Une nuée de papillons

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Les feuilles du calendrier tombent et les journées se passent et s’oublient. Certains jours, je me rends compte que je devrais arrêter de me mentir, arrêter de faire comme si ces journées-là ne s’envolaient pas comme des papillons qu’on voit passer et qu’on ne revoit jamais. Depuis combien de temps, il est parti ? je me demande. Un an ? Cinq ans ? Dix ? Je ne sais pas ; je n’ai pas compté. Je pourrais poser la question à C. Sûre qu’elle le sait, elle, depuis combien de temps je suis seule. Mais est-on vraiment seul quand on aime ? C’est ce qu’elle me dirait, je crois.

Oui, je sais que c’est ce qu’elle me dirait.

Je ne suis pas seule.

Je suis heureuse.

Le téléphone dans l’entrée sonne, sonne. Encore un marchand de vin ou un fournisseur d’électricité, sans doute. À huit heures du matin ! Je ne vais pas répondre. Dans la cuisine, une musique annonce les informations du matin. J’augmente le son tout en avalant une gorgée de café brûlant. Le gouvernement interdit aux enfants de moins de douze ans d’avoir deux activités extra-scolaires… Quelle ineptie ! Je déteste les pandémies ! Comment mes gamins vont pouvoir choisir entre la natation et les scouts ? Je suis triste pour eux, me souviens que j’ai oublié de les éveiller pour aller à l’école. Quelle mauvaise mère, je fais. Je monte les marches quatre à quatre. Ils ne sont pas dans leur chambre. Prise d’un sentiment de malaise, je cherche après eux dans toute la maison, même au troisième étage où ils ne vont jamais parce que c’est interdit. Je dis « Les garçons, vous êtes où ? » Pas de réponse. Ils ne sont pas là. Complètement paniquée, je frappe à la porte d’une de mes locataires puis de la deuxième. Sans attendre leur réponse, j’ouvre et leur explique pour les gamins. Je dis « S’il vous plait, aidez-moi, mes petits ne sont pas là, j’ai cherché partout ». Aussitôt elles viennent vers moi, m’encadrent de leurs bras, répondent « On va t’aider, t’inquiète pas » et elles m’entrainent à la cuisine, me font un café.

C. arrive à ce moment-là. Surgie je ne sais d’où et précédée par mes petits, elle me dit « Je vais t’expliquer » mais elle n’explique rien, s’assied, se sert un café qu’elle trouve dégueulasse. Me voyant remise de mes émotions, mes deux locataires m’abandonnent dans ma cuisine. J’ai de la chance de les avoir.

Je réalise que je les aime et que l’amour, c’est quand même un truc foutrement merveilleux.

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