III

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L'aube à peine entamée, déjà le ciel se colorait comme si le sang versé cette nuit par les armées Uzgurl de l'autre côté de la vallée venait rougir l'horizon. Cela faisait plusieurs jours que le retentissement des cris au loin ainsi que l'entrechoquement violent des épées venaient troubler le sommeil du jeune homme, aussi même, servaient-ils de funeste inspiration à son inconscient rêveur.

Ce matin-là, la caravane faisait route vers l'ouest. Deux chevaux avaient été harnachés à ce véhicule semblant souffrir des contraintes infligés par le temps et les voyages. On n'aurait su dire lequel des trois était le moins enclin à parcourir la distance qui séparait l'équipage de Qartum «la Céleste», cité marchande et pilier économique de la province de Thelerim depuis plus d'un siècle.

La traversée arpentant régulièrement des canyons aux routes accidentées, s'était cependant effectuée dans la quiétude d'un silence environnant troublé de temps à autres par les railleries et les conversations bruyantes des deux hommes d'envergure se tenant en tête de la caravane. L’oncle de Zach se distinguait par sa silhouette élancée et son sourire abîmé. Son père quant à lui plus robuste, s'imposait comme le leader naturel de cette escouade. Le véhicule délabré était bondé de ces esclaves dont les deux frères faisaient commerce depuis au moins aussi longtemps que Zach était capable de remonter ses souvenirs. Ils n'auraient sans doute troqué cette activité pour rien au monde tant les affaires étaient fleurissantes dans la région. Si les hommes en bonne santé étaient recherchés pour leurs bras solides, les femmes étaient, elles, souvent choisies comme servantes.

La cité se dévoilant enfin au regard du groupe, Zach oublia un instant le malaise que lui provoquait sa présence au sein du convoi. Il comprit alors pourquoi on lui donnait son surnom de « la Céleste » tant certaines tours gigantesques semblaient tutoyer le ciel dégagé de cette chaude matinée. Il n’aurait pas paru étrange au jeune homme qu’elles viennent soudainement à disparaître derrière d’épais nuages si le temps venait à se couvrir. En revanche, il ne sut expliquer leur utilité au sein d’une ville marchande. Il ne se posa pas longtemps la question puisque son père vint apporter une réponse comme si pendant un instant il avait été capable de lire les pensées de son jeune fils :

Tu vois, fils, si nous parvenions à faire fortune comme ces chiens perchés en haut de leurs maudites tours nous pourrions nous aussi jouir des pouvoirs et privilèges tant convoités de cette ville. Il continua en plaisantant : « Pour cela il faudrait livrer à leur ennemi héréditaire nombre de jeunes princesses s'étant imprudemment dressées sur notre route. » Il éclata de son habituel rire grotesque timidement imité par celui plus discret de son frère qui ne se risquait jamais à essayer de rire plus fort que son aîné. Zach était tellement subjugué par la majesté de ce nouveau lieu qui s’ouvrait devant lui qu'il en oublia la crainte que lui inspirait son père.

Lorsqu’ils s’apprêtèrent à franchir les immenses portes de la cité, Zach remarqua un attroupement de gardes au comportement étrange comme s’ils étaient encore sous l’influence des excès commis la veille, soirée durant laquelle on festoyait par tradition tous les ans depuis l’avènement du dernier gouverneur de la ville. En tout cas, c’est ce qu’avait entendu Zach de la bouche de son oncle durant le trajet. Plus encore ici que sur toute autre place de marché, le monde grouillait et le brouhaha l'accompagnait. Une fois pénétré à l'intérieur des murs de la cité négligemment gardés, les tours paraissaient encore plus impressionnantes et semblaient littéralement défier les lois de la gravité. Bien des intrigues devaient se jouer au sein de ces édifices mystérieux. Zach qui avait jusqu'ici été contraint de rester à demeure ― située dans un territoire isolé ― afin d'épauler sa mère depuis sa tendre enfance, écarquillait les yeux en permanence. Les différentes étales où l'on semblait vendre tout ce qui pouvait l'être couvraient la moindre parcelle de terrain, ne laissant qu'un espace réduit aux passants qui jouaient des coudes à chaque instant pour se frayer un chemin à l'affût des bonnes affaires.

Malgré le désordre ambiant, Zach perçu dans son dos une bousculade suivie d'un gémissement offusqué. Lorsqu'il se retourna, il remarqua que l'homme qui avait trébuché gisait maintenant près d'une dame aux atours prestigieusement confectionnés qui le regardait d'un regard hautin et méprisant. On ne pouvait en dire autant de l'homme sur le point de se relever avec difficulté, sans doute plus sous l'effet de l'alcool que celui de sa chute. Sa tunique en partie délabrée tranchait assez radicalement avec l'élégance affichée par la jeune femme. Presque aussitôt, le petit attroupement de gardes se tenant à proximité, s'approcha hâtivement de la scène et deux d'entre eux saisirent sans ménagement l'homme tout à coup devenu blême puis l’emmenèrent à l'abri des regards non sans lui avoir administré quelques coups bien placés au passage. Zach s'avisa qu'il avait perdu de vue ses compagnons et commença à regarder tout autour de lui d'un air inquiet mais entendit une voie familière derrière lui :

Bon sang, que fais-tu planté-là, veux-tu finir comme ce gueux ? Son père n'avait pas parlé sur le ton de la plaisanterie cette fois. Le convoi familiale contourna la foule et fini par s'engager à travers une ruelle peu fréquentée menant à une discrète courette d'où on s’apprêterait à décharger la « marchandise ».

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