Cours.

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   Elle était jolie, avant. Elle avait de beaux cheveux dorés, bien lissés et bien soignés. Un maquillage appliqué à la perfection autour de ses yeux émeraude et un joli rouge sur les lèvres. Seulement, à être belle comme ça, on finit souvent par être désirée. Tous les hommes cherchent la perfection. Comme elle était parfaite dans sa robe pâle ! Le tissu rose faisait ressortir sa poitrine ronde, sa silhouette fine et élégante et découvrait ses jambes blanches. La jeune fille avait l’habitude d’être abordée, autant par les garçons que par les femmes. Aussi ne se douta-t-elle de rien quand il s’approcha avec ce regard scintillant et désireux. Comme les autres, il l’emmena dans un petit coin, ce sourire au coin des lèvres. Elle avait l’intention de jouer un peu avec puis de le décevoir, c’est ce qu’elle aimait. Elle apprit vite que c’est lui qui jouait. Et la partie avait déjà commencé.

   Son souffle était tellement rapide qu’elle avait l’impression que son cœur allait sortir de sa poitrine. Ses talons s’enfonçaient dans les joins des pavés et elle avait du mal à le distancer. Chaque fois qu’elle regardait derrière elle, il était plus proche encore. Réprimant un sanglot, elle se réfugia entre les bus. Le parking en était plein, elle pouvait facilement se cacher et reprendre son souffle. Faisant le moins de bruit possible, elle enleva ses chaussures à la lueur des réverbères. La douleur dans son estomac lui arracha un cri qu’elle s’empressa d’étouffer. Le sang coulait de la plaie béante, recouvrant le sol d’une substance rougeâtre. Distinguant des bruits de pas derrière elle, elle partit se cacher plus loin, à l’ombre d’autres bus. Les larmes coulaient sur ses joues recouvertes de crayons dégoulinant. Elle ne ressemblait plus à rien désormais. Elle avait étalé son rouge à lèvres en s’arrachant aux baisers insistants de l’inconnu et déchiré sa robe en s’enfuyant. Sa fuite lui avait valu ce coup de poignard dont elle essayait d’oublier la douleur. Quant à ses cheveux, ils n’étaient plus ni lisse, ni soyeux.
- Sandy. Sandy. Sandy.
La voix du garçon était effroyablement neutre et la jeune Sandy sentit un frisson lui parcourir l’échine. Il s’approchait. Déambulant parmi les cars rangés en ligne, Sandy s’aperçut que l’un d’eux était ouvert. N’hésitant pas une seule seconde, elle monta à l’intérieur et se réfugia sous les sièges.

   Si seulement elle avait été comme toutes les autres. Sage. Mais non, cette blonde-ci s’était débattue. Elle l’avait frappée. Comment laisser cet acte impuni ? Maintenant la chasse était ouverte et le petit lapin courait comme il pouvait. Malheureusement tous les terriers étaient fermés. A moins que … l’un des bus venait de bouger. Un sourire étira ses lèvres, l’euphorie qu’il éprouvait en cet instant dépassait tout ce qu’il avait déjà vécu. Désormais, il ne tuerait plus jamais. Il traquerait. Puis il exécuterait.
Le bus sembla d’abord vide. Puis une respiration haletante parvint jusqu’à ses oreilles. Il se mit à avancer dans l’allée centrale tout en regardant parterre.
- Sandy. Sors de là tu vas salir ta jolie robe.
Il la vit enfin. Elle était couchée et rampait difficilement sous les sièges. Il l’entendait pleurer. Ils avançaient en parfaite harmonie, le chasseur et la chassée. Une traînée de sang suivait la jeune fille. A ce stade, il aurait pu la regarder se vider de sa substance vitale. Mais où serait le jeu alors ? Quand elle arriva au bout du véhicule, les sanglots se firent plus bruyant. Il tendit l’oreille, suppliait-elle ?
- Pitié… pitié… je ne veux pas mourir !
Cette prière, il l’avait déjà entendu. Toujours le même refrain. S’il y avait quelque chose susceptible de l’agacer, c’était bien les prières. Est-ce qu’on suppliait Dieu quand on savait sa non-existence ? Non. Alors pourquoi supplier sa non-clémence ?
S’appuyant sur un siège, il l’attrapa par les cheveux et la traîna hors de sa petite cachette misérable. Elle était immonde. La morve se mélangeait à ses larmes et sa bave. Ses yeux étaient vitreux et rouges. Le lapin avait perdu sa belle fourrure. Comme elle ne faisait que pleurer, il tenta de la rassurer :
- Chut. Chut. Tout va bien se passer. Tu vas voir.

   Les cordes lui écorchaient les poignets et elle avait du mal à respirer. Elle était très inconfortablement installée et bâillonnée pour ne pas crier. Il l’avait attaché sur le devant du bus, les jambes ballantes et les poignets accrochés aux rétroviseurs par des cordes. Soudain le moteur se mit à gronder et elle comprit que le garçon avait prit la pace du conducteur. L’engin se mit à avancer et un goût de bille remonta le long de sa gorge. Elle ferma les yeux à l’approche du mur mais ne put effacer la douleur quand le véhicule entra en collision avec celui-ci. D’abord, elle eut le souffle coupé. Puis tout son corps fut écrasé et très vite engourdit. Elle entendait vaguement le moteur tourner encore mais ce qu’elle entendait surtout, c’était le bruit de ses os craquant sous le poids du bus. Ses membres explosèrent les uns après les autres, laissant s’échapper un flot de sang comparable à l’eau d’une fontaine. Après ça elle ne sentit plus rien.

   Le corps n’était plus reconnaissable par quiconque. Ecrasé ainsi entre le mur et le bus, on aurait dit les restes d’un insecte après avoir heurté une voiture sur l’autoroute. On aurait presque pu nettoyer à coup d’essuie glaces. Cette pensée le fit rire et il s’éloigna du lycée en chantonnant quelques airs lugubres. Ce lapin-là ne finirait pas sur son mur de chasse, tant pis.

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