Invisible l'oiseau

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Il était une fois, dans la forêt la plus sombre de l'empire, un oiseau qui n'avait pas d'ailes. Bon, cela, en soi, n'était pas rare, comme la lévitation était une faculté maitrisée par la plupart des animaux des bois. Cependant, cet oiseau là était particulier. Il avait un plumage tellement transparent qu'on ne le voyait que quand la lumière lui passait au travers. Là, alors, il rayonnait tel les diamants les plus somptueux du royaume.

Malheureusement, ce jeune oiseau était triste. Il avait tellement envie d'avoir des amis, de pouvoir jouer à cache-cache et de pouvoir faire miroiter ses plumes colorées devant les jolies oiselles. Mais, bien évidemment, il ne pouvait pas jouer à cache-cache, car personne ne le trouvait. Ou alors tout le monde le voyait, s'il se mettait au soleil. Et les filles, elles ne le regardaient même pas : elles avaient peur de lui.

Un jour, cet oiseau dont le prénom était Invisible pour des raisons évidentes, décida de léviter hors de cet endroit afin de trouver remède à ce qu'il considérait comme une malédiction. Il avait entendu parler il y a longtemps de la Sage Vieille, une femme dont on vantait les pouvoirs de guérison contre tous les maux.

Le soir même, alors que la silhouette des arbres s'allongeait de plus en plus, il fit son baluchon, et le jeta sur son épaule. Alors qu'il se préparait à léviter, une ombre furtive passa au-dessus de lui et il entendit un léger ricanement. Il leva des yeux étonnés vers le ciel dont il voyait des parcelles entre le feuillage dense de la forêt, mais, à part les nuages qui voguaient paresseusement à la faible brise, rien ne bougeait.

Il s'élança alors et lévita, lévita, lévita. Mais il lui semblait que la cime des arbres ne se rapprochait pas, même presque qu'elle s'éloignait.

"Étrange", se dit-il, mais il continua à léviter, mobilisant toutes ses forces.

Après plusieurs minutes d'effort continu, la cime des arbres ne se rapprochant toujours pas, notre ami l'oiseau sans ailes décida de voler entre les arbres afin de trouver un endroit plus propice à son ascension. Tournant la tête de chaque côté, il se décida à faire cap vers le nord.

Invisible aimait sentir le vent sur ses plumes et voir miroiter le sol au-dessous de lui lorsqu'il passait au travers d'un rayon de lumière. A la lumière de la lune chatoyaient des petites taches bleues sur les tapis d'aiguilles de sapin loin en dessous de lui. Le jour, le soleil faisait miroiter les jeunes pousses d'un ton doré.

Étrangement, l'oiseau ne croisait personne sur sa route. Bien sûr, il y avait quelques moucherons et autres insectes, mais définitivement rien de plus gros. Invisible ne s'en préoccupait pas : il cherchait la Sage Vieille, pas des autres oiseaux ou oiselles qui allaient se moquer de lui. Ah ! qu'il était content d'être seul. C'était la première fois de sa vie que personne ne le regardait avec des yeux étonnés lorsque subitement il apparaissait dans un rayon de soleil. Que personne ne sursautait quand il disparaissait, la lumière cachée par les nuages. Pour une fois, il se sentait vraiment et pleinement lui, tout simplement.

Au bout de quelques jours de voyage, Invisible sentit comme une boule au fond sa gorge. Au début, il ne lui prêta pas attention. Il se disait que c'était juste un insecte qu'il avait mal avalé. Mais, au fil des jours, la sensation devenait de plus en plus gênante, et prenait de plus en plus de place dans ses pensées.

Alors, à l'aube de son 7ème jour de vol dans la forêt, Invisible se posa sur une souche et se força à réfléchir. Il ferma les yeux, détendit ses muscles et écouta les craquements des arbres, le bruissement des feuilles et le doux murmure d'un ruisseau passant non loin de là. Il essayait de comprendre ce qui lui arrivait. Mais, rien à faire, il avait beau réfléchir et réfléchir à n'en plus pouvoir, il ne comprenait pas. De plus, il commençait à̀ avoir faim. Il défit alors son baluchon et piqua quelques graines qu'il avait récoltées avant de partir.

C'est alors qu'au milieu des graines, Invisible découvrit une petite pierre rouge.

"Tiens, c'est étrange, cette pierre, il ne me semble pas l'avoir ramassée.... " s'interrogea-il tout haut.

Ne sachant qu'en faire, il la posa au creux de sa main, où elle s'insérait parfaitement. A peine posée dans sa paume, la pierre rouge commença à chauffer de plus en plus et prit une couleur plus vive, plus ... lumineuse. Invisible ne pouvait plus détacher ses yeux de la pierre, qui soudainement se mit à bouger. Subjugué, le jeune oiseau n'osait pas bouger. Il ne pouvait détacher les yeux de cette lumière étincelante. Lentement, la pierre se déplia et apparut un minuscule petit oiseau sans ailes. Il avait la tête rouge, mais tout le reste de son corps brillait avec une intensité qu'Invisible n'avait jamais vue. Intrigué, il se pencha vers le petit oisillon et lui demanda :

"Qui est-tu donc ?"

Une petite voix pétillante de bonheur lui répondit : "Je suis toi"

Interloqué, Invisible crut avoir mal entendu. Il regarda donc l'oisillon de plus près :

"Mais... Comment peux-tu être moi, si je suis moi-même moi?"

L'oisillon lui dit alors:

"Je suis ta liberté́!"

Invisible, qui n'était de loin pas un imbécile, réfléchit longuement à cette étrange réponse, puis il répondit :

"Alors je t'emmène avec moi" et il se releva, refit son baluchon et repartit, l'oisillon trônant fièrement sur son épaule.

Après quelques jours, Invisible sentit à nouveau une boule se former dans la gorge. Cette fois, la sensation était plus douce, plus ... liquide. Il se atterit douchement sur une souche, défit son baluchon et quelle ne fut pas sa surprise quand il découvrit à l'intérieur une pierre bleue, qu'il inséra dans sa paume. Aussitôt, elle se mit à miroiter, comme si sa membrane était liquide. Invisible était hypnotisé et ne sursauta même pas quand la pierre se mit à tressauter pour former un nouvel oisillon, la tête bleue et le corps tels des perles de rosées. Invisible le regarda intensément et demanda, de doutant de la réponse.

"Et toi, qui es-tu?"

L'oisillon, timidement, leva ses yeux turquoises vers lui:

"Je suis toi."

Invisible hocha la tête.

"Mais qui es-tu d'autre?"

"Je suis l'amitié́."

Invisible le prit délicatement et le déposa sur son baluchon, au coté du petit oisillon rouge et reprit son chemin.

C'est ainsi que, jour après jour, Invisible trouva de nouvelles pierres dans son baluchon. Il rencontra "amour", "sagesse", "honnêteté́", "pardon", "colère", "tristesse" et bien d'autres encore.

Au crépuscule de son 17ème jour de voyage, il lui sembla entendre des bruits. Il tendit l'oreille et reconnu des bruissements d'ailes, des chuchotements et des petits couinements. Après avoir dépassé un arbre, une clairière rayonnante de vie s'ouvrit devant lui, bourdonnante d'oiseaux sans ailes. L'un d'eux vint se poser devant lui.

"Mais... Mais tu es Invisible ! Que t'est-il arrivé ? Tu possèdes le plus beau plumage que je n'aie jamais vu !" Une jolie oiselle venait de s'adresser à lui.

Il baissa les yeux sur son corps. Ça alors, c'est vrai que son plumage brillait de milles lueurs. Il n'était pourtant pas dans un rayon de soleil. Et cette oiselle, il la connaissait : c'était sa voisine. Interloqué, Invisible regarda autour de lui. Aucun doute, il reconnaissait chaque arbre et chaque souche : il était de retour chez lui.

Tous les oiseaux, oiselles et oisillons se précipitaient autour de lui, piaillant de questions sur sa belle parure. Jamais auparavent ne s'était-il senti aussi intéressant. Mais il ne savait pas lui-même ce qui lui était arrivé. A peine cette pensée avait germé dans son esprit qu'il comprit. La Sage Vieille, il l'avait finalement croisée. Et elle l'avait bien aidé. Elle lui avait permis de se trouver lui-même et ainsi son plumage de se colorer. Tous les oisillons étaient bien "lui" !

Alors, main dans la main avec la jolie oiselle, il s'élança vers les cieux, monta, monta, monta jusqu'à̀ la cime des arbres Lorsqu'il les survola enfin, il déploya ses ailes imposantes et son plumage chatoyant de mille feux !

Invisible comprit enfin ce qu'était le bonheur.

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