Tu t’appelles Chloé. Parce que je la trouve jolie, même si je la déteste. Et on est au collège, comme ma grande sœur, donc on a l’âge de s’embrasser.

C’est un jeu. La poupée s’y plie toujours.

On pourrait se parler pour une raison toute bête. En prenant un jus de fruits au distributeur. J’aime bien les distributeurs, et les consoles de jeux. Il n’y en a pas à la maison.

On ne prend pas le même jus, alors tu me demandes si tu peux y goûter.

Moi, je ne suis pas très sûre, parce que je n’aime pas trop boire ou manger des choses que je ne connais pas. Si j’y pense trop, si j’essaye de comprendre ce que j’ai en bouche, je vais vomir. Et je ne veux pas vomir sur toi, Chloré-du-fantasme, Chloé-de-chiffon. Celle de l’école, ça me dérangerait moins.

Alors, dans le jeu, on va dire que je suis normale, que je ne gerbe pas dès qu’un truc me dérange et que je goûte ton jus. Et que j’aime ça. Et que j’en veux encore. Et que, je ne sais pas pourquoi, je me retrouve à le laper dans ta bouche.

Dans le jeu, on dira qu’on se tient par la main et que… je ne sais pas. Qu’est-ce qu’on peut faire de plus ? Se promener en vélos. De vrais vélos, dans les bois, pas les tricycles de l’école pour lesquels on se bat. Pour lesquels je ne me bats plus, parce que tu me fais trop peur.

Là, dans ma tête, on pédale ensemble. On est grandes. Tu n’es pas toi. Tu es ma chose.

Je ne suis pas moi, je suis juste un morceau de mon rêve.

Je m’endors.