6.Valentine

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Appel entrant : Valentine. Miguel le refusa. Auparavant, un MMS de son ex l’avait précédé : un selfie très déshabillé et suggestif. Il n’était bien évidemment pas insensible à ses charmes ; ses airs aguicheurs à la Paris Hilton lui avaient d'ailleurs tapé dans l’œil dès leur première rencontre. Même que Jonathan, son collègue et meilleur ami, l’avait charrié en ces termes à l'époque :

  • Ben mon salaud, y’en a qui se font pas chier !
  • Que veux-tu, c'est ça la bogossitude : ça te permet de pécho tranquille n'importe quelle meuf. Alors que toi, évidemment, tu dois ramer quinze fois plus pour y arriver...
  • Enfoiré va !

Le teint halé et les cheveux platine, Valentine avait un corps de rêve, à tomber par terre. D’ordinaire, Miguel ne s’arrêtait pas à ce seul critère, mais lorsqu’elle était entrée en contact avec lui via Facebook – ils étaient tous deux membres d’un groupe fermé d’amateurs de polars – il était encore sous le choc du décès de sa mère. Cadet d’une fratrie de six garçons, il était le seul à avoir quitté son Andalousie natale au sortir de son adolescence pour forcer son destin. Madrid, Barcelone, Montpellier puis Lyon. Son retour au pays pour l’enterrement de la mama avait été difficile, l’aîné de ses frères ne lui ayant jamais pardonné son départ :

  • Tu as toujours été le préféré, et c’est toi qui es parti le plus loin. C’est ça qui l’a tuée à petit feu : ton égoïsme. Tu n’es plus le bienvenu ici, retourne là-bas, chez toi…

Des paroles très dures à encaisser. Alors, cette fille était entrée dans sa vie à point nommé. Joueuse, espiègle et peu farouche, c’était le genre de relation qu’il lui fallait pour remonter la pente. Et le fait qu'elle soit autant accro à son corps, à son chibre, ne gâtait rien.

  • Valentine, c’est quoi ton vrai nom ?
  • Juste Valentine. Dans ma vie privée, mes relations amoureuses, je joue un rôle, je ne suis pas la même qu’avec ma famille ou à la fac. Je cloisonne, je ne veux pas que ça déborde. Mais je te promets que si un jour tu me demandes en mariage, je te le dirai…

Seulement, le bel hidalgo s’était assez vite rendu compte que sa bimbo l’emprisonnait trop dans leur jeu, l'étouffait. Possessive et excessivement jalouse, elle n'avait pas hésité à faire un scandale à la concession devant une cliente qu’elle jugeait trop rentre-dedans avec « son » mec. Le ton était monté entre eux, la transaction avait capoté et Miguel avait reçu un avertissement de son chef des ventes. Ils avaient néanmoins continué à se voir - l'attraction sexuelle qu'elle exerçait sur le jeune andalou finissait toujours par l'emporter sur la raison -, jusqu’à ce que Valentine lui fasse de nouveau une scène, un soir, au restaurant.

***

  • Écoute, Val, je crois qu’on va s’arrêter là. T’es une super nana et j’ai kiffé tous les bons moments qu’on a passés ensemble, mais je ne peux pas continuer comme ça. À ce qu’on se prenne la tête en permanence pour des conneries. Je te jure qu’en ce moment, j’ai pas besoin de ça…
  • Putain mais c’est pas vrai, bordel ! avait-elle explosé. Tu peux pas me faire ça, Miguel, pas toi ! Tu peux pas me jeter comme ça, comme un Kleenex, juste parce que tu bandes pour une autre pouffiasse !
  • C'est pas pour ça, Val, et tu le sais très bien...

Puis, la rage au coeur et la voix rauque d'une émotion à peine contenue :

  • Tu vois, Miguel, je croyais que c'était différent, nous deux. Que t'étais différent des autres, de tous les autres. Mais en fait non, t'es pareil. Pour toi, pour eux, je ne suis qu'une salope qui aime la bite, juste bonne à écarter les cuisses et à se faire tringler du matin au soir, sans égards. Une salope qui n'a pas à l'ouvrir quand son mec a soudainement envie de s'en taper une autre. Une salope qu'on baise et qu'on jette quand on s'est suffisamment servi d'elle pour vider ses couilles. Putain, mais c'est vous les salauds, oui ! Des pauvres types qui prennent tout sans jamais rien donner...

Le trentenaire avait bien essayé d'apaiser les choses en recouvrant sa main de la sienne afin de rompre en douceur sans faire trop de dégâts dans le coeur de la belle, en vain :

  • Je voulais pas te faire de peine, Val, et je te jure que c’était pas que pour le cul entre toi et moi. Je ne suis pas comme ça, et tu le sais très bien. C’est juste que c’est plus possible, ta jalousie. Je vois bien que ça te blesse, mais te donner plus, je peux pas...
  • T'es vraiment qu'un enculé ! avait-elle rétorqué avec humeur en lui balançant son verre à la figure.

Alors, il s'était levé, avait laissé sur la table quelques billets pour régler l'addition, tenté un dernier geste de réconfort en posant sa main sur l'épaule nue de Valentine, mais celle-ci lui avait décoché le plus noir de ses regards, embué de larmes :

  • Vas-y, dégage !
  • Je voulais pas que ça se finisse comme ça, Val...
  • Barre-toi connard !! avait-elle mugi en dégageant son épaule de l'ultime marque d'affection de Miguel. BARRE-TOI !!

***

Un SMS : Valentine.

***

[Décroche, j’ai trop envie d’entendre ta voix, ton souffle, de sentir tes mains sur moi… ]

***

Miguel le supprima dans la seconde, il ne voulait à aucun prix retourner en enfer.

Second SMS : Arnaud.

Il était au regret de ne pouvoir lui transmettre les coordonnées de Laurène sans son consentement préalable, même si c’était à des fins professionnelles. On n’était jamais trop prudent de nos jours. Remerciement laconique et résigné. Il lui faudrait attendre un hypothétique appel de celle qui l’avait chaviré cette nuit. Et si elle ne le recontactait jamais ?

Bon sang, quelle journée de merde !

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