Liège-Ostende

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Liège-Ostende. La Belgique vient de défiler tout entière à la fenêtre du train. Liège.
La Belgique toute en briques, toute en champs.
Louvain.
La Belgique à toute allure, écrasée sous un ciel inexistant.
Bruxelles-Nord.
Bruxelles-Central.
La Belgique par un mois de janvier humide et laiteux.
Bruxelles-Midi.
La Belgique dans le brouillard.
Gand-Saint-Pierre.
La Belgique immobile et silencieuse et Bruges figé sous une neige légère et fondante.
Ostende. Terminus. Le train s’arrête. Le cri d’une mouette me fait frissonner. Vague odeur de poisson et de cigarette. Colette n’a pas pu attendre d’être sur le quai pour en allumer une. En descendant les marches, elle crache une bouffée dans mes cheveux. Un vent tenace, presque furieux, s’agrippe à nos vêtements. Le trajet jusqu’à la plage déserte se révèle encore plus insupportable que prévu. Une pluie piquante se mêle aux rafales indomptables de ce vent d’hiver. Colette fume cigarette sur cigarette, parle de cet homme qui l'a aimée et qui l'emmenait voir la mer en hiver, dit qu'elle n'a jamais été mariée puis dit le contraire. Se demande ce qu'elle pense du divorce, des gens qui divorcent en général, se pose questions futiles sur l'addiction aux anti-dépresseurs, sur le prix des locations à Ostende, celui de l'essence et des cigarettes… Je réponds vaguement à chacune de ses questions sans intérêt et sans qu'elle ne prête une grande attention à mes réponses, tout en cherchant des adjectifs pour qualifier ce vent furieux. Je pense à enflammé, exalté, violent, déchaîné, obstiné, impitoyable. Puis je n’y pense plus. La mer est là devant nous, nerveuse, agitée. Au loin, imperceptible, le bruit d’un train qui démarre et autour de nous, un étrange silence, à la fois sourd et turbulent, qui nous fouette les tympans et que le vent emporte au loin sans doute. C. dit qu'elle n'a plus de cigarette et puis je ne sais plus ce qu'elle dit d'autre. On est sur le sable. Je n'entends plus. Il y a les vagues. Il y a le vent.
La mer est là. On n'a qu'à bien se tenir.
Après, quand la mer s'est tellement avancée qu'il nous faut reculer, elle dit d'un ton solennel : "Demain j'ouvre le carton" et elle s'en va vers la digue en enfonçant ses talons dans le sable. Derrière moi, un peu trop près des vagues, les garçons.

"Mais qu'est-ce que vous faites là?", je leur dis "Venez ici, c'est dangereux!", je leur dis "On va rentrer maintenant".

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