La Brigade des Morbides Cuisiniers Déments de l'Espace Pornographique Mystérieux et Étonnant

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La Brigade des Morbides Cuisiniers Déments de l'Espace Pornographique Mystérieux et Étonnant



Ou Team's Avignon in Space




Il n'y a pas si longtemps, dans une galaxie fort proche…



        Le premier ordre est défait. Avec l'aide de son fidèle bro le Fossoyeur, Jean-Junior a délivré sa mère des griffes des terribles Nymphomanes Galactiques Sith, et n'a pas livré BB-8 cake. En route pour la Terre, il reçoit par colis Super-Fedex un message vidéo intriguant, lui promettant une transaction intéressante. Décidé à éclaircir ce mystère, l'équipage du Nostromoustache se lance de nouveau dans les méandres du cosmos.




        Tout est noir. Dans l'obscurité se mêlent des volutes de matière potentielle, des effluves de pensée, des arômes de néant. Un grand cercle de noirceur opaque, sans horizon, sans lumière, sans une étincelle. La perfection. Une longue forme noire surgit lentement des profondeurs de l'espace. Oblong objet aux appendices courbes, il semble constitué d'un entremêlement de faisceaux plus sombres encore que le silence éternel de ces espaces infinis. Dérivant lentement, le singulier aérolithe se met soudain à trembler. Au-dessus de lui surgissent un nez monumental et deux yeux pétillants d'excitation.


        La moustache de Jean-Junior frémit de plaisir tandis qu'il déguste son café. Il adore prendre le temps d'en humer l'arôme subtil, avant d'y tremper ses lèvres (et sa glorieuse pilosité). C'est le temps du café noir. La lèvre ruisselante de bonheur, il se laisse aller contre le dossier du siège de pilotage. Devant lui, une multitude de panneaux de commande ronronnent calmement. Il observe l'immensité noire où navigue le Nostromoustache. Il est fier de ce bâtiment, conçu par ses soins sur le modèle aérodynamique de sa propre pilosité faciale. Un ancien membre d'équipage avait bien souligné le fait que l'aérodynamisme pourrait être une notion surfaite dans un espace dépourvu d'air. Malheureusement, il fut obligé de quitter le bord, pour d'obscures raisons gastriques et parasitaires.


        Jean s'étire longuement. Il consulte une nouvelle fois son atlas planétaire. Il ne veut pas risquer de se perdre et de manquer son rendez-vous. « Pat ? lance-t-il dans la solitude apparente de la pièce.

— Oui ? répond alors une voix ample et chaude, sortant des enceintes du tableau de bord.

— Recalcule notre itinéraire. Trouver un astéroïde précis au milieu de millions de cailloux semblables, ça relève de l'exploit.

— Calculs en cours, en se basant sur les coordonnées de l'astéroïde en question. D'ailleurs, savez-vous que le premier astéroïde découverte par l'homme ne l'a été qu'en 1801 ? Il s'agit de Cerès, qui demeure le plus gros des corps célestes rangés dans cette catégorie, avec environ 1000km de diamètre. En 2006...

— Désolé de te couper Pat, mais concentre-toi sur notre problème, si tu veux bien. »


        Jean tourne le regard vers un hublot dans le mur latéral. Derrière se situe le centre névralgique du Nostromoustache. Un grand aquarium circulaire, connecté à une multitude de fibres optiques, sert d'habitat à un axolotl massif, de près de 40kg. Grâce à ses fascinantes capacités, Pat peut interagir avec l'ensemble des appareils, et fait office d’ordinateur de bord. Un ordinateur fort enclin au bavardage et à l’exposition d'anecdotes, toutes plus déroutantes les unes que les autres. Après quelques minutes de patience, Jean voit les écrans s'allumer et afficher des flux de données, pour enfin laisser apparaître une carte. « Voilà, nous étions en effet désaxés. Je nous ai remis sur le bon cap. Nous devrions arriver dans un peu plus de douze heures.

— Parfait. Surveille bien notre route s'il te plaît. »


        Se levant, Jean vérifie tous les instruments de navigation, en les comparant aux données de sa destination. Sa concentration est telle qu'il n’entend pas l'ouverture du sas derrière lui. « Bro ! »


        Jean se retourne, surpris. Vient d'entrer dans la pièce un grand homme, au visage sale. Il est vêtu d'un long manteau rapiécé et ses mains gantées de mitaines (pure laine de mohair) étreignent fermement le manche d'une ravissante pelle. Sa mâchoire prognathe et les tendons de son cou, tendus comme une corde de guitare, ne présagent rien de bon. « Que se passe-t-il ?

— Il faut que tu viennes absolument en cuisine, gronde le Fossoyeur. Tout de suite ! ajouta-t-il devant l'air interloqué du capitaine.

— Mais que se passe-t-il ?

— C'est ta mère. Elle s'y est introduite.

— Oh non ! Mais j'avais pourtant fermé la porte. Qui lui a ouvert ?

— Je pense qu'elle a forcé la serrure. Tu la connais, question cuisine, elle est goulue.

— Bon, j'arrive. »


        Rajustant sa toque, Jean emboîte le pas à son camarade, à travers les couloirs du vaisseau ; de longs tubes de métal qui suivent les douces courbes de sa moustache. Il pense souvent avec ravissement à la mise en abîme de son appendice pileux. Une moustache dans une autre, comme une sorte de fourré délicieux, et soyeux. Les deux compères parviennent bientôt devant un sas imposant, blindé et renforcé à l'adamantium. Une multitude de verrous sophistiqués en interdisent l'accès. Jean inspecte la fermeture. « C'est étrange, il n'est pas forcé.

— Tu penses qu'elle l'a ouvert comment ?

— Peu importe. Entrons ! »


        Jean-Junior active les capteurs (le Fossoyeur détourne le regard quand vient le tour du scanner génital) et le sas s'ouvre, dans un chuintement doré. S'étend là la plus formidable cuisine des douze univers. Des plans de travail en inox supportent batteries de couteaux, monceaux de casseroles, merveilles de spatules. Le regard s'affole et se perd dans le fracas des cloches à fromage, le foisonnement des hachoirs, et les joyeux reflets renvoyés par les poêles à frire. Une riche odeur, combinaison de tous les fumets s'attardant entre les murs de ce paradis culinaire, s'infiltre dans les poumons ravis des visiteurs. Le Fossoyeur desserre la mâchoire et Jean inspire profondément. Il avise alors, à quelques distance de là et en partie dissimulée par un présentoir de moules à tartelettes, sa génitrice. Debout devant un billot de bois, elle martèle consciencieusement une pâte, qu’elle tourne et retourne, la saupoudrant occasionnellement de farine. Tout en s'activant, elle pousse force gémissements et soupirs, essuyant parfois des éclats de pâte accrochés à son chemiser plantureux, ou à ses hanches lascives. Jean s'approche à pas comptés. « Maman ?

— Ah, salut gamin, grogne la bougresse sans lever son visage, empli de rage et de maquillage.

— Qu'est-ce que tu fais ?

— Tu le vois bien, je prépare un chausson aux pommes.

— Mais tu n'as pas sorti de pommes, fait Jean en lançant un regard perplexe sur les alentours.

— Ah, dommage pour ce chausson. Apparemment, il va devoir attendre avant d'être fourré ! Comme ça je me sentirai un peu moins seule !

— Je vois… mais on doit se concentrer sur notre voyage pour l'instant, plaide Jean en cherchant du regard son bro, qui s'est habilement replié derrière un buffet à vaisselle.

— Depuis la petite entrevue avec le premier ordre, je tourne en rond moi.

— Mais maman…

— Et tu ne viens même plus faire de la cuisine avec moi ! Tu es si soucieux en ce moment, il faut te relaxer.

— Maman, je voulais te dire que…

— Que tu proposes de me prêter ton rouleau pour terminer mon chausson ? Oh, c'est adorable.

— Non, mais on est bientôt arrivés !

— Comment ?

— J'ai parlé à Pat, et on devrait atterrir demain matin. À l'horloge du vaisseau.

— Super ! s'exclame-t-elle en abandonnant sa pâte, j'ai hâte de pouvoir rencontrer de nouvelles têtes. Rester enfermée dans ce vaisseau me rend folle. Non que je n'aime pas la séquestration, mais…

— Maman, s'il te plaît, calme-toi le temps que nous arrivions !

— D'accord gamin.

— Merci.

— Bon, si tu me cherches, je serai sous la douche, susurre-t-elle avant de sortir d'un pas dansant. »


        Jean se laisse tomber sur un tabouret en soupirant. Le Fossoyeur s'approche de lui « Ça va bro ?

— Ça va, ça va… je suis juste un peu stressé.

— Stressé ? Par quoi ?

— Cette situation. Le message, le rendez-vous, ça pue l'embrouille. »


        Le Fossoyeur sort de sa poche un petit écran à plasma et l'active. L'image apparaît, dévoilant une silhouette dans la pénombre. Une voix métallique s'élève « Bonjour, Jean-Junior. Je sais qui vous êtes. Je sais ce que vous faites. Et j'ai en ma possession quelque chose qui devrait vous intéresser. Un mercenaire culinaire comme vous à sans doute constamment besoin de… stimuler sa créativité. Venez me rejoindre. Il y a un bar clandestin sur le quatorzième astéroïde du secteur 67-084. Je vous y attendrai. Demandez Le Rongeur.

— Eh bien je trouve ça plutôt attrayant, dit le Fossoyeur, tout sourire.

— Trop attrayant. Tout ça ne me dit rien qui vaille.

— Tu t'inquiètes trop je pense.

— Tu as sûrement raison, soupire Jean. Mais depuis l'affaire du Premier Ordre, je ne suis pas tranquille. Qui sait quand ils pourraient revenir nous harceler avec leur maudite pâte à sucre !

— Avec la rouste qu'on leur a collé, ces coquins ne risquent pas de venir nous conter fleurette de sitôt. Tiens, regarde, ajoute-t-il en brandissant le manche de sa pelle sous le nez de Jean, il reste une trace d'Ewok. »


        Jean hausse les épaules et sort de la cuisine, laissant le Fossoyeur seul, et perplexe.

        Tard, dans la nuit artificielle du vaisseau, Jean-Junior n'arrive pas à trouver le sommeil. Allongé sur son lit-cookie, avec ses chaussettes Harry Potter et son ours en peluche, il garde les yeux grand ouverts, rivés sur le plafond de sa cabine. Quelque chose ne va pas, il le sent. Ce message… ces cauchemars qu'il fait depuis quelques temps… un sombre pressentiment l'étreint. Lissant sa moustache pour se calmer, il finit par s'endormir.


        Une grande étendue. Des explosions, des cris, de la douleur. Le visage d'une femme qui souffre. C'est sa mère. Ses traits sont crispés et son front couvert de sueur. Elle hurle soudain, et Jean se réveille, en nage. Il parvient à se calmer au bout de quelques minutes. Après avoir fait un brin de toilette et revêtu son plus beau tablier, il se dirige vers la passerelle de commandement. S'y trouvent déjà réunis son bro, sa maman ainsi qu'Adrien, un auto-stoppeur embarqué quelques jours plus tôt sur l'une des lunes d'Emegor, où ils s'étaient arrêtés faire le plein de carburant et de chips. Un homme apparemment sans histoire.


        À son entrée, tout le monde se tourne vers lui. Devant leurs airs inquiets, Jean hausse ses puissants sourcils « Il y a quelque chose qui ne va pas ?

— C'est à nous de te demander ça gamin. Cette nuit, nous t'avons tous entendu crier. Quand je suis venu, tu t'étais calmé et murmurait des recettes de pâtes de fruits.

— J'ai crié toute la nuit ?

— Ah non bro, sinon c'était un coup de pelle dans la margoulette. Mais tu as bien lancé deux ou trois mugissements assez bonhommes.

— Désolé pour ça. Je fais quelques cauchemars en ce moment. Bon, Pat, on en est où ?

— Je commence la procédure d’atterrissage. C'est curieux, cet astéroïde présente une atmosphère respirable sur l'un de ses secteurs. Sans doute de nature artificielle.

— Elle recouvre quelle surface ?

— Un peu moins de 60 km².

— Bien. On devrait trouver facilement l'endroit dans cette zone. »


        Alors que le Nostromoustache pénètre dans l’atmosphère artificielle, Jean vérifie son équipement. Tablier renforcé au titane, toque masquant un pistolaser, moustache soignée et luisante. Le Fossoyeur sifflote entre ses dents en cirant le manche de sa pelle, alors que Maman Junior l'observe avec intérêt. Adrien, lui, a accroché un tampon hygiénique à une mèche de cheveux et le fait tourner en dodelinant de la tête. « Eh, vous avez vu ? Moi aussi j'ai un satellite !

— Bon, écoutez-moi bien, lance Jean avant d'ouvrir le sas du vaisseau. Là-bas, c'est pas des gentillets. Alors on me suit, et on surveille ses arrières.

— T'en fais pas gamin, c'est la routine.

— Pas de souci bro, pupuce et moi, on est parés.

— Satelliiiiite !

— Bien, alors allons-y. Pat, tu gardes le vaisseau.

— Comme si j'avais le choix, soupire l’axolotl. »


        Ils s'avancent jusqu'à une grande porte encastrée au flanc d'une colline rocheuse. De la même couleur que la paroi, elle est invisible depuis l'espace. Jean s'approche et toque. Un judas s'ouvre et un œil globuleux en sort. « Hi chuba da naga, uba koudaue pinepua ?

— Neu bargon hahmaca, homeka konza, rétorque Jean avec tact.

— Hiee, yae cay wa beupale neyoha. »


        Et la porte de s'ouvrir. Les quatre terriens pénètrent dans une vaste et sombre salle enfumée. Au centre, un bar circulaire customisé aux néons protège une demi-douzaine de serveuses torguta de la frénésie des buveurs. Un peu partout, de petites tables circulaires accueillent une faune hétéroclite. Grands humanoïdes bleus, kryptoniens, octopodes géants et autres bougres. Près de la porte, un mandalorien en faction semble servir de vigile. Une fille aux cheveux bicolores regarde entrer les nouveaux venus d'un œil désabusé, tandis que son voisin, portant une couronne de laurier, fait tourner un couteau sur le bout de son ongle. Jean s'approche du bar et attire l'attention d'une serveuse. « S'il vous plaît, sauriez-vous où je peux trouver Le Rongeur ? »


        La demoiselle se fige, effrayée, avant de désigner du doigt une porte reculée, menant apparemment plus profondément dans la structure. Jean salue d'un mouvement de toque et tourne les talons. « J'y vais seul. Restez ici en alerte.

— Pourquoi gamin ? J'aimerais voir ce mystérieux contact et sa… marchandise, moi aussi.

— C'est peut-être dangereux. J'ai besoin que vous couvriez mes arrières. Et pas de réflexion ! ajoute-t-il à l'adresse de sa mère. »


        Il pousse la porte, découvrant une salle sombre et déserte, bien que vaste. Une seule table est occupée, par une haute silhouette encapuchonnée. Sans un mot, Jean s'assied. Un moment de flottement perdure. Les bruits du bar adjacent résonnent sourdement. « Alors, la marchandise ? finit par demander Jean.

— Je l'ai avec moi, souffle la voix métallique de sous le rabat de la capuche.

— Je peux voir ?

— Doucement.

— Je n'achète jamais sans examiner de près.

— Vous êtes venu seul ?

— Non, mon bro, ma maman et un type bizarre attendent à côté.

— Je vois. »


        L'individu lâche un grognement étrangement aigu, mais il dépose malgré tout un petit sac de toile sur la table. Jean avance doucement la main et s'en saisit. Il jette rapidement un coup d’œil à l'intérieur. « Wahou ! C'est assez magnifique.

— Je me doutais que vous n'y résisteriez pas.

— Mais je dois l'examiner. Que ce ne soit pas un faux, vous comprenez.

— Faites comme bon vous semble. »


        Jean prend un petit canif, et entreprend d'ausculter l'objet. Alors qu'il prélève un petit échantillon du bout de la lame, sa moustache s'anime brusquement de trépidations saccadées. Son sixième sens l'avertit d'un danger imminent. Les sons parvenant du tripot ont cessé. La silhouette du receleur s'est figée. Jean le sent tendu. Il se tourne vers la porte, la main prête à saisir le pistolaser de sous sa toque. Quelques secondes passent. Puis la porte explose avec fracas. Instinctivement, Jean se jette à terre et roule se mettre à l'abri derrière un renfoncement. Des silhouettes en armures blanches envahissent l'endroit, les armes braquées. « En avant, bloquez toutes les issus ! »


        De la poussière émerge un homme terriblement grand, le visage découvert et les biceps luisants. Il porte un harnais où sont pendus quatre énormes revolvers à rayons gamma, aussi surnommés bazoocrash dans les milieux informés. « C'est fini, sales brigands. On a fini par vous mettre la main dessus.

— Quoi ? Eh mais, proteste Jean-Junior en se risquant à lever la tête, cette transition n'est pas illégale.

— Vraiment ? Alors expliquez-moi pourquoi vous la pratiquez dans ce bar clandestin avec toutes les précautions de contrebande.

— Je ne voulais juste pas que ça s'ébruite. C'est dur de trouver des produits de qualité, et les prix flambent pour un rien.

— Que croyez-vous acheter à cet homme ? demande le sergent en haussant un sourcil.

— Mais des pommes de terre pardi !

— Comment ?

— Pommes de terres. Ce sont des tubercules nutritifs originaires, comme leur nom l'indique, de la Terre. Il y a une violente épidémie de mildiou qui dure depuis vingt ans sur notre planète, mais j'ai entendu dire que des fermes orbitales en avait relancé l'exploitation.

— Ne vous moquez pas de moi, tranche le sergent en brandissant l'une de ses armes, personne ne prend autant de précautions pour de la simple nourriture.

— De la simple nourriture ? s’exclame Jean-Junior en se redressant, les yeux brûlants. Avez-vous déjà goûté les frites ? Ou le hachis parmentier ? Ou encore la tartiflette ? La pomme de terre est un élément primordial de la gastronomie terrienne, et je me dois de la réintroduire. Les foodies du monde entier comptent sur moi !

— Écoutez, votre petit numéro à l'air d’avoir été préparé avec soin, mais arrêtez-le là. Ce gars, fait-il en désignant du canon la silhouette qui n'a pas bougé d'un poil, ne donne pas dans le culinaire.

— Et qui êtes-vous pour être si bien informé ? s'énerve Jean.

— Kilke, du GIPL.

— Le quoi ?

— Groupe Interstellaire de Perception des Livraisons. Nous surveillons toutes les transactions illicites ou potentiellement dangereuses.

— Et qu'est-ce que vous reprochez à celle-ci ?

— Ce mec est un diffuseur de nave.

— De nave ?

— Une drogue qui fait des ravages dans tout l'univers.

— Mais j'ai pas demandé de drogue moi ! Vous êtes sûr que vous ne vous êtes pas trompé ?

— Je vois… vous êtes une victime.

— Eh ! Je ne vous permet pas !

— Je veux dire, victime de ce trafic. On se doutait qu'ils droguaient des aliments pour propager l'accoutumance.

— Qu'est-ce qu'elle a de si terrible cette drogue ? Parce qu'au fond, un petit space cookie de temps en temps ça peut pas faire de mal.

— Détrompez-vous. Vous avez entendu parler d'Amélie Nothomb ?

— Hum, vaguement.

— Et Georges R. R. Martin ?

— Ah oui, impossible d'y échapper.

— Et Marc Levy, Bernard Werber, Colin Trevorrow ?

— Qui c'est ça ?

— Le scénariste et réalisateur de Jurassic World. Eh bien tous ces fléaux sont dus à la nave.

— Whoputain !

— Vous pouvez le dire. Et nous, nous sommes là pour arrêter ça. Alors maintenant, poursuit-il en s'adressant au dealer, enlève cette satanée capuche. »


        La silhouette se lève. L’étoffe glisse en arrière, dévoilant un museau brun, deux grands yeux ronds et une paire de dents blanches et glaciales. Les soldats du GIPL font involontairement un pas en arrière. « Oh non, pas lui, murmure Kilke.

— Mais qui est-ce ?

— Lui bro, c'est L'Écureuil Meurtrier du néant profond, plus connu sous le diminutif de l'Homme-Écureuil, répond le Fossoyeur, mystérieusement sorti des ombres à la droite de Jean.

— Tu le connais ?

— Oh que oui, répond le Fossoyeur, le visage impénétrable. Mais aux dernières nouvelles, il était plutôt dans le trafic de glands. »


        L'Homme-Écureuil se débarrasse de ses oripeaux miteux, révélant son long manteau noir, et surtout, une arme de poing harnachée à sa ceinture. En un éclair, il descend trois soldats. Kilke hurle « À couvert ! » et engage le combat aux côtés de ses hommes. Jean et son bro se jettent au sol. Un tir de laser explose la table de deal et des pommes de terre contaminées volent en tous sens. « Elles étaient si belles, si juteuses, si rebondies, sanglote Jean.

— Ce sera pour une prochaine fois bro, là il faut se barrer !

— Mais comment sortir ? La porte est dans la ligne de feu !

— Ne t'en fais pas. Pupuce ! À moi. »


        La pelle surgit dans la main du Fossoyeur. Il la brandit, et l'abat dans le sol. En quelques secondes, un tunnel est creusé. « Allez bro, il faut y aller.

— Mais, Maman, et Adrien ! Il faut les mettre à l'abri eux aussi.

— Mon tunnel mène dans le bar, on y va ! »


        Les deux hommes s’éclipsent, laissant le GIPL combattre désespérément le puissant Homme-Écureuil. Celui-ci se déplace à une vitesse inhumaine, évitant tous les tirs et ripostant sans faillir. Il ne reste bientôt plus que Kilke debout. Le rongeur anthropomorphe lève son arme. Kilke se tient prêt. Il peut esquiver, il le sait. L'autre le regarde, sans bouger. Il avise alors le tunnel par où se sont enfuis les compères. Le voyant tourner la tête, Kilke saisit sa chance et tire. Sans le regarder, l'Homme-Écureuil tend la main et stoppe le rayon. Kilke en reste pétrifié. Mais son adversaire semble s’être désintéressé de lui, et s'engouffre à son tour dans le tunnel. Il surgit dans le bar, vidé par les bruits de la fusillade, et se précipite dehors. Là, un petit groupe est en train de fuir en direction d'un grand vaisseau en forme de moustache.


        Jean court de toutes ses forces, talonné par sa maman, Adrien et son bro. Le Nostromoustache est juste là. Jean sort son téléphone et hurle « Pat, on dégage, fait chauffer le moteur !

— Je suis désolé, mais il faut attendre un peu.

— Quoi ?!

— Le moteur chauffe lentement depuis que votre mère à toucher à l'alimentation pour y brancher son… vous-savez-quoi.

— Saleté ! Enclenche l'armement alors. »


        Ils ne sont plus qu'à vingt mètres du vaisseau lorsque l'Homme-Écureil bondit et vient leur couper la route. Les quatre fuyards s'arrêtent et lèvent les mains. « Comme on se retrouve.

— Je ne veux plus négocier avec vous. Vous êtes un escroc et un criminel !

— Rassure-toi Jean, je m'en moque.

— Ah bon ?

— J'ai bien des moyens de diffuser la nave. Si je t'ai fait venir, c'était dans un autre but.

— Mais lequel ? Qu'est-ce que vous me voulez ?

— À toi, rien. Mais je savais que tu viendrais avec ton bro.

— Mon bro ? fait Jean, interloqué, en se tournant vers le Fossoyeur

— Lui sait très bien pourquoi je le cherche. »


        Le Fossoyeur ne dit rien, le visage rivé sur l'Homme-Écureuil. Ce dernier baisse son arme, et fais un pas dans leur direction. Un rayon laser gigantesque s'abat, le séparant de sa proie. Au-dessus d'eux, un petit vaisseau est en vol stationnaire. À son bord, Kilke, tenant les commandes d'un énorme canon. « Très bien, maintenant tu poses ton arme et tu te rends. »


        L'intéressé laisse choir son pistolaser et lève les mains. Le vaisseau du GIPL se pose et quatre soldats descendent pour venir menotter le prisonnier. « Bien ! Grâce à vous, on l'a enfin attrapé, halète Kilke en venant serrer la main de Jean. Je ne sais pas pourquoi il s'est attardé, mais ça nous a servi.

— Qu'est-ce que vous allez en faire ?

— Le ramener au Conseil Intergalactique. C'est le seul endroit où l'on pourra l’emprisonner. »


        Un grand hurlement retentit soudain. L'Homme-Écureuil vient de couper la tête d'un de ses gardes d'un coup de dents. Puis il rugit, brises ses chaînes, et bondit en direction de Kilke. Celui-ci dégaine ses armes, mais il est déjà dépassé. L'Homme-Écureuil percute le Fossoyeur, et lui arrache sa pelle. Avant que quiconque ait pu réagir, il bondit en retrait et s'arrête, le souffle court. « Non, pupuce !

— Espèce d'enfoiré, grogne Jean, rend cette pelle immédiatement !

— Ouais, renchérit Adrien, c'est pas gentil de voler les affaires des petits copains, surtout si c'est la serviette dans le vestiaire de la piscine, parce qu'après on doit aller chercher ses vêtements tout nu et alors on prend son gant de toilette par pudeur et on y cache son pénis et ses testicules, sauf que le gant il n'était pas propre et on développe une infection qui conduit à l'ablation ! »


        Un certain silence suit cette tirade, rompu par un tir de canon en provenance du Nostromoustache. L’axolotl de bord, en observant la situation, a jugé bon de faire feu avec deux lasers de gros calibre. Mais il n’avait pas prévu que les rayons rebondiraient contre sa carlingue, renversant le Nostromoustache sur le coté, hors d'usage. Quand la fumée générée par l'impact retombe, l'Homme-Écureuil est toujours debout. La pelle du Fossoyeur luit d'un éclat rougeâtre et malsain. « Vous ne pouvez plus rien contre moi à présent !

— Qu'est-ce qui se passe, hurle Kilke.

— Bro, qu'est-ce qu'elle nous fait là ta pelle ? demande Jean au Fossoyeur, pétrifié.

— Il… il la manipule si aisément. Je ne croyais pas cela possible.

— Comment ça ?

— Jean… cette pelle, ce n'est pas n'importe quelle pelle. »


        L'Homme-Écureuil brandit en effet l'outil, qui commence à pulser d'une lumière aveuglante. « Par le pouvoir de la Sainte Pelle !  hurle-t-il en l’abattant vers ses adversaires. » Une vague d'énergie balaye le groupe et renverse le vaisseau du GIPL. Jean se retrouve projeté contre sa mère et ils roulent-boulent sous l'impact. L'Homme-Écureuil jubile. « Enfin, enfin ! La pelle est de nouveau à moi !

— Jamais ! rugit une puissante voix. »


        Surgissant des volutes de poussière, le Fossoyeur frappe violemment le visage de l'Homme-Écureuil. Celui-ci chancelle sous l’impact, mais abat malgré tout son arme vers la tête de son agresseur. « Bro, non ! crie Jean. » Mais le Fossoyeur plaque brutalement ses mains de chaque côté du fer de la pelle, la bloquant à un pouce de son nez. L'Homme-Écureuil tente de la retirer, mais le Fossoyeur résiste. « Vite bro, abat-le pendant que je peux encore le retenir !

— Mais avec quoi ? Il résiste à tout ! Et j'ai perdu ma toque !

— Dépêche-toi ! »


        Plus loin, Kilke et ses hommes gisent, inconscients. Adrien est encastré contre la paroi de leur vaisseau. De frénésie, Jean vide ses poches, à la recherche de quelque chose d'utile. Sa mère se penche, et ramasse la pomme de terre que Jean examinait avant l'arrivée du GIPL. « Qu'est-ce que c'est ?

— Une pomme de terre contaminée à la nave, je l'ai prise sans faire exprès. Ah bon sang, je n'ai plus aucune arme !

— Si tu pouvais te dépêcher bro, ce serait pas de refus, crie le Fossoyeur, le visage de plus en plus proche du tranchant de sa pelle.

— Dis gamin, si on faisait un peu de cuisine ?

— Oh maman, ce n'est vraiment pas le moment.

— Si, justement. Je ne t'ai pas encore appris toutes mes recettes. Alors écoute et obéis. »


        L'Homme-Écureuil augmente lentement la pression sur le manche de la pelle. « Abandonne. Assume les conséquences de tes actes.

— Je ne crois pas en mériter autant !

— C'est ton destin, je le sais. Après tout... je suis ton père.

— Bro !

— Ça arrive, ça arrive !

— Pousse plus fort gamin ! fait la voix lointaine de Maman Junior.

— Mais ça veut pas rentrer !

— Je n'ai pas pratiqué depuis un moment. Tu vois ce que c'est que de laisser ta mère à l'inaction, fils indigne ?

— Attend, je vais mettre de la salive.

— Bro, crie le Fossoyeur, qui, n'y tenant plus, tourne la tête vers Jean et sa maman, qu'est-ce que vous foutez ? »


        Lorsqu'il les aperçoit, il cesse de réfléchir. Comprenant instantanément, il dévie la pelle sur sa droite, et bondit de toutes ses forces en arrière. L'Homme-Écureuil, suivant son regard, découvre le spectacle étrange qui se déroule devant lui. « Mais, qu'est-ce que c’est que ça ?

— Ça ? s'exclament les Junior à l'unisson, le Lance-Patates ! »


        Un jaillissement de violence surgit de l'action combiné d'un fils et de sa mère. Celle-ci hurle en contractant ses muscles, et la pomme de terre jaillit. Le projectile traverse le mur du son à trois mètres de sa cible, et la percute dans une explosion monumentale. L'Homme-Écureuil est soulevé de terre, projeté à toute vitesse dans les airs, et la Sainte Pelle lui échappe. Un souffle dévastateur balaye la plaine rocheuse. Soudain, une lumière brillante entoure l'Homme-Écureuil, déjà loin. « Il sort de l’atmosphère artificielle ! s'exclame le Fossoyeur. » Quelques rougeoiement plus tard, la flamme s’éteint, et l'Écureuil Meurtrier disparaît dans les profondeurs du néant.


        Un lourd silence s'abat sur l'astéroïde. Kilke se redresse en titubant. Adrien chantonne des hymnes paillards, toujours coincé dans le fuselage du vaisseau. Le Fossoyeur ramasse sa pelle et l'embrasse goulûment. « J'ai cru t'avoir perdue! Ne me refais jamais une peur pareille.

— Bro, l'appelle Jean, bro, viens vite !

— Qu'y a-t-il, demande le Fossoyeur en s'approchant.

— C'est maman, elle ne bouge plus.

— Ne vous en faites pas, le rassure Kilke, elle est seulement évanouie.

— Ah bon ! Mais, qu'est-ce que vous faites avec votre main là ?

— Eh bien, je prends son pouls.

— Mouais… mais dites, la patate à la nave a pu la contaminer ?

— Je ne pense pas. La nave s'administre d'habitude par voie orale et pas par voie… enfin, on va l'emmener faire quelques tests, mais je pense qu'elle n'a rien.

— Gamin… murmure une voix.

— Oui maman, tu m'entends ?

— C'était super… on a bien fait de venir sur cette planète.

— C'est un astéroïde maman.

— En fait, rectifie une voix sortant de sa poche, vu la taille de celui-ci il serait plus correct de parler de planète naine.

— Tu étais toujours en ligne Pat !

— Toujours. J'ai un accès permanent à chacun de vos téléphones.

— On va remettre votre vaisseau d'aplomb, avec les renforts qui arrivent, dit Kilke.

— Merci. Et si vous pouviez vous occuper d'Adrien aussi, je crois qu'il est sonné. »


        Plus tard, alors que les renforts du GIPL ont envahi les lieux et installé une capsule médicale, Jean rejoint le Fossoyeur qui contemple le ciel, assis sur un rocher. « Eh, ça va ?

— Ça va. Je suis juste un peu remué.

— Dis, c'était qui, pour toi, cet Homme-Écureuil ?

— Mon père, admet le Fossoyeur après une seconde d'hésitation.

— Quoi, t'as un père toi ?

— Bro…

— Bon, d'accord d'accord. Désolé. Tu penses qu'il s'en est sorti ?

— Possible. Il est increvable. Mais je ne sais pas ce que je préférerais. C'est toujours dur d'être sans famille.

— Mais tu n'es pas tout seul. Tu es mon bro. C'est à la vie à la mort entre nous, non ? Et puis il y a Pat, ma maman, et maintenant même Kilke et Adrien.

— Merci Jean.

— Excusez-moi, glisse une voix douce. »


        Les deux hommes se retournent. Là, se tiennent la fille aux cheveux bicolores et son acolyte. Ils sont vêtus de combinaisons où s'affiche un c blanc sur carré violet. Tendant la main en avant, la fille se présente. « Je m'appelle Katharinabellatchixtchix. Et voici Auguste Le Postier. Nous dirigeons une organisation qui aurait besoin de vos services.

— Et que faites-vous dans ce coin reculé, comme par hasard au moment où il arrive ce genre d’événement ?

— Nous n'y sommes pour rien, intervient Auguste, nous devions rencontrer une éventuelle recrue. Un certain Adrien D.

— Notre auto-stoppeur ?

— Il est entré en même temps que vous, donc je suppose que oui. Nous l'avons engagé, mais surtout pour le surveiller. Il ne nous a pas semblé très cohérent, malgré son fort potentiel.

— Et que nous voulez-vous à nous ? interroge le Fossoyeur.

— Si vous acceptez de rejoindre notre base, nous vous l'exposerons en détail.

— Une base ?

— Oui, une base sidérale en cours de construction, où nous comptons réunir une certaine élite. Elle se nommera la Star-Burg. Le village des étoiles.


        Jean jette un coup d’œil au Fossoyeur. Après avoir échangé un regard, celui-ci demande « Et comment se nomme votre organisation ?

— Vous en êtes ?

— Pas encore. Mais nous voulons bien venir jeter un coup d’œil. C'est un début.

— Alors, sourit Katharinabellatchixtchix, bienvenue à la NéoCast. »




Rapport rédigé par Tristan Kopp, consultant permanent de la Star-Burg.







À SUIVRE (?)


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