Grief

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Inaya

Je m'arrache vivement de mon sommeil.

Aaron se tient à mes côtés, toujours assoupi.

Son bras gauche entoure ma taille, comme à l'accoutumée, tandis que l'autre est recroquevillé près de son oreiller, pareil à un nouveau-né. Un instant, je me rapproche légèrement pour contempler son visage éclairé par les rayons du soleil matinal. Tout en prenant garde à ne pas le réveiller, je passe délicatement mes doigts dans ses cheveux ébouriffés, puis je les descends progressivement jusqu'à atteindre sa joue que j'effleure de ma paume. Elle est chaude, presque même ardente. Mais pas de cette chaleur qui nous étouffe, au contraire. Plutôt de celle dont la présence nous réconforte au quotidien.

Je me blottis contre lui et je ferme les yeux pour en profiter.

Profiter de ce genre de moment que je n'ai jamais pris le temps d'apprécier.

Honnêtement, je donnerais n'importe quoi pour pouvoir rester ainsi toute une éternité.

  • Inaya...

La voix d'Aaron me tire de mes pensées.

Je rouvre les yeux, redresse la tête pour lui faire face.

Ses yeux bleus perçants s'ancrent aux miens, accompagné d'un sourire au coin.

  • Sois forte, s'il-te-plaît...

Je le dévisage, incrédule.

Je ne comprends pas où il souhaite en venir.

Il s'approche alors à son tour avant de me déposer un tendre baiser sur le front.

  • Je t'aime... me susurre-t-il. Je t'aimerai toujours, ma princesse.
  • Aaron... je murmure, déroutée, à quoi est-ce que tu joues ?

Je n'ai cependant pas le temps d'attendre sa réponse qu'il disparaît de mon champ de vision.

Abasourdie, je me lève alors d'un bond de mon lit.

  • Aaron ?

Je m'empresse de sortir de notre chambre pour aller rejoindre le hall, mais il n'est pas là. Je me dirige vers la salle de bain, mais rien. Je lorgne la cuisine, puis le salon, aucune trace non plus.

Je ne comprends pas ce qui se passe.

Il n'a pas pu se volatiliser aussi rapidement.

  • Aaron ! Où es-tu ?

Mon cri résonne dans chaque pièce de l'appartement.

Animée par la panique, je me mets à courir partout tout en hurlant son prénom dans l'espoir de le trouver. Je l'appelle, encore et encore, durant des minutes, jusqu'à ce que ce que ma gorge s'assèche complètement et que la faiblesse de mon corps me contraigne d'arrêter.

Je prends alors une profonde inspiration pour me calmer.

Et c'est à ce moment-là que je le vois.

Aaron est allongé sur la table de l'hôpital, le corps enveloppé par des draps blancs.

Il ne bouge pas, ne nous écoute pas et ne parle pas.

Ce n'est pas qu'il ne veut pas, mais il ne peut pas.

Il ne peut plus.

Parce qu'Aaron n'est plus là.

Aaron est mort.

Il.

Est.

Mort.

Petit à petit, je réalise que je ne le verrai plus jamais. Je ne le réveillerai plus chaque matin pour le petit déjeuner. Il ne paniquera plus à l'idée d'être en retard à la librairie à cause de sa panne de réveil. Il ne quittera plus notre appartement sans oublier de m'embrasser. Je n'entendrai plus le son de ses pas à son retour. Je ne sauterai plus dans ses bras pour l'accueillir et le soulager de sa journée. Il ne m'étreindra plus en retour pour me remercier. Nous ne nous retrouverons plus dîner autour de la table de la cuisine rien que tous les deux. Je n'entendrai plus son rire. Je ne verrai plus son doux visage.

Je ne verrai plus jamais Aaron.

Oh mon dieu.

Lorsque je prends conscience de la situation, je m'écroule brusquement sur le sol. Les larmes que j'avais si longtemps contenues déferlent sur mes joues et mes lèvres se mettent à hurler de douleur. J'ai beau essayer de les retenir pour éviter aux voisins d'avoir à supporter mes plaintes, c'est peine perdue. Je suffoque de l'intérieur. Je me cogne la poitrine pour essayer de desserrer l'étau qui s'est formé autour de mon cœur et qui m'empêche de respirer correctement. Mais au lieu de se dénouer, il me compresse davantage. Je n'arrive plus à respirer. Je ne veux plus respirer. Je crois que les voisins m'ont entendu, parce que j'entends des bras tenter de m'agripper. Mais je ne m'y intéresse pas. Je ne veux pas de soutien. Je ne veux pas être aidée. Si je dois vivre sans lui, je préfère encore mourir. Tout ce que je veux, c'est être auprès de lui. Auprès de mon mari.

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