Chapitre I, partie 4 : Princeps

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 -...au nom de la grande démocratie Lazarienne, de son exellence le Général-Démocrate Parkov et du Gouverneur général des armées de Lazaria, Moi le Lieutenant Eolia Wähle, je vous place en état d'arrestation pour entrave au bon déroulement d'une opération milit...

Elle n'eut pas le temps de terminer sa phrase, l'homme en face lui asséna une violente baffe, qui lui fit perdre l'équilibre. Elle s'effondra par terre, très choquée, et perdit d'un seul coup toute la superbe qu'elle s'était attribuée. Ses vêtements étaient tâchés de boue et s'étaient déchirés en de multiples endroits. Au dessus d'elle, le garde pointa son arme directement sur sa tête, et afficha un air de satisfaction particulièrement condescendant. C'en était fini pour elle, pensa le garçon, blasé.

 -Fallait vraiment ça pour que tu la fermes, hein, gourdasse? Vous autres de l'armée vous êtes vraiment incapable de comprendre qu'ici, là, tu vois, c'est le domaine de la garde civile, son territoire. Là où on pisse, t'sais, comme les chats. T'aurais vraiment dû retourner dans ton QG pourri, parce que là, t'as franchi une ligne ma cocotte. Quand on retrouvera ton cadavre demain matin, baignant dans une flaque de sang sale, tout le monde saura qu'on est supérieurs. J'vais ramener tes vêtements et ton badge moisi chez moi et les afficher au dessus de mon lit. J'vais même prendre une photo de ta carcasse pour mon album personnel, celui où je range les photos de corps des clochards crevés.T'iras rejoindre les rats. C'est le destin de toute l'armée. Sur ce, bon voyage de l'autre côté...

On entendit le déclic. Le sifflement, la charge de la strabonite, l'installation de la balle, le règlement du canon pour un tir optimal, et...

 -J'en ai sérieusement plein le dos de vous, vous le savez?

Le processus de l'arme s'arrêta brusquement. L'homme, visiblement paniqué, fit volte-face et se retourna vers le pan de mur d'où provenait la voix. Il avait le pistolet braqué sur le torse du jeune garçon. Ce dernier se demanda un court instant ce qui lui avait pris de sortir de sa cachette. D'ordinaire, il n'aurait jamais porté le moindre interêt à ce genre de choses, qui étaient monnaie courante dans cette ville de fous. Seulement, cette fois-ci, et Dieu seul sait pourquoi, quelque chose en lui l'avait poussé à porter secours à cette demoiselle. Et là aussi, Dieu seul sait à quel point il haïssait l'armée de Lazaria.

Il avança d'un pas prudent. Son visage avait perdu tout son côté juvénile, et affichait maintenant une expression de rage contenue, mêlée de dégoût. Tout en cet homme le répugnait, tant son uniforme civile que son visage placide, aux traits vieillis et déformés par l'orgueil. Sa position le dégoûtait, son attitude le révulsait, son être tout entier n'appellait qu'à être éffacé de la surface de cette planète. Une colère bouillante lui commandait de lui régler son compte.

Il était reparti pour lui toucher un mot sur ses méthodes, après tout il avait bien le droit de se défendre. 

Mais il n'eut même pas le temps de prononcer un mot de plus. Dans l'obscure clarté qu'offrait cette rue, le coup de feu partit. Il mit quelques secondes à s'en rendre compte, mais son ouïe et sa vue se brouillaient. Il tourna la tête vers la jeune femme, au sol, qui avait maintenant les mains plaquées sur la bouche, éttouffant un cri. En jetant un oeil vers le bas, Il constata le triste spectacle de ses vêtements tâchés de sang, de son sang. Une seconde à peine plus tard, il était au sol.

Une étrange sensation l'envahit. ll avait vraiment l'impression de flotter, quelque part entre le monde d'ici et ailleurs. Tout autour de lui disparaissait progressivement. Il venait de se faire tirer dessus, dans l'abdomen. Son sang coulait, et coulait, encore et encore. L'hémoragie ne voulait plus s'arrêter. Les dernière sensations s'évanouissèrent pendant que lui riait interieurement. Ses paupière se fermèrent, son poul s'arrêta définitivement, il était mort.

L'individu, armé et la main tremblante, s'empressa de courir vers son corps inerte afin de s'assurer de son décès. Il eut un petit sourire en coin, témoignant de son soulagement, et le voilà qui repartait à la conquête de sa proie. Celle ci pleurait maintenant à chaudes larmes, et son corps convulsait sous les à-coups du choc psychologique qu'elle venait de subir.

 -En voilà un qui me les brisera plus. C'est cool, ça, ca m'fera deux cadavres pour le prix d'un.

Il éclata d'un rire sonore extrêmement vicieux, qui reveilla tout le monde dans la rue. Il riait si fort qu'il n'entendait, ni ne voyait plus grand chose autour de lui, absorbé par les intenses sensations qui lui procurait la mort du jeune homme.

 -C'est marrant, on me l'avait jamais faite, celle-là, me tirer dans l'abdomen.

Le rire frénétique cessa immédiatement. Le visage tordu qu'il montrait jusque là changea du tout au tout, et prit une teinte violacée. Lentement, il baissa la tête. Ses membres furent soudainement agités de micro-spasmes incontrôlables, tant et si bien qu'il ne put plus tenir son arme correctement. Celle-ci tomba sur le sol dans un bruit métallique sec, sortant de sa torpeur le sinistre garde. La dénommée, Eolia, quant à elle, regardait vers le corps d'où sortait la voix. On aurait dit qu'elle se tenait devant elle un revenant, un fantôme, ce qui était pour ainsi dire exactement le cas. Elle tomba évanouie.

L'homme se retourna. Les yeux vides, les joues pâles, tout en lui indiquait une peur immense. Il fit un pas en arrière, manqua de trébucher sur Eolia . Il les regarda tour à tour.

 -Ma...mais...mais ce n'est pas po...possible ! Je t'ai tiré dessus, t'es mort !

En effet, le supposé macabé tenait debout. Devant lui, à peine à une dizaine de mètres, il se tenait droit dans ses bottes, le regard mauvais. Le reste de son visage était, lui, dénué d'expressions, et présentait encore la pâleur conséquente à sa récente hémoragie.

Lentement, il s'approcha. La plaie qu'avait formé la balle tirée par l'homme était maintenant complètement refermée, et la perte de sang s'était interrompue. La bouche de l'homme s'entrouvrit alors pour laisser sortir un petit cri d'effroi. Quant au survivant, affichant un très leger sourire en coin, il s'arrêta

 -Je vais finir ma phrase. J'en ai plein le dos de vous. Les gardes. Les militaires. Les officiels. Vous me sortez par les yeux. Je me retiens de ne pas tous vous embrocher depuis pas mal d'années, mais j'ai comme qui dirait quelques...secrets à protéger. Tu ne verras donc pas d'inconvénient à ce que je m'assure de ton silence, n'est-ce pas?

Le garde recula, recula encore pour finir adossé à un mur. Le garçon, qui avait la main sur une épée, se rapprocha de lui et sortit lentement la lame de son fourreau. Sur celle-ci, des inscriptions en ancien lazarien, ainsi que le sceau de l'encien empire. 

 -Mon nom est Dieter Archimedus fi Landria Lazarus, fils du quatre-vingt deuxième empereur Archus Lazarus, cadet de l'impératrice Thalia et quatre-vingt troisième empereur de jure. Je suis le dernier des enfants de ce pays, le survivant de la nuit pourpre, le descendant des grands fondateurs, la légende qui court et ne s'arrête pas. J'ai 423 ans. Je suis le véritable pouvoir de ce pays, l'empereur qui ne régna pas, le dernier des princes de ce monde. Je suis enfin l'abandonné de la providence. Ma route est éternelle et sans but, mais je ne passe pas à côté de cafards comme toi sans les écraser de mon talon !

Désormais à seulement deux mètres du garde, il sortit son arme et la passa au travers du corps du malheureux. Ses traits se figèrent ainsi pour toujours, dans une expression de peur et d'incompréhension, qui laissaient entrevoir les sombres desseins que Dieter entretenait pour les gens de son espèce. Il n'avait pas d'armée bien qu'empereur, peu de soutiens, et aucune ambition. Mais il ne laisserait personne entraver le chemin de son existence, si futile fût-elle. Il traînait sa vieille carcasse depuis si longtemps, s'était pris tant de balles et avait vu tant d'épées traverser son corps. Mais à partir de ce meurtre, qui aurait probablement des repercussions, son destin changerait du tout au tout.

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