Liberté, liberté chérie

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C. doit presque me menacer pour que j’accepte de venir chez elle pour lui couper les cheveux. Elle dit « Tu as écouté les infos ? Ils sont pas prêts d’alléger les mesures. Comment tu veux que je trouve un galant avec cette tête ? Tu veux que je finisse seule ? Que j’en meurs ? » J’accepte donc, la mort dans l’âme : jamais je n’ai coupé les cheveux de qui que ce soit !

Dans son salon deux murs entiers sont tapissés par des livres. Quand on regarde, on a le vertige. Il y en a tellement qu’on a l’impression que ça va s’écrouler si on en ajoute un seul. C. dit que ce sont surtout des livres de philosophie et qu’elle a tout lu. Combien d’heures pour ces milliers de pages ? Et est-ce qu’elle a tout retenu, tout compris ? C’est ce que je me demande. Souvent, elle m’a dit son regret de ne pas avoir mené une autre vie, ailleurs, autrement. Aujourd’hui, en regardant tous ces ouvrages comme si elle contemplait la Statue de la liberté, elle dit « Faut pas croire, moi aussi, j’ai eu quinze ans. Tu peux imaginer ça ? » Après, elle décapsule une bouteille de bière et la boit au goulot, comme un homme et elle ne dit plus rien. Elle boit et elle regarde ses livres. Elle boit et elle replonge dans ses pensées encombrées par toute cette philosophie qui ne résout jamais rien, repense à ses quinze ans sûrement et à toutes les désillusions que la vie a déposées sur son chemin sans qu’elle ait pu comprendre le but de tout ça, la vie qui va qui vient et qui s’éteint. C’est ce qu’elle dit et c’est à moi qu’elle le dit car, comme elle s’imagine que je comprends tout ce qu’elle m’explique et que je m’en imprègne, je suis sur le podium des gens qu’elle estime.

Ces derniers temps, elle fait une fixation sur le philosophe Alain. Bonheur, morale et liberté. Elles sont là les raisons de notre passage sur terre, c’est ce qu’elle dit aussi et moi, ça me fait frissonner d’effroi, tous ces idéaux gigantesques que je ne pourrai jamais atteindre.

Liberté, liberté chérie.

À quoi ça sert si on est tout seul ?

Elle décapsule une autre bouteille, me la tend.

Je déteste la bière.

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