Fragile

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Le doigt disgracieux cliqua sur le bouton gauche de la souris et un cri simulé d'une actrice porno résonna bien trop fort dans le salon.

La main sur son sexe irrité, Jean-Michel se masturbait vigoureusement pour la quatorzième fois de la journée. C'était plus fort que lui, il ne pouvait s'en empêcher. Voilà bientôt deux jours que son esprit se noyait dans une boucle infinie de frustration et de pulsions incontrôlables.

Il était rentré chez lui pour le week-end, après avoir travaillé dur dans sa station-service. Homme à tout faire, il gérait son petit commerce avec honnêteté sans jamais se plaindre.

Sa femme était décédée il y a trois ans de cela. Dès lors il se refusait à chercher une autre compagne pour finir ses jours, faisant une croix sur ses propres besoins par fidélité éternelle.

À 65 ans, c'était un homme fatigué, achevant de faire le deuil de son passé pour profiter d'une vie humble et d'une retraite bientôt méritée.

Ce soir-là, après avoir fermé le magasin et s'être mis en route dans sa camionnette, il ne s'était pas inquiété d'entendre à la radio les récits horribles de violences en Italie.

Bilingue, il préférait les chansons italiennes à ces titres niais et larmoyants que produisaient les artistes français. Alors il écoutait la radio de l'autre côté de la frontière.

Les Italiens avaient le sang chaud, c'était bien connu. Peut-être la chaleur faisait vriller la carafe de certaines personnes ? Comme cette femme qu'il avait jetée dehors après l'avoir surprise en train de s'enfoncer dans le rectum le bouchon d'un bidon d'huile pour moteur.

  • Il y a vraiment des tarés dans ce monde, s'était-il dit.

Sans doute était-elle droguée. La ligne téléphonique de la gendarmerie sonnait occupée. Il rechignait à sacrifier quinze précieuses minutes alors qu'il lui restait encore tout le ménage à faire.

Rentré chez lui, il s'assoupi presque instantanément, comme vidé de son énergie. Mais une soudaine envie de jouissance sexuelle interrompit sa courte nuit sans rêves. Voilà quelques mois qu'il ne s'était pas accordé un petit plaisir, alors il s'offrit ce moment. Jean-Michel n'avait que peu de perversion en lui, mais il restait un homme.

Jetant le mouchoir usagé au pied de son lit, il tenta de se rendormir, sans succès. Des pensées l'envahissaient. Des pensées...anormales. Il se remémora cette dame pourtant âgée à la station-service. Et il se surprit à trouver une certaine excitation à reconstruire la scène dans son esprit, malgré le dégoût qu'il avait ressenti en la voyant faire.

Avec le recul, peut-être aurait-il du proposer à cette personne d'assouvir ses envies dans le local privé du staff. Pourquoi pas, après tout ?

Cette nuit-là, il était affamé de fantasmes. Il se remémora ses ébats avec feu sa femme, à ses premiers amours de jeunesse. Puis, il pensa à sa fille. Son esprit lutta pour ne rien imaginer qui le briserait. Jamais il n'oserait blesser sa petite Amandine chérie. Mais il ne pouvait toutefois nier, au fond de lui-même, avoir eu de telles envies fugaces lorsqu'elle était autrefois adolescente et lui un homme encore porté sur la chose. Des pulsions que son psychisme d'ordinaire équilibré aurait rejeté avec aisance. Mais pas cette fois.

Au prix d'un immense effort de raison, il se dirigea vers son ordinateur. L'homme mature se mit à compulser frénétiquement tous les sites pornos qu'il trouva. Ils étaient remplis de jeunes filles bien trop juvéniles à son goût. Pas assez ? Perdant un peu plus l'esprit à chaque clic sur le bouton "lecture" d'une nouvelle vidéo, il s'enfonça fatalement dans des envies de pratiques sexuelles de plus en plus scabreuses, qui n'avaient pourtant jamais nourri ses fantasmes.

Son humanité venait de disparaître, pour toujours.

Au petit matin, un cri strident venant de la rue le sortit de sa frénésie sexuelle. Il se leva pour aller voir dehors ce qu'il se tramait. Il vit un homme courser une adolescente ayant à peine la vingtaine. Celui-ci l'accula dans ce qui semblait être un angle d'immeuble, alors qu'un bruit de chute de clés marqua le début des souffrances de la victime.

Il regretta de ne rien pouvoir observer de son oeil lubrique. Sa langue passa sur ses lèvres et sa main se serra autour de son sexe boursoufflé. Il savait pertinemment ce qui se déroulait. S'il était dans son état normal, il serait descendu lui-même aider la jeune fille. Mais désormais, il voulait juste se masturber en lâchant un râle d'excitation.

C'est alors qu'il l'aperçut.

En face de son immeuble. Une femme. Une très jeune créature. La vingtaine. Brune, jolie, frêle. Vulnérable. Vêtue d'un petit haut noir moulant sa poitrine équilibrée et d'un shorty qui semblait lui aller parfaitement aux fesses. Elle regardait, horrifiée, la scène en contrebas.

Elle tira soudain le rideau pour se préserver de ce qu'elle ne pourrait supporter de voir. Le bruit horrible du crâne de l'adolescente se brisant sous les coups de barre à mine en contrebas ne perturba aucunement Jean-Michel. Il continua de fixer les fenêtres occultées en face de chez lui.

Elle lui ressemblait beaucoup.

Elle prenait possession de sa tête maintenant. Irrésistible lubie. La voir rouvrir les rideaux quelques dizaines de minutes plus tard provoqua la même réaction que celle d'un chien affamé à qui l'on jetterait un morceau de viande. Il ne pensait désormais qu'à approcher cette frêle créature dans sa tour de béton. Elle semblait presque l'attendre.

Oui...il la désirait. Il suintait d'envie pour elle. Un appétit bestial, inhumain. Il voulait la saillir, la souiller. Ce petit corps jeune, innocent, ses belles formes de femme en devenir. Ces petites fesses, ces hanches frêles, son bassin fragile qu'il pourrait briser aisément. Elle était peut-être encore vierge, se dit-il. Et cette hypothèse renforça son excitation. Il en salit ses propres rideaux.

Pris dans une sorte de transe, il garda les yeux rivés sur la fenêtre, le souffle rauque et malsain. Sa volonté avait disparu. Il ne restait plus de lui qu'une envie insatiable de sexe et de sang.

Cette nuit, il irait s'inviter chez cette délicieuse jeune fille pour la cueillir dans son sommeil. Elle ne lutterait que moins...

À cette idée, son visage se déforma d'un sourire fou et sa main saisit la hache à incendie qu'il devait installer sur son lieu de travail.

Il claqua la porte de son appartement, sans même s'être habillé, le sexe dressé comme une boussole, puant la transpiration et la saleté.

Il marchait à présent, lentement, dans un couloir désert, d'un pas sourd, toute conscience éteinte, vers sa proie...

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