28. « Je te haime »

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Miguel était en train de fumer une clope lorsqu'une alerte MMS le sortit de ses songes. Il consulta promptement son smartphone ; quand il découvrit l'intitulé du message - "Je t'aime" - et l'identité de la personne qui le lui avait envoyé, il se contenta de répondre de manière agressive et sans appel à son interlocutrice, quitte à se montrer aussi blessant qu'odieux.

***

[Je t'ai définitivement rayée de ma vie, Valentine. Je ne suis et n'ai jamais été amoureux de toi. Nous n'étions ensemble que pour le cul, alors cesse de me harceler ! De toute façon, je vais te blacklister, comme ça, je n'aurai plus à subir tes jérémiades. M]

***

Les bras qui enlacèrent sa taille au moment où il validait son texto le firent sursauter dans la pénombre, il s'en fallut de peu que son mégot ne s'échappe d'entre ses lèvres pour s'échouer au sol. Laurène appuya sa tête contre son dos et s'excusa, penaude.

  • Pardon...

L'hidalgo rengaina son téléphone, jeta sa clope sur le gravier de l'allée, puis l'écrasa de son pied avant de se retourner pour faire face à la jolie blonde qui ne quittait plus ses pensées. Il l'observa un moment, drapée dans sa longue robe fleurie, avec ce sourire enjôleur qui n'en finissait plus de la charmer. Elle avait à la fois ce côté très femme fatale, sensuelle, féline, et cette fragilité à fleur de peau qui l'avait séduit au premier regard. Telle une petite fille prise en faute, elle baissait la tête pour ne pas croiser les yeux courroucés de celui qui la faisait vibrer. Miguel releva son menton à deux doigts pour lui signifier qu'il ne lui en voulait pas le moins du monde. Il l'attira contre lui pour s'excuser à son tour :

  • Non, c'est moi qui me suis emporté, et j'en suis désolé, je n'aurais pas dû. Les femmes que j'ai l'habitude de fréquenter sont plus libérées, elles ne se posent pas autant de questions que toi. Je n'ai pas mesuré tout ce que notre relation pouvait représenter comme changements d'importance dans ta vie ; j'ai sans doute voulu aller trop vite... Trop vite pour toi...
  • Ne crois pas ça, surtout pas ! Je ne regrette rien, plus maintenant du moins. Tu sais, je ne suis pas une poupée de porcelaine ; il ne faut pas que tu aies peur de me bousculer. J'en ai besoin, envie...

L'andalou la serra plus fort et leurs bouches s'unirent dans un langoureux french kiss tandis que ses mains se faisaient baladeuses sur le corps de sa belle et que son sexe se tendait à la perspective de lui faire l'amour. Mais l'illumination soudaine de la piscine voisine les interrompit brusquement.

  • Il ne faudrait pas trop faire attendre Antoine et Claude... se résigna-t-il dans un souffle en desserrant son étreinte.
  • Tu as raison... File vite prendre une douche à l'étage et te changer. Tu nous rejoindras dans le salon...

Un dernier baiser, puis Miguel s'éclipsa. En grimpant les marches de l'escalier, il jeta un œil à son portable pour s'assurer de la bonne distribution de son texto, puis blacklista Valentine d'un rictus aussi suffisant que satisfait.

***

Le SMS assassin du beau brun terrassa Valentine, qui manqua de s'évanouir en en prenant connaissance en pleine rue. Sa respiration s'accéléra d'un seul coup, une sensation d'étouffement l'envahit subitement, au point de devoir s'adosser à un mur afin de lutter contre un vertige naissant.

C'en était fini d'eux deux, tout espoir était anéanti : Miguel ne reviendrait pas, jamais.

La tête lui tournait, le manque se faisait à nouveau sentir. Le manque de dope, le manque de bite. Elle n'était plus très loin du terrain vague. De Ludo son dealeur, de Hassan ou Karim ses sbires. Une tournante multiraciale pour oublier, pour s'oublier. Son corps de putain pour quelques centilitres de coke.

Elle tournait, les trois chibres la tringlant sans répit ni égard. Ils la limaient de partout, se fichaient pas mal de sa douleur, de ses cris étouffés, de ses larmes. Ils finiraient sur elle, une pluie de foutre pré-programmée pour inonder sa gueule de pétasse éperdue. Elle prenait cher, la garce, mais après tout, c'est ce qu'elle était venue chercher, non ? Sa chatte, sa bouche, son cul et ses seins, l'intégralité de ce body refait pour plaire au plus grand monde, tout y passait. Elle était bonne, elle le savait, et elle payait un sacré pactole, probablement bien davantage qu'elle n'aurait dû. Et ça durait, elle l'endurait, plus longtemps qu'elle ne l'aurait cru. Puis ils vidèrent enfin leurs couilles, se déchargèrent sans aucune pudeur sur elle. Et ils l'abandonnèrent là, sans fringues et couverte de sperme au beau milieu de ce no man's land. Elle n'avait plus qu'un sac en toile de jute à côté d'elle, contenant une seringue et plusieurs doses. Son passeport pour son dernier trip. Mais avant de s'engouffrer dans le néant, l'image de Miguel s'imposa de nouveau brièvement à son esprit ; elle hurla à la mort son désespoir et sa rage. La fin de sa trop courte vie...

***

« Je te haime, pauvre moi /
D'être love à ce point-là /
C'est pas ta vie, c'est la mienne /
Que je détruis pour la tienne... » (1)

(1) : paroles extraites de la chanson Je te haime, interprétée par Jessica Marquez.

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