Le Tome Quatre : Chapitre 20

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 Tom sirotait un verre d’hypocras aussi fort qu’un feu austral ; la boisson mêlait les doux rayons du miel aux pluies acides du citron sur les terres désolées de son palais, véritable festival de saveurs pour ses sens allégoriques. La présence de cet alcool médiéval, des prairies verdoyantes autour de lui et du château qui languissait non loin sur la colline indiquait d’ailleurs qu’il se trouvait dans un biome de type « fantasy ». En réalité, Tom n’avait pas besoin de penser à ces détails, mais être entouré d’autant de mots l’extasiait : il avait envie de tous les saisir au vol, de les étudier, de les comparer et les mélanger pour voir quel délicieux nectar allait en ruisseler. Il n’avait jamais eu autant de descriptions à se mettre sous la dent auparavant, dans son tome orné d’un simple point…

 C’était une réalité qu’il ne pouvait pas oublier, malheureusement. En fait, de nombreux manants s’affairaient sur les chemins qui quadrillaient les alentours de l’auberge où il avait décidé de faire halte, et certains ne manquaient pas de lui décocher un regard étonné à travers la crasse de leur visage. Ils le scrutaient sans le voir, puisque Tom était ce qu’il était ; un simple mot. Il n’y avait pas de traits à ses expressions, pas d’attrait dans sa personnalité, pas de signe masculin ou féminin, ni bien ni mal en lui… Il ne possédait aucun défaut, ni aucune qualité – ce qui constituait autant un défaut qu’une qualité, d’ailleurs.

 Quel personnage ennuyeux, au milieu de l’émeraude du vent qui passait dans les hautes herbes, du brouhaha guilleret d’une plèbe enchantée par les premières hirondelles !

 Pourtant, Tom ne se laissait pas duper par ce nouveau monde de nuances : malgré les couleurs et les senteurs suggérées, il était toujours dans les Oubliettes. Ce récit était un cul-de-sac où il n’avait pas sa place ; son histoire à lui reposait quelque-part, perdue dans les profondeurs grises des pages blanches et du noir broyé.

 Puis, sans qu’il n’y prêtât attention, une jeune femme vint s’asseoir à côté de lui avec nonchalance, comme par évidence. Nul besoin de la détailler pour reconnaître le personnage principal du coin.

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