICE
Parce que tu nous aimes autant que la vodka plutôt.
THOMAS
Tu veux qu’on aille nettoyer ta voiture, Adrien ?
Adrien continue d’embrasser Alexis.
VALENTIN
Il a envie de nettoyer autre chose apparemment.
Valentin s’approche de Thomas.
Et toi ?
ANNA
On peut lui donner un endroit où se reposer ?
LAURINE
Mais je vous aime vraiment, vous savez !
ALICE
Bon, aide-moi à la traîner.
Alice et Anna commencent à traîner Laurine à travers le salon, jusqu’au couloir.
THOMAS
Où est-ce que tu vas la mettre ?
ALICE
Dans mon atelier. Mais je te promets que si elle vomit sur quoi que ce soit, c’est la dernière fois qu’on l’invite à nos orgies !
Anna et Alice sortent de scène, trainant Laurine derrière elles.
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