Sur le chemin du retour, Inaya songea à ce qu’elle venait de vivre. Elle n’avait même plus la force d’exprimer sa colère, gardant le peu d’énergie qu’il lui restait pour tenter d’arpenter la chaussée. Elle fut cependant rapidement tirée de ses rêveries par un appel d’Arya.

« Allô Inaya ? fit son amie.

-Oh, salut, répondit la jeune fille d’une voix rauque.

-Qu’est-ce qui t’arrive ? s’écria-t-elle alors. C’est quoi cet air triste que j’entends ?

-Rien, t’inquiète. T’as besoin de quelque chose ?

-Non, pas du tout ! Je t’ai juste appelée pour prendre de tes nouvelles !

-Ah, bah écoute je vais bien merci.

-Et ton nouveau travail, comment ça va ? »

Inaya s’arrêta net et ne rétorqua rien. Elle ne voulait pas annoncer son licenciement à son amie, de peur de la décevoir.

« Allô ? reprit Arya. Tu m’entends ?

-Ah, oui pardon. J’ai rien de spécial à raconter, ça se passe bien. »

Arya resta sceptique face au ton maussade de son interlocutrice.

« Vraiment ? questionna-t-elle. Dans ce cas, ça te dérange pas si demain je passe te voir à la bibliothèque ?

-Hein ?! répliqua soudainement Inaya, surprise. Euh non, ça va pas être possible !

-Quoi ? s’exclama son amie. Pourquoi ?!

-Euh… (Elle bafoua.) J’ai déjà quelque chose de prévu !

-Ah bon… Et c’est quoi ? »

La jeune fille réfléchit un instant.

« J’ai un rendez-vous médical ! » finit-elle par déclarer.

Arya, à son tour, ne répondit pas. Elle prit une grande inspiration, avant de s’exprimer :

« Bon, t’as fini ton cinéma ?

-Quoi ?

-Inaya je te connais par cœur ! Dès que t’as un truc à cacher, tu commences à bégayer et à raconter n’importe quoi pour te justifier !

-Eh, c’est pas vrai ! rétorqua-t-elle en fronçant les sourcils.

-Crois-moi que si ! Donc maintenant tu vas me dire ce qu’il se passe avant que je m’énerve sérieusement ! »

Inaya soupira au téléphone.

« J’avais pas envie de t’embêter avec mes histoires…

-Mais arrête de jouer le martyr bon sang ! Tu me fais pas confiance ou quoi ?!

-C’est pas ça, j’avais juste peur de te décevoir…

-Mais pourquoi ?!

-J’ai été virée…

-Oh. »

Inaya profita du temps d’arrêt de son amie pour reprendre son chemin.

« Tu vois, c’était mieux que je t’en parle pas finalement… (Elle soupira à nouveau.)

-Inaya, je suis vraiment désolée ! s’écria alors Arya, les larmes aux yeux. Je t’ai fait un caprice en insistant, sans savoir que j’allais te blesser ! Pardon !

-Non, c’est rien. Pour être honnête, je m’en fiche. (Elle haussa les épaules.)

-C’est pas rien du tout, arrête de jouer l’indifférente ! Qu’est-ce qu’il s’est passé ?

-Arya, j’ai vraiment pas envie d’en parler pour le moment…

-D’accord, pardon ! (Elle continua de se confondre en excuses.) Mais tu sais, peu importe la raison, je suis sûre qu’ils vont vite te réembaucher ! Il manque tellement de personnel et peu d’étudiants candidatent à ce poste…

-Mouais, je crois pas. Attends deux secondes, j’arrive chez moi. (Elle inséra la clé de son appartement dans la serrure.) C’est bon, je suis rentrée.

-Franchement, moi je m’inquiète pas pour toi ! Je sais pas pourquoi, j’ai un bon pressentiment !

-J’aimerais bien être aussi optimiste que toi. »

En arrivant, Inaya s’empressa de monter dans sa chambre. Après avoir déposé ses affaires, elle alluma son ordinateur.

« Faut que je vérifie mes mails, dit-elle à son amie. Après ça faudra que je te laisse, j’ai du rangement qui m’attend…

-T’inquiète, je comprends ! »

Au moment où la jeune fille ouvrit la fenêtre de ses nouveaux messages, elle sursauta et bondit de sa chaise.

« Oh mon dieu ! s’écria-t-elle.

-Qu’est-ce qu’il y a ?! répliqua Arya, inquiète.

-Arya, je… »

Inaya peina à formuler des phrases cohérentes.

« Je crois que t’avais raison…

-De quoi tu parles ?

-Je viens de recevoir un mail du patron… J’ai été réembauchée !

-Mais non ?! s’exclama son amie, toute euphorique. Inaya, je suis tellement contente pour toi !

-Mais je comprends pas… Comment est-ce que c’est possible ?

-Je te l’avais dit ! Ils manquent de personnel !

-Certes, mais… »

Arya interrompit alors son interlocutrice, agacée par son comportement.

« Stop ! Arrête de chercher des excuses ! T’as été réembauchée parce que t’as les compétences requises, point. Fais-toi un peu plus confiance !

-C’est vrai, t’as pas tort…

-J’ai toujours raison ! Je pense qu’on en a suffisamment fait les preuves aujourd’hui, non ? »

Inaya pouffa de rire.

« Merci Arya, sans toi je sais pas comment j’aurais fait…

-Avec plaisir beauté ! Tiens-moi au courant pour la suite. »

Sur ces mots, les deux étudiantes achevèrent leur conversation téléphonique.

Après s’être rassise confortablement sur sa chaise, Inaya relut plusieurs fois le mail du patron afin de s’assurer qu’elle n’était pas en train de rêver. Au bout de quelques minutes, elle confirma la réalité de ce dernier.

« Quelle journée mouvementée quand même… » songea-t-elle.

Le reste de la soirée se déroula sans encombre pour la jeune fille, rassurée que tout soit finalement rentré dans l’ordre.

Le lendemain matin, elle se rendit à la faculté.

En franchissant la porte de la bibliothèque, Inaya fut interpellée par la liste affichée sur le mur. C’était la liste des étudiants interdits d’accès à la bibliothèque. Elle était actualisée chaque semaine.

« Tiens, c’est étrange qu’ils l’aient actualisée en pleine semaine… » pensa-t-elle, sceptique.

Elle s’approcha davantage pour prendre connaissance du contenu.

« Bon, le début est exactement le même… »

En poursuivant sa lecture, son doigt s’arrêta net sur un prénom.

« Non, c’est pas possible… songea-t-elle, déconcertée. Pourquoi est-ce qu’Aaron est inscrit ici ?! »

Elle resta plantée là, quelques secondes, le temps de se remettre.

« Ça aurait pas un rapport avec moi, quand même ? »

Sur ces pensées, Inaya rentra en vitesse dans la bibliothèque pour y déposer ses affaires. Elle en ressortit alors aussi rapidement.

« Il faut que je le retrouve ! »

La jeune fille se hâta vers chaque coin du couloir, en vain.

« Je dois plutôt chercher un endroit calme, peu fréquenté… »

Elle décida alors de descendre vers la cage d’escalier. Mais il n’y était pas.

« Bon sang, où est-ce qu’il a pu aller ? »

Inaya scruta attentivement chaque pièce à laquelle elle avait accès pendant plus d’une demi-heure.

Au bout d’un moment, elle finit par se faire une raison.

« Je suis stupide, il est même pas dix heures du matin… Si ça se trouve, il est même pas encore arrivé. »

En remontant les escaliers pour retourner travailler, Inaya sentit sa gorge s’assécher.

« Oups ! songea-t-elle. Je crois que toute cette activité physique m’a donnée soif… »

Elle se dirigea donc vers la cafétéria de la faculté.

Après avoir commandé un petit chocolat chaud, Inaya décida de se poser près du recoin où elle était déjà venue la dernière fois. Au moment où elle pénétra dans la pièce, elle manqua de faire tomber son achat.

« A…Aaron ?! » sursauta-t-elle.

Le brun se tenait effectivement là, devant elle. Il était installé près du mur, un bouquin à la main, tout en sirotant un thé à la menthe.

« Oh ! s’exclama-t-il. Salut Inaya !

-Sa…salut ! bafoua-t-elle en s’asseyant près de lui.

-Qu’est-ce que tu fais là ?

-Je te cher… (Elle se stoppa net.) Inaya ferme ta bouche bordel ! songea-t-elle. J’avais faim, reprit-elle.

-T’avais faim mais t’as commandé un chocolat chaud ? »

Elle se tut un instant, avant de reprendre :

« Soif. J’avais soif. Mon dieu, il m’insupporte à tout remarquer comme ça !

-Hm… »

En voyant l’embarras d'Inaya, Aaron se mit à ricaner.

« C’est pas ma faute si tu me tends des perches tout le temps !

-C’est ça ouais ! » (Elle rétorqua en lui tirant la langue.)

Après avoir conversé quelques minutes, le brun prit un ton plus sérieux.

« Sinon, comment ça se passe avec ton job du coup ?

-C’est une longue histoire haha… Mais pour faire court, je l’ai récupéré finalement !

-Sérieux ? C’est plutôt une bonne nouvelle !

-Oui ! D’ailleurs à ce propos, je voulais te parler…

-A moi ?

-Ouais… En passant ce matin, j’ai vu ton nom sur la liste des étudiants interdits d’accès à la BU…

-Ah bon ?

-Qu’est-ce que t’as fait pour qu’on t’interdise de rentrer ? »

Aaron haussa les épaules nonchalamment.

« J’en sais rien, j’étais même pas au courant.

-Quoi ? Sérieusement ? »

Il ne répliqua rien et se contenta de hocher la tête en guise d’affirmation.

« Et ça te fait ni chaud ni froid ?

-Je passe ma vie en salle de travail, donc je t’avoue que non. »

Inaya ne put s’empêcher de scruter le garçon attentivement. Ce dernier se leva alors.

« Bref, je vais bientôt avoir cours, je vais te laisser. »

Sur ces mots, Inaya se leva à son tour et agrippa le tee-shirt du brun. Il se retourna alors vivement.

« Qu’est-ce qu’il y a ?!

-Tu serais pas en train de me mentir, par hasard ? »

Aaron écarquilla les yeux face à la question de son interlocutrice.

« Mais qu’est-ce que tu racontes ? s’écria-t-il, déconcerté.

-Je demande juste comme ça ! (Elle recula.) Mais du coup, si t’as vraiment rien fait, c’est pas normal que tu sois interdit d’accès à la BU !

-Hein ?

-Je vais te supprimer de la liste. Je déteste l’injustice gratuite ! »

Alors que la jeune fille était sur le point de sortir, Aaron agrippa fermement son poignée.

« T’as pas intérêt à faire ça ! s’exclama-t-il, d’un ton ferme.

-Quoi ?

-T’as déjà modifié ma date d’emprunt et t’as bien vu les conséquences ! T’es stupide ou quoi ?! »

Inaya se retourna alors vers son interlocuteur.

« Tu viens de dire quoi, là ? demanda-t-elle en levant un sourcil, tout en se rapprochant de lui.

-Quoi ? »

Aaron mit un instant avant de comprendre la négligence dont il venait de faire preuve.

« Et mince… » songea-t-il.