Le Tome Six : Chapitre 7

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 Effacée par le vent et la cendre charriée : une bête. Celle-ci dévoilait ses yeux de soleil fou, ses griffes en cascade de rasoirs et sa mâchoire de soufrière ardente, tandis qu’elle suivait le château soulevé par des fantômes en portant sur son dos les rayons de la lune.

 Il y avait dans cette bâtisse de pierre grise un mot dont elle avait besoin pour trouver son sens.

Du moins, elle l’espérait.

 Mais depuis qu’ils avaient été séparés par le bâtiment flottant, les jours s’étaient écoulés sans nouvelle. L’avait-il abandonné ? La bête l’ignorait : quoi qu’il en soit, elle préférait s’accrocher au seul mot qu’elle avait connu plutôt que de retourner dans les ténèbres de l’Outre-tome.

 Une ébauche d’intrigue, même aussi pitoyable que cette dernière, valait mieux que de languir là-bas.

*

 Tom se tenait au bord du gouffre, à bout de souffle. Il avait tout essayé pour échapper à son funeste sort : éclairer le champ lexical autour de lui, modifier les descriptions, renommer les éléments du décor… En vain. Porté par son rêve de trouver l’histoire du tome trois, il s’était laissé aller au gré des vents jusqu’à finir par manquer d’air dans ce dôme invisible qu’il avait baptisé le Blocage.

 Le mot dépité reposait à présent dans la vaste salle à manger du château, plus spectral que les esprits qui gémissaient en pleurs et chœur autour de lui. Qu’avait-il encore d’une nouveauté pour ce récit, désormais ? Rien. Il n’était qu’un assemblage de lettres ne menant à rien.

— Un mot de plus qui vient mourir au bout d’une ligne inachevée… déplora l’homme en le trouvant si hagard.

 Ce dernier laissa un chaudron d’eau à bouillir sur son feu maudit, comme chaque matin, pendant qu’il utilisait les couverts hantés qui cliquetaient entre eux pour moudre son café avec désinvolture.

 Toutefois, ces paroles finirent par trouver résonnance avec les pensées tumultueuses de Tom, comme un assemblage de pièces casse-têtes tombant soudain les unes emboîtées dans les autres : il se pencha alors sur la description des faits et gestes du protagoniste, et eut une illumination.

L’homme était indéfini, flou et insensible au récit qui l’entourait.

Il avait encouragé Tom à rester, lui avait expliqué comment attirer l’attention de l’aigrefin.

Il était l’élément le moins intéressant du tome six.

— C’est toi ! s’écria le mot.

 Il se tourna vers son ennemi, dissimulé derrière ce masque de personnage, mais dont les formes se révélaient enfin après tout ce temps.

— Tu es le Blocage.

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