Sunlight

31 minutes de lecture

Bonjour amis lecteurs =)

Ce chapitre sera le dernier : j'espère sincèrement qu'il vous plaira. Et je vous rejoins en bas pour le mot de la fin ;D

Bonne lecture !

Nat'

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Deux semaines se sont écoulées lorsqu'Hermione découvre qu'elle est enceinte.

Les premiers instants, elle ne ressent rien. Comme si cette nouvelle était trop surréaliste pour pouvoir l'atteindre. Son monde a connu trop de changements en trop peu de temps pour assimiler celui-là.

Ensuite, cependant, il faut bien faire face. Elle est enceinte. Que ressent-elle ?

Une partie d'elle n'arrive pas à se sentir surprise. Elle reçoit la nouvelle comme une sorte de développement inévitable. Quelque chose qui aurait été prévu, depuis le début, dans la grande marche de l'Univers, quelque chose qui devait arriver.

Hermione ne croit pas au destin. Mais, à mesure que les minutes s'écoulent, elle croit comprendre l'origine de son sentiment. Tant de mauvaises choses se sont passées durant ces derniers mois. Tant d'espoirs étouffés dans l'œuf, tant de promesses de renouveau qui ne se sont pas concrétisées.

Elle pense à Malefoy, bien sûr. Depuis sa libération de prison, une force invisible semble avoir étendu sa main sur le destin de Drago, pour détruire toutes ses chances de s'en sortir. Chaque décision, chaque croisement, chaque évènement qui aurait pu bien tourner, a été gâché d'une manière ou d'une autre, irrémédiablement. Au final, il n'en est ressorti que malheur et destruction. Il semble normal aujourd'hui que le hasard rétablisse l'équilibre. En créant quelque chose. Une vie, un enfant. Un peu de lumière en dépit de toutes ces ténèbres.

Hermione envisage aussitôt cette grossesse comme une bouffée d'oxygène, un rayon de Soleil au milieu d'une fumée noire et sans fin. Une petite pousse verte qui s'obstine à percer la terre stérile. C'est pour cela qu'elle décide sur l'instant de garder l'enfant. Elle ne se pose pas la question une seconde.

Bien sûr, les conséquences défilent dans son esprit. Elle sait le bouleversement que cela apportera dans son quotidien, mais aussi dans celui de sa fille et de ses proches. Que dira Ron ? Comment le lui annoncer ? Hermione redoute déjà sa réaction. Que dira Harry ? Que diront les gens ?

Elle ne pourra pas révéler l'identité du père de son bébé au grand public. Cela aussi, elle le décide avant même d'en avoir parlé à quiconque. Cela reviendrait à avouer son lien avec Drago Malefoy. Et maintenant que Drago est en fuite, considéré comme le criminel le plus recherché du pays...

Hermione secoue la tête. Peu importe les commérages et les spéculations que la Gazette du Sorcier ne manquera pas de faire. Qu'ils s'interrogent. Elle n'a que faire du regard des autres. Ce bébé, elle le veut. Elle le mérite. Pas seulement pour elle, mais aussi pour Drago. Lui aussi mérite une part de création dans son existence stérile. Une preuve, même s'il ne la verra peut-être jamais, que lui aussi est capable de créer. Créer quelque chose de bon, de pur, et d'innocent.

Ce bébé, ce sera un peu d'elle, un peu de lui. Hermione veut le garder pour cela aussi. Parce qu'elle sait que Drago a quitté leurs vies sans aucun espoir de retour. Alors quelque part, cet enfant, c'est aussi son dernier lien avec lui.

XXX

Trois mois plus tard

Promu à la tête du département des Aurors, Harry goûte à l'amertume de sa propre situation. Jour après jour, il est contraint d'écouter les rapports des deux dizaines d'hommes qu'il a dû lancer à la recherche de Drago Malefoy. Il n'a pas eu le choix. La pression médiatique était trop intense, sans parler de la pression du Ministère.

Seul derrière son bureau en merisier massif, Harry contemple l'affiche placardée sur le tableau mural, la même que celle qui a été distribuée à des milliers d'exemplaires à travers tout le pays. Drago Malefoy est désormais considéré comme l'ennemi public numéro un. Sa photo s'étale en gros dans tous les lieux publics du Royaume-Uni. Sur l'affiche dans le bureau d'Harry, Malefoy le dévisage de son air froid et stoïque, et ses yeux semblent lui dire : « Regarde ce que tu as fait. Regarde ce que tu as fait de moi ».

Harry soupire. Comme de plus en plus souvent ces derniers temps, il enfouit sa tête entre ses mains. Il se sent assailli par les ironies de sa vie.

C'est lui qui a placé Malefoy sur le chemin du crime. Lui qui n'a cessé, depuis sa libération, de l'entraîner vers les pires choix possibles, tout en lui barrant systématiquement toutes les autres routes. C'est à cause de lui si Malefoy a fini par exploser pour massacrer tous ces hommes dans le manoir de sa famille. Tous ceux qui voulaient s'allouer un droit sur sa vie, sur son destin... Harry devrait sans doute s'estimer heureux qu'il ne l'ait pas tué, lui aussi. Il l'aurait mérité.

Quelque part, Harry aurait sans doute préféré le châtiment de Malefoy à cette parodie de vie, cette comédie qui le contraint à traquer l'homme qu'il aime comme s'il était devenu le nouveau mage noir du XXIe siècle. Il aimerait pouvoir crier à la face du monde : « Il n'est pas comme ça ! Vous n'avez aucune idée de l'homme qu'il est réellement ! Si seulement vous aviez pris la peine de le connaitre, de lui donner une chance ! C'est moi le responsable. Blâmez-moi, blâmez-moi tous ! Mais laissez-le en paix... ».

Mais non. Le monde sorcier le prend pour un héros, et c'est Malefoy que l'on diabolise. Le monde sorcier le prend pour un héros, et c'est pourquoi l'on a jugé rassurant de placer Harry à la tête de l'enquête sur Drago Malefoy, le Boucher d'Azkaban, l'Héritier des Ténèbres, comme les journaux se sont vite plu à le surnommer. C'est sans doute cela le pire. Rien que d'y penser donne à Harry l'envie de vomir. Parce qu'il a fait de Malefoy l'exact opposé de tout ce qu'il aurait pu devenir en sortant de prison. Il l'a replongé dans les ténèbres dont il avait tant lutté pour s'extirper, sans jamais y réussir vraiment. Harry a réduit à néant tous ses efforts. Et au final, Malefoy a fini par embrasser cette image que le monde entier s'était toujours efforcé de lui donner.

Harry imagine sans peine les pensées qui ont dû lui traverser l'esprit. « Vous voulez un mage noir ? Vous l'aurez. Vous voulez du mal, de la magie noire, de la mort et du sang ? Vous l'aurez. Mais moi, vous ne m'aurez pas. Parce que ça n'a jamais été moi. Allez-y, je vous donne le Drago Malefoy que vous avez toujours souhaité. Mais vous devrez vous contenter d'un fantôme ».

Et Malefoy est devenu un fantôme. Il a disparu, sans laisser aucune trace. Sans surprise. Envolé, comme la fumée des flammes qui ont consumé ses ennemis...

Harry n'est même pas sûr de vouloir le retrouver. Pour sauver les apparences, il est bien contraint d'enquêter, mais... Au fond de lui-même, le cœur n'y est pas. Il sait que Malefoy a mérité sa liberté. Que le monde sorcier a une dette envers lui, pour toutes les injustices qu'il lui a fait subir, et que le seul moyen d'honorer cette dette serait de le laisser en paix. Seulement voilà. Le monde sorcier n'a pas conscience d'avoir une dette. Il ne cessera jamais de le traquer. Heureusement, Harry fait confiance à Malefoy pour savoir faire disparaitre ses traces.

Epuisé tout à coup, Harry détourne le regard de l'affiche qui le trouble plus qu'il ne veut l'admettre, et se plonge dans les nouvelles du jour. Maigre distraction, mais c'est la seule qui lui soit accessible au bureau. D'habitude, les gros titres sur Malefoy ou le massacre du Manoir le renvoient immédiatement à ses prérogatives d'Auror... Mais aujourd'hui, la Gazette a opté pour une approche plus « people ». Et ce qu'Harry déchiffre lui fait rater un battement.

« Hermione Granger enceinte », proclame la une du quotidien.

Et l'article de renchérir : « Quelques mois à peine après sa séparation d'avec son époux Ronald Weasley, l'ancienne héroïne de guerre Hermione Granger a confirmé être enceinte de son second enfant. Elle s'est en revanche refusée à tout commentaire quant à l'identité du père de l'enfant. Ronald Weasley, également interrogé, n'a pas souhaité s'exprimer. »

Harry reste de longues secondes à contempler l'article, comme groggy, incapable de réagir. Incapable de déduire les conséquences de ce qu'il vient d'apprendre... Mais son cerveau l'y contraint : « C'est Malefoy. », songe-t-il aussitôt. « Malefoy est le père de l'enfant ».

Il ne sait ce que cela lui inspire. Ses sentiments sont indescriptibles. Il éprouve simplement un besoin urgent de parler à Hermione, et, peut-être, de l'épauler dans l'épreuve qu'elle affronte. Il réalise soudain qu'il a pitié d'elle. Quel choc cela a dû être d'apprendre cette nouvelle... Quel courage elle a eu de garder cet enfant, d'assumer cette grossesse au grand jour, en sachant qu'elle serait seule pour l'élever, et seule dans la tempête médiatique que cela ne manquerait pas de déchainer... Harry ne se pose pas la question une seconde de plus. Il doit l'aider. Il use de ses nouveaux privilèges pour abréger sa journée et transplaner.

Hermione est chez elle. Après l'avoir cherchée à son bureau, Harry a appris qu'elle a choisi de prendre quelques jours de congé après sa déclaration publique, le temps sans doute que la nouvelle retombe. Après une vague hésitation, Harry se décide à frapper à la porte.

Hermione lui ouvre presque aussitôt. Etait-elle assise là derrière la fenêtre, à guetter les journalistes ? Cela n'a aucune importance. Dès qu'il la voit, Harry ne peut se focaliser que sur une chose : son ventre discret qui commence doucement à s'arrondir. Puis il voit le visage d'Hermione, il voit son regard, et il comprend sans avoir besoin de parler qu'elle sait pourquoi il est là :

- Entre, lui dit-elle.

Harry obéit. Le salon est resté tel que dans son souvenir. Sur le canapé, Rose, qui fêtera bientôt ses six ans, organise un combat entre de petits soldats armés et une figurine de dragon. Elle n'a jamais vraiment été du genre à aimer les poupées.

Harry sourit lorsque la petite se jette dans ses bras pour lui dire bonjour, mais est peiné devant l'hésitation qui a précédé son geste. Cela fait longtemps qu'il ne l'a pas vue. Longtemps qu'il a déserté son quotidien. Pour Rose, il n'est déjà plus le père de remplacement qui la bordait le soir lorsqu'elle avait deux ans, ces souvenirs ce sont effacés de sa mémoire. Il n'est plus qu'un parrain distant qui entretient une relation assez froide avec ses deux parents.

- Assieds-toi, propose Hermione après avoir envoyé Rose jouer dans sa chambre.

Harry obéit et la regarde faire tandis qu'elle leur prépare du thé. Pendant tout ce temps, aucun d'eux ne prend la parole. Sans doute ont-ils besoin de ce silence avant de pouvoir tout se dire. Ou peut-être n'ont-ils rien besoin de dire du tout.

- Comment est-ce que tu vas ? demande enfin Harry lorsqu'elle s'assoit en face de lui.

Il a jugé que c'était la question la plus importante qu'il devait lui poser. Hermione semble apprécier son calme et son empathie :

- Ça va très bien, dit-elle doucement.

- Et le bébé ?

Elle a un faible sourire, sans détourner le regard :

- Il va très bien, lui aussi.

A nouveau, ils restent silencieux. Puis Harry pose les questions qui doivent être posées :

- Comment a réagi Ron ? dit-il.

Hermione hausse les épaules :

- Il était fou furieux, comme tu peux t'en douter.

- Il ne t'a pas fait de mal ?

- Non.

Hermione s'interrompt quelques instants, cherche ses mots, puis ose à nouveau affronter le regard d'Harry :

- Il avait des raisons de m'en vouloir, tu sais, déclare-t-elle. J'ai caché ma grossesse jusqu'à ce que le divorce ait été prononcé. Si j'avais été honnête avec Ron, il aurait pu se servir de mon infidélité pour obtenir la garde partagée de Rose... Mais je ne lui ai pas dit, et j'ai obtenu la garde complète.

Hermione reprend, pour se justifier :

- Je ne voulais pas qu'il ait la garde partagée de ma fille... Pas après avoir vu ce qu'il est devenu. Pas après qu'il nous ait abandonnées toutes les deux lorsqu'elle n'était qu'un bébé, et combien d'autres fois ensuite...

- Je comprends.

Harry est sincère. Ron n'a jamais été un père pour Rose. Mais, parce qu'il a connu la douleur de perdre Rose lui aussi, il ne peut s'empêcher de compatir.

- Est-ce que tu t'en sortiras ? demande-t-il alors. Toute seule avec Rose, et ce bébé ?

Hermione lui retourne un sourire triste et serein :

- Je ne serai pas toute seule, dit-elle. Mes parents vont venir s'installer près de Londres. Et puis...

Elle hésite, tend la main vers lui. Harry comprend aussitôt pourquoi :

- Tu seras toujours le bienvenu dans cette maison, dit-elle sans oser soutenir son regard. Je ne te demande rien, bien sûr. Tu ne me dois rien. Je t'ai pris ton foyer et ta famille une fois, tu as toutes les raisons de vouloir fuir cette maison. Mais au cas où tu ne le voudrais pas, sache que tu seras toujours le bienvenu.

Harry acquiesce doucement. Les paroles d'Hermione l'ont sonné, ému, plus qu'il ne veut l'admettre. Pour la première fois depuis des mois, il se sent les idées claires. Hermione a ce don. Cette faculté à ordonner les esprits les plus chaotiques, quand ils en ont le plus besoin. Sans doute est-ce pour cela qu'elle a choisi d'être psychologue. Sans doute est-ce pour cela qu'elle a pu exercer sa magie sur Malefoy...

Regardant son ventre légèrement rebondi, Harry se dit que peut-être, le moment est enfin venu de poser des pansements sur les blessures ouvertes entre lui et Hermione. Peut-être le moment est-il venu de faire la paix. D'apprendre à reconstruire ensemble. Tous deux se sont battus, aimés et détruits au nom d'une même cause. D'une même personne. D'un même amour. Tous deux ont souffert d'une égale façon. A présent, une chance leur est donnée d'apprendre à vivre sans Drago Malefoy. Avec son absence. Ensemble. Peut-être est-ce là l'ultime hommage, l'ultime service qu'ils peuvent rendre à la cause de leur vie. Honorer l'homme que Malefoy était vraiment, en chérissant et en protégeant son héritage. Harry voudrait faire cela. Il n'aurait jamais espéré qu'Hermione l'y invite, mais puisqu'elle l'a fait...

Dans les mois qui suivent, Harry est présent pour chaque instant de la grossesse d'Hermione. Pour des raisons de commodité, il revient même s'installer auprès d'elle et de Rose, même s'il dort dans la chambre d'ami. Tous trois forment à nouveau une famille, aussi étrange soit-elle. C'est une forme d'équilibre. Une forme de paix retrouvée, et dont il avait cruellement besoin. Il lui aura fallu tout ce temps pour s'en rendre compte...

A mesure que les semaines s'écoulent, Harry témoigne de plus en plus souvent de son soutien et de sa protection. Il est aux côtés d'Hermione lorsque les assauts des journalistes se font trop pressants. Lorsque son chemin l'amène à croiser celui de Ron, toujours furieux et belligérant. Il n'accorde pas un mot aux rumeurs qui prétendent désormais que c'est lui le père de l'enfant.

Le 21 octobre, Hermione finit par donner naissance à un petit garçon, prénommé Hugo. Dans les jours qui suivent, les rumeurs restent interdites. L'enfant est blond comme les blés, avec des yeux d'acier, plus clairs que la Lune. Aucune chance pour qu'il soit le fils d'Harry Potter. Mais alors, les rumeurs ne savent plus vers qui se tourner.

Quelque part, c'est une bonne chose. Aucune personne censée au sein de la presse sorcière ne peut imaginer un lien entre Hermione Granger et Drago Malefoy. Aussi, Hermione accueille-t-elle son fils au sein de sa petite famille, protégé des assauts du monde extérieur.

XXX

Il fait très froid ce matin-là, et le temps est pluvieux. Comme presque toujours sur cette petite île d'Ecosse. La brume ne s'est pas encore levée : elle drape la forêt comme un gigantesque réseau de toiles d'araignée. Drago y voit comme une forme de poésie. La brume ne le dérange pas : elle brouille les frontières de l'horizon comme le brouillard qu'il a lui-même jeté sur sa vie.

Enfilant son pull en laine et une écharpe, Drago se prépare pour son expédition hebdomadaire au village. Il descend le chemin à travers bois sur environ cinq kilomètres, avant d'apercevoir les maisons délabrées du petit port Moldu installé ici : la seule présence humaine de toute l'île.

Drago pénètre dans le village, rejoint les allées sur la place du marché, et endure comme d'habitude les regards persistants des habitants du coin.

Il ne s'en soucie plus, désormais. En arrivant ici quelques neuf mois plus tôt – par bateau, pour ne pas éveiller l'incompréhension des locaux – il craignait que la méfiance ou la curiosité des villageois ne le dénoncent aux autorités du continent. Mais non, il n'en a pas été ainsi. Dès que les gens ont appris qui il était, ils ont cessé de lui poser des questions et l'ont laissé tranquille. Sans toutefois parvenir à dissimuler ces regards insistants, qui exprimaient, bien plus que des mots, qu'il n'était pas natif de l'île.

Drago ne leur a pas donné son vrai nom, bien sûr. Mais celui de sa mère : Black. Lorsqu'il a planifié son désir de vengeance et la retraite inévitable qu'il devrait prendre ensuite, Drago s'est souvenu de cet héritage maternel dont on ne parlait pourtant presque jamais dans sa famille. Une petite île, au large des côtes écossaises, une petite île anonyme comme l'Ecosse en compte des centaines. Et qui appartenait depuis des siècles à la famille Black. Laissée à l'abandon, pour sa rigueur et son isolement. Seule cette petite communauté de Moldus, descendants des serviteurs qu'avaient jadis exploités les Black, vivait encore sur cette île. Aucun d'eux n'était suffisamment âgé pour se souvenir des anciens maîtres, Dieu merci.

Drago a fait valoir ses droits sur le domaine, et plus aucun de ces Moldus méfiants n'a cherché à le questionner. Bien sûr, il sait que d'innombrables rumeurs ont dû circuler derrière son dos. Mais aucune de ces rumeurs ne quittera jamais l'île. Ainsi, depuis neuf mois, Drago a-t-il disparu dans l'inconnu. Englouti au plus profond des îles méconnues d'Ecosse.

Vaguement amusé par son lyrisme, Drago sourit et commande comme chaque semaine la viande et le poisson qu'il consommera dans les jours à venir. Les commerçants ne discutent pas. Ce sont des gens rudes, intrigués par sa présence comme par une sorte d'animal mystique de mauvais augure. Ils ne lui cherchent pas de noises, mais s'estiment heureux tant qu'il passe le moins de temps possible dans leur village. Drago les comprend. Lui non plus n'aimerait pas se voir débarquer sur le pas de son échoppe.

La nourriture emballée, Drago fait demi-tour et repart. Le trajet à travers bois est long, mais apaisant. C'est tout à fait ce dont Drago a besoin : l'apaisement... Au cours de ces mois qui se sont écoulés, Drago a appris le silence, la patience, et le calme. Ne plus constamment vivre en regardant derrière son épaule. Ne plus planifier de moyens pour s'en sortir, ou pour se venger. Simplement vivre, au rythme des jours qui défilent, et des saisons qui changent.

Au terme du chemin de terre, Drago aperçoit les grilles de la propriété. Un immense manoir en pierres l'accueille de sa façade sinistre et édentée. Drago le contourne pour plonger plus profondément dans les bois.

Lorsqu'il est arrivé ici plusieurs mois plus tôt, il a su, avant même de poser le pied sur l'île, qu'il ne pourrait pas emménager dans cette maison. Pas parce qu'elle était en ruine ou inoccupée depuis des décennies, non. Simplement parce qu'elle représentait tout ce qu'il haïssait. Un vestige de son ancienne vie. Un écho du manoir Malefoy.

Il l'avait tout de même explorée, par simple fascination morbide. Il avait toujours aimé l'ambiance des vieilles ruines. Un manoir abandonné, livré aux éléments depuis tellement longtemps... La nature y avait repris ses droits. De l'herbe poussait entre les dalles du grand hall, jusque sur les marches de marbre. Du lierre avait envahi les murs, colonisant le papier peint. La plupart des meubles et de l'argenterie, étonnamment, étaient restés en place. Enfouis sous des couches de poussière et parfois de gravats, là où le plafond s'était effondré, mais... Il n'y avait pas eu de pillage. Drago avait mis un certain temps à comprendre que les habitants du village entretenaient des superstitions à propos de ce lieu, et qu'aucun d'eux n'avait jamais osé s'y aventurer. Rien d'étonnant alors à ce qu'ils considèrent le jeune homme comme maudit... S'ils savaient à quel point ils avaient raison...

Après avoir flâné longtemps entre les pièces fantomatiques et les murs de cette demeure vide, comme un squelette d'elle-même, Drago avait fini par choisir un site au bord d'une clairière dégagée, un peu plus loin dans la forêt. Là, il avait improvisé. Pendant deux semaines, il avait dormi à l'abri d'une tente, par tous les temps, tandis que la journée, il travaillait à la conception de ce qui deviendrait son nouveau foyer. Une simple cabane de bois, guère élaborée, mais qu'il avait conçue avec intelligence et avec soin.

Il avait souri en songeant que cela lui rappelait la cabane d'Hagrid. Usant de sa magie pour les tâches difficiles, il avait abattu et équarri les arbres, découpé les rondins, accéléré le séchage du bois avant de procéder à l'assemblage... Il avait dû faire appel à toutes ses ressources, mais cela ne l'effrayait pas. Azkaban lui avait ôté toute possibilité de peur ou d'appréhension. Il n'avait pas confiance en ses capacités : il savait seulement ne pouvoir compter que sur elles. Il avait eu besoin d'une maison, alors, il s'était construit une maison.

Aujourd'hui, neuf mois plus tard, Drago regagne le confort et la sérénité de son foyer. C'est petit mais douillet. Le feu brûle doucement dans la cheminée soigneusement aérée, et Drago remue les cendres pour y faire cuire son dîner. Il profite une nouvelle fois de la lenteur et de la quiétude d'une soirée seul. En pleine nature. Quelques fois, quand le ciel est clair, il sort dans la clairière contempler les étoiles. Il ne souffre aucunement de sa solitude. Ni du cadre que ses semblables trouveraient sinistre. Il ne voit pas sa retraite comme une punition, ou un châtiment. Il a choisi d'être ici. Et il chérit le goût âpre et minéral de cette vie qui ne le blesse pas, qui ne lui demande rien, hormis du sommeil et de la nourriture.

Dès son arrivée, Drago a entrepris un petit potager, à l'arrière de la cabane. Pour la viande en revanche, il n'a d'autre choix que de se rendre au village une fois par semaine. Il a envisagé de chasser sa propre nourriture, au début. D'être totalement indépendant, de disparaître dans la forêt pour devenir une nouvelle légende auprès des natifs. Mais une seule tentative a suffi à lui démontrer qu'il ne pourrait jamais se faire chasseur. Plus jamais.

Drago a blessé un lapin, lors de sa première semaine ici, et en tenant ce petit animal mourant dans ses bras, hurlant sa douleur à travers ses yeux, Drago a réalisé que plus jamais, il ne pourrait tuer un animal. Plus jamais il ne pourrait tuer quoi que ce soit. Il s'est fait tueur par nécessité, de bien trop nombreuses fois au cours de sa vie. Mais plus maintenant. Plus jamais.

La journée, Drago se promène dans la forêt, écoute la nature respirer. Il se rend dans la grande maison où il explore des recoins poussiéreux, récupérant des objets pour son usage personnel. Il a même entrepris des restaurations au rez-de-chaussée, plus pour passer le temps que par réel devoir. Il aime redonner vie à cette maison. Comme lorsqu'il a construit la cabane, il aime le sentiment de créer quelque chose. De remettre cette demeure debout, un peu comme lui-même tente de remettre sa vie debout. Il savoure pour la première fois depuis des années une liberté pleine, absolue et entière.

Aucune attache. Aucune contrainte. Aucun barreau à ses fenêtres, et même plus de nom pour le condamner. Il n'est plus rien. Il a disparu. Il s'est enfin retiré de cette société qui l'a enfoncé, tant et tant de fois... Drago ne pense pas à l'avenir. Il ne pense pas non plus au passé. Lorsqu'il y réfléchit parfois, il se sent étonnamment éteint, atone, comme engourdi. Il se demande si c'est là l'héritage du vide que Potter a créé en lui. L'absence de ce petit morceau de lui-même... Peut-être cela le rend-il plus distant de ses émotions. Ou peut-être les vit-il plus intensément. Il n'arrive pas à trancher.

Toujours est-il que loin de la civilisation, Drago a le temps de réfléchir sur lui-même, sur sa vie, sur Jude, sur Hermione, Potter, Azkaban, Monroe, le manoir, et sur tout ce qu'il a vécu. Il peut y apposer le recul nécessaire pour s'en détacher, et ne plus laisser son passé le dominer. Il trouve le moyen de faire son deuil, aussi. La mèche de cheveux de Jude repose toujours contre sa peau, au bout de la chaine à laquelle il l'a accrochée...

Une autre semaine s'écoule dans la rigueur paisible de l'Ecosse. Puis Drago retourne au village. Comme d'habitude, il déambule dans les allées du marché en s'efforçant de ne dévisager personne. Un visage attire cependant son attention, perdu au milieu de la foule. Un visage sur un journal. Hermione.

« Hermione Granger met au monde son deuxième enfant », annonce la Gazette du sorcier.

Drago s'approche du stand de journaux. L'exemplaire est daté de la semaine dernière. Comme toutes choses sur cette île, les nouvelles arrivent avec un temps de retard... Interceptant le regard inquiet du gérant, Drago achète le journal et s'éloigne. Il attend d'être revenu sur le chemin de terre pour le lire. Il ne veut pas dévoiler son intérêt devant tous ces gens...

Dépliant la dépêche, Drago déchiffre les premières lignes de l'article. Ses battements de cœur s'accélèrent à mesure qu'il fait le calcul dans son esprit.

« Hermione Granger a accouché hier soir à 21h23 à la clinique Sainte-Mangouste à Londres. Elle a donné naissance à un petit garçon en bonne santé prénommé Hugo. Aucune information sur le père de l'enfant n'a été divulguée. »

Drago froisse le journal entre ses doigts. Ce qu'il vient de lire change tout, et il le sait. Il doit se retirer. Il doit réfléchir.

XXX

Deux mois plus tard

Harry et Hermione se sont endormis côte à côte sur le lit de la jeune femme. Cela leur arrive de plus en plus souvent, ces derniers temps. Il n'y a rien de sexuel entre eux, et Harry doute que cela se produise un jour. Leur relation n'est plus la même. Ils ne sont plus les mêmes : ils ont changé. Quelque part, ils ont eu besoin de retrouver les amis qu'ils ont été. C'est pourquoi ils s'étendent souvent l'un à côté de l'autre le soir, pour parler de tout et de rien, pour parler de leur enfance, de leur adolescence à Poudlard, et de tout ce qu'ils ont traversé depuis. Ils sont un soutien l'un pour l'autre, épaulés par leur compréhension mutuelle des évènements.

Il est trois heures du matin cette nuit-là lorsqu'un craquement les tire aussitôt du sommeil. Harry obéit à ses réflexes et attrape sa baguette. Hermione, elle, se redresse dans le lit et retient son bras. Elle n'ose pas y croire. Elle a peur d'y croire...

- Drago... ? murmure-t-elle.

Drago Malefoy se tient dans la pénombre de la chambre, en face d'elle. Enveloppé dans une cape sombre et très chaude. Ses cheveux blonds ressortent sous la clarté de la Lune, le rendant reconnaissable entre tous. Ils sont plus longs que la dernière fois qu'elle l'a vu. Une barbe drue commence également à recouvrir ses traits... Mais c'est lui. Impossible de s'y tromper, c'est lui. Elle le reconnaitrait entre mille, rien qu'à sa silhouette.

Drago s'avance doucement jusqu'au lit sans rien dire. Il contemple la scène étendue sous ses yeux, et Hermione se rend soudain compte du tableau qu'ils offrent, Harry et elle. Elle s'extrait rapidement des draps pour se rapprocher de lui :

- Tu es revenu..., souffle-t-elle. Tu es vraiment revenu...

Elle tend les mains pour toucher son visage, et il la laisse faire. Il acquiesce doucement :

- Je suis désolé de t'avoir laissée, dit-il d'un ton étrangement neutre.

Sa voix est encore plus rauque que dans son souvenir. Comme s'il avait passé beaucoup de temps seul, dans le vent et le froid...

- Harry est venu m'aider avec le bébé, dit alors Hermione, espérant qu'il comprendra.

Ils n'ont besoin que d'un seul regard pour savoir qu'il comprend. Drago considère alors Harry, qui s'est levé lui aussi. Il n'ose pas dire un mot. Hermione n'y tient plus et serre Drago dans ses bras :

- Je croyais que je ne te reverrais jamais..., sanglote-t-elle.

Il sent la pluie et le feu de cheminée. Il lui faut quelques secondes pour lui rendre son étreinte. Une étreinte légère, d'abord. Et puis de plus en plus forte. De plus en plus sincère. Drago respire les cheveux d'Hermione, et il laisse échapper ces quelques mots :

- Je suis content de te revoir...

Hermione rit et se cramponne un peu plus à lui. S'avançant vers eux, Harry s'arrête sans oser les toucher. Drago relève la tête.

- Je suis heureux de savoir que tu vas bien..., murmure alors Harry.

Drago ne répond rien. Il le scrute de son regard qui semble tout analyser, tout voir, jusqu'au plus profond de lui. Que voit-il ? Que ressent-il, à cet instant précis ?

Finalement, Drago se rapproche pour lui presser l'épaule :

- Merci d'avoir pris soin d'Hermione, dit-il. Et de l'enfant. Je ne l'oublierai pas.

Il hésite un instant, puis se penche et l'embrasse sur le front :

- Notre dette est payée, Potter.

Harry tressaille. Il a cru que Malefoy allait l'embrasser sur les lèvres, mais un baiser sur le front a ce quelque chose de symbolique, intime et très fort, qui éclipse tout le reste. Ce contact, aussi bref qu'électrique, lui apporte comme le déclic qu'il attendait dans sa vie. Harry tend les mains. Il enlace les silhouettes unies de Malefoy et Hermione, brièvement. Comme une bénédiction. Puis il sort de la chambre pour aller chercher le bébé.

Drago contemple le visage d'Hermione :

- Je suis désolé de t'avoir laissée, répète-t-il.

Elle secoue la tête :

- Ce n'est pas moi que tu as laissée, dit-elle, c'est le monde sorcier. Tu avais toutes les raisons de le faire.

- Si j'avais su, je n'aurais jamais...

- Je sais.

Elle caresse son visage. Il enfouit ses lèvres dans la paume de sa main et l'embrasse :

- Tu sais pourquoi je suis ici, murmure-t-il, les yeux fermés.

Hermione ne cherche pas à retenir ses larmes. Larmes de tristesse ? Larmes de joie ?

- Oui, je le sais, avoue-t-elle.

- Je suis désolé de te mettre devant un tel choix.

Harry revient à cet instant-là avec le bébé. Drago le considère à distance, jusqu'à ce qu'Harry ne tende les mains pour lui remettre l'enfant. Quelle étrange passation...

Drago tient son fils dans ses bras. Il n'est pas sûr de ce qu'il éprouve. Tout ceci est trop nouveau pour lui. Lorsqu'il est parti vivre dans la forêt neuf mois plus tôt, il pensait effacer son passé pour ne plus jamais y revenir. Il pensait construire un avenir vierge, neuf, intact. Hermione, malgré la lueur qu'elle avait représentée pour lui, n'en faisait pas partie.

Pourtant aujourd'hui, Drago tient son fils dans ses bras. Et Hermione est devant lui. La preuve vivante, chaude, battante, qu'un peu de bon est ressorti de tout ceci. Que tout n'est pas que ténèbres comme il l'a toujours cru. Que la lumière peut surgir à l'imprévue, du plus profond des abymes... Qu'il n'est pas condamné à être seul.

Emu brusquement, Drago incline la tête et embrasse l'enfant. Il embrasse aussi Hermione. Elle se suspend à eux deux comme à l'air qu'elle respire.

Harry observe la scène, spectateur étranger mais respectueux, contemplatif, pour la première fois en accord avec le rôle que la vie lui a allégué. Il sait ne pas pouvoir faire partie de tout ceci. S'il en a eu la chance un jour, il l'a à tout jamais balayée lorsqu'il a dérobé l'âme de Malefoy au fond de cette cave dans le magasin d'Harpocrate. Mais il l'accepte, à présent. Il n'est plus désespéré. Il n'est plus amer. Drago et Hermione lui ont pardonné. Et il sait qu'il pourra vivre sans eux désormais.

- Je vais chercher Rose, déclare-t-il.

Il revient quelques minutes plus tard avec la fillette, qui, bien qu'à moitié endormie, sourit à Drago lorsqu'elle le reconnait :

- Tu es revenu ! s'écrie-t-elle en se jetant sur lui.

Drago rit. Il sent une forme étrange de chaleur s'insinuer en lui. Jamais il n'aurait cru ressentir cela à la vue de Rose, ni ressentir ça pour quiconque, a priori... Un bonheur limpide.

- Tu es sûre de pouvoir faire ça à Ron ? murmure-t-il à l'oreille d'Hermione. Tu es sûre de pouvoir lui faire ça ?

Hermione soupire. Elle détourne le regard :

- Ron n'a jamais été un père pour Rose..., répond-elle. Ça me déchire le cœur de l'admettre, et ça me déchire le cœur de lui faire cela. Mais je n'ai pas le choix.

Elle relève les yeux et le regarde franchement :

- Quelle que soit ma décision, partir ou rester, je prive l'un de vous deux de son enfant. Je préfère que ce soit lui.

Drago n'ajoute rien. Il sait qu'il n'entraine pas Hermione sur une voie facile. Que cette voie ne sera pas toujours légale, pas toujours morale, et souvent tortueuse. Qu'il ne sait pas de quoi son lendemain sera fait. Qu'il vaudrait peut-être mieux, pour Hermione comme pour son fils, qu'il ne fasse pas partie de leurs vies. Mais Drago ne veut pas s'y résoudre. Il n'est plus un homme de morale depuis longtemps. Le monde sorcier y a veillé. Pour la première fois de sa vie, Drago réclame sa part d'égoïsme. Il veut croire en cette petite chose vivante qu'Hermione et lui ont créée au plus noir des ténèbres. Il veut faire quelque chose de bien.

Alors, Harry, Hermione et lui rassemblent les affaires qui doivent absolument être emportées. Tout le reste, ils le laisseront derrière. Hermione aussi dit adieu à son ancienne vie. Elle dit adieu à tout. Mais elle n'a aucun regret, car ils seront ensemble.

Harry offre un dernier câlin à Rose. Il caresse le front du bébé, puis enlace Hermione, longuement. Les enfants lui manqueront. Mais ce n'est pas comme lors de leur dernière séparation. Cette fois, Harry s'est protégé. Il s'est occupé d'Hugo sans chercher à être un père pour lui, en l'aimant sans pour autant dépendre de lui. Il peut lui dire au revoir sans souffrance aujourd'hui. Il est heureux de le savoir auprès de sa vraie famille.

Enfin, Harry dit au revoir à Malefoy. Les deux hommes ne se parlent pas, en fait. Ils se contemplent et se font face, dans un statut quo, un respect mutuel. Quelque part, Harry est soulagé de simplement sentir qu'ils se comprennent. Pour la première fois de leur vie, ils se comprennent. C'est plus précieux que tout ce qu'il aurait pu espérer.

Drago lui concède alors une accolade sèche, brève, brutale. Le seul contact physique qu'ils auront jamais. Puis il saisit la main d'Hermione, qui tient elle-même la main de Rose, et tous les quatre transplanent dans l'aube naissante.

XXX

Resté seul dans la maison d'Hermione, Harry prend le temps de réfléchir à ce qu'il va faire maintenant. Les deux personnes les plus importantes de sa vie viennent de la déserter, sans doute à tout jamais. Pourtant, il ne se sent pas triste. A sa manière, le baiser de Drago a comblé le vide en lui.

Dorénavant, Harry se sent capable de voir les choses clairement. Il réalise que pendant tout ce temps, Malefoy avait peut-être raison. Il a aimé une idée. L'image qu'il se faisait de lui. L'idéal qu'ils auraient pu former ensemble. Mais rien de tout cela n'était réel.

Non, à présent, alors qu'Harry se demande ce qui compte vraiment dans sa vie, une autre image se forme clairement dans son esprit. Plus qu'une image. Un visage. Des souvenirs. Un baiser... Ses pas le portent naturellement dans une ruelle dans les bas-quartiers de Londres. Il pousse la porte de la maison close, qu'il n'a pas fréquentée depuis la grossesse d'Hermione. La gérante l'accueille aussitôt :

- Cela fait longtemps qu'on ne vous a pas vu, monsieur, sourit-elle de son air discret mais avenant.

- Je voudrais voir Caleb. S'il vous plait.

- Un instant !

Elle part dans un ballet de fanfreluches et de parfums capiteux. Quelques minutes plus tard, Caleb descend l'escalier. Il n'a pas changé. Il a toujours cette démarche très droite et digne, ce port altier mais courtois, bienséant, ouvert. Harry perçoit cependant sa froideur avant même qu'il ne s'arrête devant lui. Ils ne se sont pas vus depuis presque un an.

- Suivez-moi, monsieur, lui indique-t-il avec un excès de politesse qui lui glace le sang.

Mais Harry agrippe son courage à deux mains. Ce courage qu'il a perdu pendant si longtemps. Cette envie de vivre... Il n'a plus peur à présent.

Arrivé dans la chambre qui était d'habitude la leur, Caleb décroise les bras et demande stoïquement :

- Qu'est-ce que tu veux ?

Harry répond sans hésitation :

- Je veux que tu viennes avec moi. Que tu quittes cet endroit et que tu emménages avec moi, à l'instant.

Caleb dissimule sa surprise derrière un froncement de sourcil. Puis il articule, méprisant :

- Je veux bien être payé pour te baiser, Potter. Mais pas pour t'aimer.

Harry ne se démonte pas :

- Je sais, dit-il. C'est pour ça que je ne te paierai pas.

Cette fois, Caleb est désarmé. Il est blessé, Harry le sent. Il a peur d'être blessé à nouveau. Il s'est senti abandonné, et il ne veut pas croire à de faux espoirs... Mais l'espoir franchit ses lèvres malgré tout :

- Qu'est-ce que tu dis... ? demande-t-il.

- Je veux que tu viennes avec moi, répète Harry.

Ce faisant, il lui prend la main et presse ses doigts entre les siens :

- Je veux que tu arrêtes cette vie. Que tu restes avec moi, et rien qu'avec moi. Tous les jours que la vie voudra bien nous donner.

Caleb secoue la tête :

- Je refuse d'être un substitut...

- Ce n'est pas ce que je demande.

Doucement, Harry s'approche et l'embrasse sur les lèvres :

- Je suis désolé d'avoir été aveugle pendant si longtemps, murmure-t-il. Je suis désolé de ne pas t'avoir vu à ta vraie valeur dès le premier instant. Je suis désolé de ne pas t'avoir vu toi. Mais c'est toi que j'aime. Je le sais à présent. Je ne suis plus aveugle : mes yeux sont grands ouverts. Et je ne vois que toi...

Il dit la vérité. Il le sent à mesure qu'elle s'échappe de ses lèvres. Jamais il ne s'est senti aussi bien qu'avec Caleb. Jamais il ne s'est senti aussi accepté, compris, libre, qu'avec Caleb. Comme s'il pouvait lui dévoiler toutes les facettes de son âme d'un seul coup, y compris les plus noires, sans jamais être rejeté... Il aura fallu que Malefoy lui accorde son pardon pour qu'Harry le réalise enfin... Il aura dû dire adieu aux ténèbres pour voir la lumière...

Brusquement, Caleb se détourne, et Harry comprend qu'il est ému aux larmes, et qu'il ne veut pas qu'il le voie pleurer. Harry veut lui signifier que cela n'a aucune importance. Saisissant son visage à nouveau, il l'embrasse délicatement. Il l'embrasse, encore et encore, jusqu'à ce que Caleb finisse par répondre à ses baisers et que tous deux s'accordent une étreinte passionnelle, fusionnelle, intense. Ils font l'amour sur ce lit dans la maison close, pour la dernière fois de leur vie. Lorsqu'ils ressortent le soir venu, ensemble, c'est un autre lit qui les attend. Leur lit à eux.

XXX

Drago et Hermione ont disparu dans l'inconnu. Si la presse sorcière a fait grand cas de la disparition d'Hermione et de ses enfants, jamais leurs noms ne se sont trouvés associés à celui de Drago. Nul ne sait où ils se trouvent. Harry lui-même l'ignore. Mais cela n'est pas un motif d'inquiétude pour lui.

Où qu'ils soient, Harry fait confiance à Malefoy pour avoir placé sa famille en lieu sûr. Il sait qu'à l'heure où ils pensent à eux, Drago, Hermione et les enfants sont heureux, quelque part où le monde ne pourra pas les atteindre, ni leur faire le moindre mal.

Il espère qu'ils pensent aussi à lui, de temps en temps, dans leur retraite dorée. Et il espère surtout, où qu'ils se trouvent, qu'ils peuvent vivre leur vie pleinement, la tête haute, loin des ténèbres qui ont si souvent tenté de les aspirer.

Quelque part dans un lieu tranquille, retiré de tout.

En pleine lumière.

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Et voilà, cette fiction est désormais terminée =)

J'espère sincèrement qu'elle vous a plu. Pour ma part j'ai pris beaucoup de plaisir à l'écrire : ce fut une improvisation de chaque instant, puisque je n'avais environ que les dix premiers chapitres en tête lorsque je l'ai commencée, et que j'ai dû imaginer la suite au fur et à mesure de semaine en semaine (je ne connaissais même pas la fin jusqu'à l'avant-dernier chapitre ! ^^)

J'espère en tout cas que le résultat en vaut la peine =) J'ai pu explorer plein de choses différentes au gré des chapitres, de l'ambiance d'Azkaban à la maison d'Hermione, du tribunal à la cave d'Harpocrate en passant par le repère de Constantine... J'ai abordé plein de sujets auxquels j'avais envie de m'essayer, la plupart très graves : la prison, le viol, les difficultés de se réinsérer dans la vie "normale" au sein d'une société hypocrite qui ne fait rien pour aider, le sida, la drogue, la prostitution... J'espère que tous ces sujets vous auront plu et touché. Si je vous ai choqués parfois, c'était volontaire ^^

Mais j'espère que vous comprendrez que le titre de cette fiction se justifie finalement pleinement : Sunlight. Il y a tout de même un peu de lumière au milieu des ténèbres ;D Pour une fois je n'ai pas été trop méchante avec vous lecteurs, et avec mes personnages, hahaha ^^

Enfin, si vous aimez ce que je fais, je tiens à vous dire que j’ai déjà publié 2 romans papiers !

Le premier, Ézéchiel, est un thriller psychologique qui parle de la frontière entre le rêve et la réalité, et de la façon dont notre subconscient peut nous manipuler. Avec une jolie romance en prime ;D !

Il est paru le 27 janvier 2021 chez Edelweiss Editions ! Vous pouvez d’ores et déjà découvrir les 16 premiers chapitres gratuitement sur ce site, et le roman est disponible à la commande sur Internet sur le site de ma maison d’édition, ainsi que sur toutes les plateformes dédiées.

Le second, Into the Deep, est un roman fantastique qui explore la fosse des Mariannes, l’endroit le plus profond sur Terre ! Un jeune océanologue y découvre une créature qui pourrait bien remettre en question tout ce qu’il croyait savoir sur les fonds marins, sur la science et, en définitive, sur lui-même…

Il est paru le 12 avril 2022 chez SNAG Fiction, et il est disponible sur Internet et dans toutes les librairies !

Si vous souhaitez soutenir une jeune auteure et vous procurer mes romans, je vous suggère de cliquer sur mon LinkTree, disponible sur mon profil, et dont je vous remets le lien ici :

https://linktr.ee/Sophie_Griselle

Vous y trouverez des liens menant vers mes romans, mais aussi vers mes réseaux sociaux, où je partage toutes mes actualités d’écriture !

Aidez-moi à faire vivre ces beaux projets !! =)

Je vous dis à très bientôt pour de nouvelles aventures,

Nat'

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