Chapitre IV

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Au petit matin, alors que le soleil traverse les rideaux pour venir frapper sauvagement mes paupières, je tourne légèrement la tête avant d’ouvrir un œil inquisiteur sur mon environnement. Rien n’a changé depuis la veille et pourquoi d’ailleurs cela changerait-il ?

Je m’habitue progressivement à l’intensité de cette lumière agressive qui baigne le salon. Je reste quelques instants immobile avant d’écarter la couverture. Le corps nue des filles traversent ma mémoire. Les fesses de Léa - probablement un trente deux en taille - légèrement rebondies, magnifiques avec cet entrejambe si équivoque, si sensuel, merveilleusement dessiné dans l’entrebâillement de la porte et cette ombre chinoise projetée sur le mur du salon, un zoom monochrome sur son intimité, loin, bien loin de laisser indifférent. Cette fille est juste prodigieuse. Trop jolie, trop mignonne, trop tout, habillée ou dévêtue, quelque soient les postures qu’elle peut prendre, elle rafle tous les prix dévolus à la magnificence corporelle.

Et dire que Caroline la suivait dans la même tenue, libérée de tout vêtement. Elle est mignonne elle aussi mais elle n’arrive pas à la cheville de Léa. C’est certain. Qu’importe, je suis fier de mon bébé, de la plastique de son corps, de sa féminité même si elle ne voit pas l’intérêt de la mettre en valeur. « Je suis comme je suis n’en déplaisent à ceux qui n’aiment pas » se targue t’elle de répéter inlassablement lorsqu’elle se sent agressée sur le sujet.

Caroline n’a jamais été trop pudique et plusieurs fois Eléna est intervenue pour lui demander de porter à minima un petit quelque chose ; une culotte, un soutien-gorge, une chemise mais Caroline n’en a toujours fait qu’à sa tête, têtue comme sa maman. D’ailleurs, sa mère était quelque peu mal placée pour prodiguer ce genre de réflexion, étant elle aussi partisane du naturisme.

Je me souviens, il y a de cela quelques années de ça, elle nous a entraînés Caro et moi sur une plage semi-naturiste - enfin, on ne l’a su que lorsqu’on y était - et sans même la moindre gêne, elle s’est déshabillée entièrement avant de s’allonger sur sa serviette de bain. J’étais médusé, incapable d’en faire autant. Caroline a trouvé le jeu amusant et elle a accompagné sa mère sans même sourciller, toute fière de lui ressembler. Elle devait avoir un peu plus de six ans à l’époque ; la première faille dans mon autorité paternelle. J’étais d’ailleurs beaucoup plus préoccupé par ma fille offerte aux regards des autres, avec sa nudité juvénile que par ma femme qui contrastait par son âge sur cette plage semi-nudiste plutôt réservée pour l'essentiel au troisième âge. Inutile de dire que, mon maillot de bain aidant, je me suis fait chambrer mais j’ai tenu bon, allongé sur le ventre, des fois que …
Et d’ailleurs, avec les deux mamies avachies sur leur serviette juste en face de moi, je ne risquais rien, même pas un sursaut d’orgueil lorsqu’elles écartaient les jambes pour laisser le soleil inonder chaque recoin, chaque pli de la peau et dieu sait s'’il y avait du boulot. En revanche le loulou derrière Eléna n’arrêtait pas de lui mâter le cul. Agaçant, pour ne pas dire très énervant, qu’un inconnu viennent fantasmer sur les attributs de ma femme. Je me suis demandé si Eléna avait repéré son petit manège car parfois elle changeait elle aussi de position, cachant ou découvrant les parties de son corps les plus intimes, celles qui m’étaient réservées et qu’elle partageait maintenant par la vue au grès de tous ceux qui mataient. C’était pour moi juste insupportable. J’allais me lever pour demander au voyeur de regarder ailleurs lorsque, pris en flagrant délit, il a sauté précipitamment dans son slip de bain sous les vociférations de sa femme qui arrivait de je ne sais où. Comique, vraiment comique. J’ai jeté un coup d’œil amusé vers Eléna avant de reprendre ma sieste à l’endroit où je l’avais laissée. J’ai dû somnoler un peu car lorsque j’ai ouvert les yeux, le décors n'avait plus rien à voir. Deux jeunes anglaises avaient pris la place des deux mamies et dire que ça change tout ne relève absolument pas du pléonasme. Européennes, la peau chocolat au lait teintée par les rayons du soleil qui accentuent encore plus la courbe magistrale des fesses, le sexe épilé de près, le minou rosé pour l’une et brillant pour l’autre, rien de comparable avec le spectacle précédent. Et lorsque l’une d’elle s’est relevée, offrant son arrière train à ma vue décomplexée, je me suis pris un énorme coup de coude dans les côtes avec le regard noir que Eléna sait très bien distiller en pareille circonstance. Compliqué de se remettre séance tenante. Un laps de temps obligé s’avère indispensable pour apaiser la nature. Caroline tout comme moi profitait du spectacle avec une petite moue désinvolte.

- Même pas belles et je suis sûre que ça pue, hein papa ?
- Caro quand même !

Cette expérience fut la première et la dernière. Bizarrement, Eléna s’est contentée par la suite du jardin arboré de la châtaigneraie, à côté de la piscine ou du balcon de notre appartement des hauts de France.

- °° -

Le café coule sagement dans la cafetière. Le grille pain est de sortie avec tartines, beurre, confiture, miel. Tous les ingrédients d’un petit déjeuner sur le pouce.
Léa arrive la première, vêtue d’une minuscule nuisette blanche qui épouse à la perfection les moindres détails de son anatomie. Inutile de dire qu’elle lui va à ravir.

- Bonjour Patrick,
- Hello Léa, bien dormi ?
- Oh que oui même si Caroline a gigoté toute la nuit en ronflant. Peut-être l’apéro ou le vin hier soir. Ce n’est pas dans ses habitudes.
- Dans ses habitudes ?
- Oui je veux dire que dans notre colocation, je n’entends pas lorsqu’elle ronfle. Les murs sont suffisamment épais pour masquer tous les bruits.
- C’est vrai qu’ici, en partageant la même chambre, c’est en direct mais impossible de faire autrement pour l’instant.
- Ce n’est pas grave Patrick. A la guerre comme à la guerre. Je prendrai bien une tasse de thé à la menthe. Tu as ça ?
- Le thé à la menthe oui. Pour les tasses, j’ose espérer que Caroline a refait l’appoint côté vaisselle ; les placards sont toujours aussi vides et c’est plutôt inquiétant.
- Euh ! Oui, c’est à dire qu’on a cherché mais on a rien trouvé de bien. Alors en désespoir de cause, on a acheté des gobelets et des assiettes en carton pour dépanner, le temps de dénicher quelque chose d'acceptable. Ça ne te dérange pas, j'espère ?
- On fera avec Léa. C’est déjà mieux que rien. Mais vous avez fait quoi toute l’après-midi d’hier ?
- C’est ma faute Patrick. Caro n’y est pour rien. En réalité, j’ai vu des fringues qui me plaisaient beaucoup et je n’ai pas su résister. On a essayé plein de choses et on a pas vu le temps passer. Je suis vraiment désolée.

Impossible de rechigner devant l’air contrit de Léa, devant ce petit minois qui mériterait d’être cajolé plutôt que d’être grondé. Et puis au diable l’écologie, il n’y a pas mort d’homme. On se passera de la vaisselle classique pour adopter le jetable le temps de se retourner.

Caroline passe le bout de son nez par la porte de la cuisine.
- Bonjour tout le monde. Le café est prêt ?
- Oui. Il ne manque plus que les gobelets. Tu les as mis où ?
- Ah mince. Ils sont restés dans ma voiture, dans le coffre plus exactement. Tu peux y aller Léa ?
- Impossible Caro, je suis encore en petite tenue.
- OK, je vais y aller. De toute façon il faut que je descende les poubelles. Tes clés sont sur le guéridon à l’entrée ?
- Euh non papa, laisse tomber. J’en ai pour deux minutes à m’habiller.
- Tu plaisantes, tu mets toujours trois plombes et tu n’as même pas pris ta douche. Allez j’y vais, ça ira beaucoup plus vite.

Au parking souterrain, après m’être débarrassé du sac de détritus dans les poubelles de l'immeuble, j’ouvre le coffre de la voiture de Caroline. Il est jonché de paquets de toute sorte ; des petits, des grands, des légers, des plus lourds. J’en ouvre un au hasard. Il contient un objet insolite, loin de ressembler aux godets recherchés. Le contenu du deuxième sac en papier est tout aussi surprenant. Le troisième me laisse perplexe. Je continue mes investigations jusqu’à trouver celui contenant la vaisselle jetable. Circonspect, je remets en place les autres paquets. Et je remonte à l’appartement ne sachant plus réellement quelle attitude adopter

- °° -

De retour à la cuisine, quatre yeux peu rassurés, inquiets, scrutent mes réactions.

- Tu as trouvé ? demande Caroline d’une voix anxieuse.
- Du premier coup ma chérie mais il y a un de ces bordels dans ton coffre. Vous avez dévalisé tous les magasins. C’est pas possible. Je comprends mieux maintenant pourquoi vous n’avez pas pu consacrer beaucoup de votre temps pour trouver la vaisselle.

L’atmosphère se détend. Le regard complice des deux filles se croisent et les sourires respirent, les mains s’assèchent, les crispations s’amenuisent lorsque je sors du sac les gobelets en carton. Néanmoins Caroline reste prudente, sur la réserve. Elle me connaît très bien et elle sait que je ne suis pas un adepte des scandales en public. Je sens à son regard qu’elle m’observe pour savoir si j’ai vu ce que je ne devais pas voir.

Léa, un temps embarrassée, a repris sa posture légendaire, tout sourire, tout en beauté, tout en charme, ravissante et délicieuse. Je laisse la séduction opérer sur mon esprit juste pour le plaisir des yeux, sans arrière pensée. Et la fille, malgré qu’elle soit trop jeune pour m’intéresser réellement est redoutable d’efficacité.

- Caro ! si on allait à la plage ce matin ?
- Excellente idée Léa. On va pouvoir tester nos nouveaux maillots de bain.
- On passe à la douche et à nous la farniente, le sable fin, la mer et le soleil.
- Euh, les filles, sans vouloir casser l’ambiance, je vous rappelle qu’on a la lessive à gérer si on veut que la femme de ménage que j’ai commandée cette après-midi soit en mesure de repasser nos vêtements, sauf si vous avez l’intention de vous y coller, évidemment.

La lessive, pour trois néophytes à qui tout est toujours tombé tout cuit dans le bec, moi y compris, c’est compliqué . Le réflexe primaire est de fourrer tout le linge dans la machine et premier couac, même en forçant, tout ne rentre pas. Il va falloir s’y prendre en deux ou trois fois. Léa suppute que certains vêtements sont plutôt destinés au pressing et risquent d’être inutilisables après un passage en machine. On retire le linge de la machine. Chacun récupère le sien pour inspecter une à une les étiquettes et surprise, on constate aussi qu’il y a une température maximale à ne pas dépasser.

- C’est à qui la petite culotte qui s’est glissée dans mon tas ?
- Euh, c’est à moi dit Léa un peu gênée.

C’est la première fois que je la vois rougir et ça m’amuse. Avec tout cela, on aboutit au final à trois tas. Un réservé pour le pressing, un autre pour les trente quarante degrés qu’on a décidé de réunir ensemble et un dernier pour ceux qui supporteront les soixante degrés Celsius ou plus.

Fier de ce travail titanesque, et après avoir enfourné le premier tas, il ne reste plus qu’à programmer la bête.

- Température, c’est bon.
- Durée, on prend celle par défaut ? Et pour l’essorage et le séchage ?

Caroline décide d’appeler sa mère à la rescousse et la solution coule de source.

- Maman dit qu’on peut seulement régler la température et prendre les autres options par défaut.
- Nickel !

Léa appuie sur le bouton « Start ». On retient tous les trois notre souffle et au bout de quelques secondes, ça tourne. J’entends la voix d’Eléna à distance distiller un dernier conseil.

- Qu’est-ce qu’elle dit ta mère ?
- Elle demande si on a pris soin de bien séparer les couleurs.
- Séparer les couleurs ?
- Oui elle dit qu’il faut faire une machine pour les vêtements clairs et une autre pour les foncés sinon tout va déteindre.
- Stop. On arrête tout. Merde ! Le hublot est coincé. Il ne s’ouvre plus. Mais c’est quoi ce bordel ? Tu peux rappeler ta mère Caro ?

On apprendra que la machine est dotée d’une sécurité et qu’il faut attendre une minute avant que le hublot puisse s’ouvrir à nouveau. Pour la deuxième fois on retire le linge, mouillé cette fois-ci, pour séparer les couleurs et la salle d’eau se transforme en véritable pataugeoire. Pour simplifier, on décide d’un commun accord de tout laver à trente degrés, ce qui nous fera deux machines l’une derrière l’autre. J’écope de la lourde charge de vider la première une fois terminée et de lancer la seconde.

Les filles sont parties sous la douche. Je les entends papoter, rire, plaisanter, s’amuser toutes les deux ensemble avec joie et bonne humeur. Je suis dubitatif. Histoire de me changer les idées, je profite de ce petit temps mort seul et tranquille pour préparer mes affaires. Demain, c’est une dure journée qui s’annonce avec mille deux cents kilomètres à parcourir. J’ai réservé un hôtel sur le port de Nice pour embarquer avec la voiture sur le ferry, sans stress le lendemain dans l'après-midi.

- °°° -

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