MORWEN

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Le voile de la nuit était tombé depuis plusieurs heures sur le désert de sable, et les étoiles, témoins du passé et spectateurs des événements à venir, observaient la bataille en pleurant des larmes de magie. Morwen, pieds nus, au milieu des cadavres qui jonchaient le sol, comme insensible à la débâcle qui l’entourait. La guerre durait depuis longtemps, ses oreilles étaient habituées au bruit du fer que l’on croise et ses yeux au sang qui coulait des mortelles blessures.

La femme avait l’allure d’un spectre. Le vent secouait le sable et pourtant ses yeux n’étaient pas irrités. Ses cheveux noirs demeuraient immobiles et ses lèvres rouges hermétiquement closes. Blafarde, on aurait dit qu’elle sortait tout droit du monde des fées. Morwen avançait tout simplement au milieu du champ de bataille sans que quiconque ne fasse attention à elle, ce qui était réciproque. Elle marchait sans dévier de sa route, sans savoir exactement quelle était sa destination, ou l’objet de sa quête.

Au-dessus des cadavres, un corbeau volait en formant des cercles au-dessus de Morwen. Il piaillait sinistrement, ses ailes battant provoquant des bourrasques telles qu’on aurait pu l’assimiler à un dragon.

Bientôt devant Morwen se dessina le Roc. C’était un pic rocheux semblable à une main dont les cinq doigts s’élevaient en pointes vers le ciel. Il était gris, morose, et solitaire au milieu du désert. Tout autour, un brouillard épais recouvrait le sable et les corps sanguinolents. C’est par ici que se dirigea Morwen. Elle posa le pied sur la pierre rêche sans ressentir aucune douleur, puis elle commença l’ascension. À ce moment, un vent plus fort encore se leva, faisant battre puissamment les pans de sa robe et de la cape qui lui couvrait les épaules. Il ne lui fallut guère de temps pour atteindre le sommet.

C’était un véritable carnage. L’air empestait l’urine, le sang et la sueur, et le vent transportait les échos des cris et des râles de souffrance. Ce n’était pas un endroit agréable, Morwen en avait tout à fait conscience, pourtant elle demeurait certaine que sa présence ici était prévue depuis bien longtemps. C’était ainsi que l’avait décidé la Bonne-Marche-Des-Choses, et que pouvait une simple humaine face aux caprices du destin ?

Morwen baissa le regard vers les vagues de sable en contre-bas. Là, au milieu du brouillard qu’elle dissipa d’un geste autoritaire de la main, apparut un homme blond qui tenait une épée en or. Il leva les yeux et croisa ceux de la magicienne, et ce que l’on pouvait lire dans le regard de chacun d’entre eux était indescriptible. C’était un mélange de peur, de tristesse, de colère, mais aussi de joie et d’allégresse. C’était un sentiment qui n’avait aucun sens.

Morwen écarta les bras, les doigts presque tendus, et tout autour d’elle apparut des fils d’obscurité qui vint s’entourer autour de sa silhouette. L’homme maintint sa garde, serrant son épée dans ses mains, tandis que la magicienne s’apprêtait à déployer toute sa magie.

Ils allaient gagner cette guerre, quel qu’en soit le prix.

Alors l’orage éclata au-dessus du champ de bataille, et lorsque Morwen se réveilla dans son lit, loin du désert, un éclair silencieux zébra le ciel au dessus du Château Suspendu.

Il faisait encore nuit au-dessus de la cité de Trevena, Morwen eut ainsi davantage de mal à s’extirper de son songe. C’était peut-être mieux ainsi, songea-t-elle, car elle se leva de son lit, vêtue d’une simple robe de chambre, et se dirigea tout droit vers le bureau de droite. Il y avait là, dans les tiroirs, une multitude de carnets reliés de cuir. Elle s’empara du premier, celui dont les pages n’étaient pas encore totalement recouvertes d’encre.

Confortablement installée, Morwen entreprit de décrire son rêve le plus fidèlement possible, comme chaque matin avant que n’intervienne sa camériste. Depuis sept ans qu’elle faisait chaque nuit le même songe, elle avait du mal à ajouter de nouveaux détails, mais Morwen avait la certitude en son âme que le moindre mot aurait, un jour, une importance capitale. Ainsi, depuis sept ans les carnets de cuir s’accumulaient, et chaque matin les mêmes mots décrivaient les mêmes visions prophétiques.

Car Morwen était dotée du don de prescience. Le jour où Viviene lui avait expliqué que les visions qu’elle avait dans son sommeil n’étaient pas de simples tours de son imagination, la jeune fille qu’elle était alors s’était réjouie de pouvoir prédire le futur. Elle ne s’attendait pas à ce que ce soit chaque nuit les mêmes images terrifiantes de bataille obscure. Ne demeurait qu’une seule question qui l’intéressait vraiment : qui était l’homme qu’elle ne cessait de voir ?

Morwen avait fait faire des dizaines de portraits de cet inconnu. Qui était-il ? Ou plutôt, qui était-il pour elle ? Cette question la hantait depuis des années.

Son travail terminé, Morwen se releva. La chambre de la princesse était l’une des plus grande pièce du Château Suspendu. De forme circulaire, on y accédait par une porte au milieu de l’escalier en spirale qui menait à l’étage inférieur. Au sud comme au nord, deux immenses balcons laissaient entrer un courant d’air qui faisait voler la multitude de tentures noire et or. Morwen se dirigea vers le balcon nord et porta les yeux sur la Mer de Dünn, là où au loin, trop loin pour des yeux humains, se trouvait un vieux continent que jamais Morwen ne visiterait.

Le Château Suspendu tirait son nom de sa hauteur. Ses sept tours et son large jardin intérieur avaient été bâtis sur une ancienne forteresse naine, abandonnée bien avant l’arrivée des humains au nord du Continent. Quand les navires venaient de la mer, les marins pouvaient alors admirer d’immenses vagues s’écraser sur une formidable falaise ; une falaise qui avait été taillée en un trésor d’architecture. Une multitude d’arcades, de piliers, de fresques et de ménianes. Et à l’intérieur, un véritable réseau de galeries si large que même après trois cents ans que la maison Héliosi régnait sur le château, de nombreuses pièces demeuraient vides. C’était, à dire vrai, l’une des plus grandes merveilles qui soit.

Le bruit de la mer qui venait frapper contre la falaise avait toujours rassuré Morwen. Elle dormait à ce son, se réveillait à ce son, et travaillait à ce son. Le vent qui entrait en faisant voler les rideaux était rafraîchissant en ce mois de juin, où la chaleur devenait insoutenable. En cette saison, la cheminée, dans la chambre de la princesse, était la seule à être allumée, car Morwen savait transformer le feu en glace et qu’il rependait dans la chambre un froid tout à fait agréable.

Et alors que Morwen regardait la mer, elle se surpris à repenser à l’île d’Avéa, à sa tante Viviene et aux dix années qu’elle avait passé là-bas. Chaque fois que ces souvenirs lui revenaient, c’était un véritablement déchirement qu’elle ressentait dans sa poitrine, au niveau du cœur. Trois années s’étaient écoulées depuis son retour au royaume de Kolchie, et depuis ces trois années elle se sentait comme une intruse. La princesse héritière du trône qui détestait tout ce que représentait le fait d’appartenir à une lignée royale. Bien mieux valait, à son sens, vivre recluse dans le sanctuaire des magiciens, loin de tout, dans le calme et la sérénité, où elle pouvait développer sa magie à son aise.

Le soleil commença son ascension. Bientôt, Kellwen, la camériste de la princesse, se présenta à la porte de ses appartements. Elle ne fut pas surprise de la voir déjà levée, car cela arrivait tous les jours. Par habitude elle commença par remplir la baignoire d’une eau bien chaude, aida Morwen à retirer ses parures et à se glisser dans le bac. La princesse laissa échapper un soupir d’aise en se fondant dans l’eau propre, bien qu’encore brûlante.

Tandis que Kellwen s’affairait dans la chambre, Morwen observa les tentures qu’elle avait fait accrocher la veille au-dessus du bureau qui présentait un fragment de miroir entouré d’un cadre d’or. La tenture provenait des provinces d’Ixlandia, ses couleurs étaient vives au début, puis de plus en plus sombres à mesure que se déroulait la Grande Terreur de Ch’Glanna, la fin de la guerre entre la Kolchie et la Loegrie, remportée grâce aux pouvoirs de la reine Frygienne. La mère de Morwen, Prêtresse d’Avéa elle-aussi avant d’accéder au trône, avait sacrifié l’immortalité qui caractérisait leur ordre en faisant usage d’un Sort Noir. Un sortilège qui avait carbonisé plus de la moitié de l’armée de Silveria de Lohr, l’Usurpatrice de Loegrie. Sur cette tenture était représenté le début de la mortalité de Frygienne. Sept ans plus tard, elle mourrait paisiblement dans son lit.

— Vous avez servit ma mère avant moi, n’est-ce pas ? demanda Morwen à sa camériste.

— Oui, pendant dix ans, Votre Altesse.

— Vous l’avez vu vieillir, dans ce cas.

Un silence précéda la réponse.

— Oui.

— Comment était-ce ? Douloureux ? Rapide ? A-t-elle changé pendant qu’elle faiblissait ?

— Non, Dame Morwen. Votre mère est restée la même. Elle était très gentille, la plus bonne d’entre-toutes. Tout le monde l’adorait. Mais elle a vieillie vite, oui. Dans les couloirs, on raconte que c’est parce-qu’elle utilisait souvent sa magie. Que si elle s’en était abstenue, elle aurait vécu quelques années supplémentaires. Mais ne ne savons pas grand-chose de la magie.

— En effet, vous ne savez pas grand-chose, murmura Morwen.

Plus tard, Morwen descendit de la Tour de la Corneille. La forteresse était gigantesque. De là, il était facile de se prendre pour un dieu, ou une entité supérieur au reste du monde. La Salle de Banquet pouvait accueillir trois-cents à quatre-cents personnes si on les y entassait juste un peu, et une succession de couloirs arpentaient tous les bâtiments et les tours, elles-mêmes reliées entre-elles par des ponts arqués faits de pierre grise.

Morwen passa par le cloître, à l’intérieur duquel se trouvaient les jardins royaux et en son centre, la Souche, et rejoignit d’un pas calme la Tour de la Pie, qui était la plus petite des sept tours du Château Suspendu, mais également la plus profonde. À moitié encastrée dans le château, creusée et taillée à même la roche de la falaise. Tout en bas se trouvaient les Galeries Blanches et le port caché, réservé à la famille royale et aux invités de marque.

Mais ce n’est pas ici que Morwen se dirigea. Elle s’enfonça plutôt profondément dans les couloirs souterrains jusqu’à atteindre la Bibliothèque, un endroit immense, caché sous terre, aux murs recouverts d’ouvrages plus ou moins anciens. Ici, l’odeur iodée était un peu moins forte, et les courants d’air quasi-inexistants. L’obscurité dominait, néanmoins, mais les torches s’allumaient de flammes bleutées sur le passage de la magicienne.

Morwen adorait la Bibliothèque. Celle-ci prenait la forme d’une succession de pièces triangulaires qui se rejoignaient en un cercle parfait, juste en dessous de la Tour du Phénix, la plus imposante des sept. On racontait dans les rues de la cité que le château comportait de nombreux passages secrets ; si c’était effectivement une vérité connue, Morwen doutait qu’on connaisse les secrets de cette bibliothèque. Il y avait un passage, notamment – une pièce que personne ne connaissait – que Morwen gardait précieusement pour elle. Elle savait que, s’il devait arriver quelque chose un jour, c’était l’endroit idéal où mette à l’abri ses biens les plus onéreux, et surtout les plus mystérieux.

Comme chaque jour, Morwen passa la mâtinée entourée par les livres. Il y en avait de toutes sortes : des volumes d’histoire et de cartographie, des études sur les créatures merveilleuses du continent, ou plus précisément sur celles de Kolchie avant la Grande Migration. Ceux qui intéressaient le plus Morwen étaient écrit dans la langue des fées, cet alphabet runique qui tourbillonnait aux yeux des profanes. La princesse parvenait à les lire aussi aisément que n’importe quel autre texte.

De loin, bien qu’étouffée, on pouvait encore entendre la musique des vagues. Morwen tourna une page de son livre et observa l’arbre qui était minutieusement dessiné dessus. S’élevant au milieu d’un cloître, des fleurs de Tolhia coloraient son feuillage. Leurs pétales avaient la couleur ambrée caractéristique de l’ancien blason de la maison Héliosi. Après que l’arbre ait été abattu, et que toutes les fleurs de Tolhia eurent disparu du jardin royal, la couleur ambrée avait été remplacée par l’or de Calatbrig, l’une des Épées Sacrées. L’épée plantée dans la souche, et l’épée que tenait dans ses mains l’homme dont Morwen rêvait toutes les nuits.

Calatbrig, l’épée à la lame d’or. Selon la légende, avec Hauteclaire l’épée d’argent et Douloureuse l’épée de cuivre, elles formaient les trois armes forgées dans le souffle du dragon rouge. Il n’existait guère d’objet plus précieux que ces épées, mais à la connaissance de Morwen, seule Calatbrig était connue du monde. Elle avait été offerte par Viviene en cadeau de mariage, lorsque sa sœur Frygienne avait épousé Éétren. Viviene avait ensuite planté l’épée dans la souche de l’arbre et prononcé un sortilège empêchant quiconque de la retirer un jour.

Mais alors, se répétait Morwen, que fait-elle dans la main de cette homme ? Comment cette épée va-t-elle quitter la souche ?

Chaque jour ce même rêve, et chaque jour ce même visage qui lui troublait l’esprit.

Morwen passa toute la mâtinée cloîtrée dans les bibliothèques. Puis, dans l’après-midi, et comme chaque jour depuis ces trois dernières années, les trois étages de la Tour de la Mésange étaient tourmentés par les cris de protestation d’une jeune fille. La tour n’était ni la plus ancienne, ni la plus improbable du château. Seulement, ses derniers étages, de forme circulaires, comme la plupart des autres pièces du castel, étaient complètement vides, à l’exception d’une table, de quelques livres et de rares mannequins de paille et de bois.

Morwen était tenue d’apprendre, comme sa tante l’avait fait avec elle par le passé, l’art de la magie à sa petite sœur. Or, la princesse Nimua était dotée de cordes vocales tout à fait impressionnantes.

— Recommence, commanda Morwen.

L’héritière tira sur son porte-cigarette et expira un petit nuage de fumée ocre.

Nimua lui adressa un regard farouche, puis se concentra de nouveau sur le brasero éteint au milieu de la pièce. Dans ses yeux crépitait la lumière de la magie, pourtant, aussi longtemps qu’elle observa les cendres rougeoyantes, aucune flamme ne s’alluma.

— Ça ne marche pas ! s’agaça Nimua.

— Alors recommence.

— Pourquoi ?

Une colère sourde grondait dans la voix de l’enfant. Petite et mince, elle avait du chat ce que Morwen avait du corbeau, ce qui signifiait aucune appétence pour les arts mystiques et féeriques. La jeune fille s’ennuyait ferme pendant ces heures d’étude, ce qui avait le don de courroucer Morwen, pour qui ces arts formaient ce qu’il y avait plus intéressant en ce bas-monde.

— Pourquoi je devrais apprendre la magie ? insista Nimua. Tu sais déjà tout faire ! Quel intérêt…

— L’intérêt, l’interrompit Morwen, c’est que les sorcières, les magiciennes, les Prêtresses, ne sont pas immortelles. Fortes, oui. Courageuses, bien sûr. Téméraires, encore plus. Je suis peut-être destinée à rester bloquée sur le trône, mais je ne suis à l’abri de rien, comme notre mère avant moi. Alors il faudra que tu sois là pour prendre la relève, et sans magie Silveria ne fera qu’une bouchée de toi. Et de tout le royaume avec !

— Je ne veux pas être une reine, rétorqua Nimua. Je ne suis pas comme toi.

Morwen tira de nouveau sur son porte-cigarette. La fumée ocre qu’elle expira vint s’enrouler autour de son cou comme une écharpe. Un serpent, aurait sûrement pensé Nimua. Morwen s’amusait de la rancœur de sa petite sœur. Elle s’en amusait parce-qu’elle ne la trouvait pas méritée. Nimua avait beau agir comme si elle n’avait que faire des pouvoirs de sa sœur, Morwen savait qu’elle jalousait son apprentissage sur l’Île d’Avéa. Et Morwen jalousait sa présence au chevet de leur mère le jour de son trépas.

Si le roi et feue la reine ne l’avaient pas exigé, aucune d’elles ne serait présente ici, et leurs rôles aurait sûrement été inversé.

— Prie pour que ça n’arrive jamais, dans ce cas, répondit froidement la Prêtresse. Mais en attendant, tu dois t’entraîner.

Il y avait une grande différence entre les deux jeunes femmes. Dans leur posture : l’héritière royalement installée sur son siège et l’adolescente qui ne cessait de bouger, comme mue par une énergie impossible à contenir. Et dans leur tenue, également : la robe noire et or, corseté, de Morwen, ses cheveux noirs comme le plumage d’un corbeau retenus par une tiare de citrine, de topaze et de jade, quand Nimua portait de vieux vêtements qu’elle n’acceptait de changer que dans de rares occasions.

Les deux sœurs ne se ressemblaient pas. Nimua n’en n’avait que faire de son apparence, elle se contentait de ce qui était imposé par son rôle, là où Morwen se plaisait à tresser sa chevelure, à éclaircir son teint de porcelaine et à donner à ses lèvres un rouge de baie.

— J’ai fais le plus facile en allumant les braises, dit Morwen. Il te suffit de les attiser pour faire apparaître des flammes.

— Mais c’est si difficile…

— Difficile n’est pas impossible. (Morwen se redressa sur son siège, tira sur son porte-cigarette et parla dans un nouveau nuage de fumée :) Le feu est le plus compliqué des éléments à maîtriser. Tu sais déjà manier l’eau, jouer avec l’air et faire naître des fleurs dans une terre quasi-stérile. Après trois ans d’efforts, ce n’est vraiment pas le moment de baisser les bras.

Nimua prit un air renfrogné. Sûrement se retenait-elle de répliquer qu’elle n’avait jamais voulu apprendre tout ça, mais Morwen venait de marquer un point : après trois ans d’entraînement, elle n’était plus à quelques efforts près.

Nimua ne voulait pas apprendre la magie. Cela ne l’intéressait pas – ou plutôt cela ne l’intéressait plus. Il s’agissait d’un rêve qu’elle avait pu avoir par le passé et sur lequel elle avait fait une croix. La princesse était une jeune fille sauvage qui aimait découvrir le château, grimper aux murs, marcher sur les poutres avec adresse. De tous les habitants du castel, elle était sans doute la seule à pouvoir se venter mieux connaître que Morwen les passages secrets de Trevena – du moins ceux qui n’exigeaient pas une assistance magique. Si elle mettait autant de temps à apprendre l’art de la magie, ce n’était pas par stupidité, mais simplement par manque d’envie. Morwen était certaine qu’en cas de guerre, elle trouverait davantage sa sœur une épée ou un arc dans les mains, plutôt qu’une boule de feu vivotante entre les doigts.

La pièce embaumait les effluves d’alhidés et de wynarias. Nimua détestait cette fragrance. À vrai dire, elle semblait détester tout ce qui lui rappelait sa sœur. Son parfum, la fumée de la cigarette qu’elle s’amusait à fumer à chacune de leurs séances d’études. Morwen ne cachait pas qu’elle prenait sa sœur pour une petite fille bien trop gâtée, et il lui arrivait parfois de tout faire pour l’agacer.

Morwen n’avait aucune envie de paraître gentille ou attentionnée. Elle avait grandit avec sa tante sans que jamais leur lien familial ne soient prononcé. À Avéa il n’y avait que Morwen, Viviene et Lancelaad. Personne n’était personne, et tout le monde était tout le monde. Seuls les noms demeuraient. Ici, à Trevena, Morwen s’était retrouvée héritière du trône, fille d’un homme qu’elle ne parvenait pas à apprécier, d’une sœur qu’elle ne connaissait guère, et de toute une cour qui la copiait et désirait plus que tout autre chose entrer dans ses bonnes grâces. Parfois, elle se surprenait à les appeler les « toutous de la cour royale ». Ce n’était pas bon, ni avenant, ni rien que ce fut de gentil. Morwen était de retour au château depuis trois ans et elle détestait tout ce que cela représentait. À bien des égards, son plus proche désir était de retourner auprès de sa tante et de demeurer Morwen, Prêtresse d’Avéa.

— Continue, commanda-t-elle avec un soupir résigné. Tu vas y arriver.

Peut-être Morwen pouvait-elle faire un effort. Être davantage cette grande-sœur aimante qui soutiendrait les efforts de la gamine. Peut-être pouvait-elle essayer – ça n’aurait pas été la première fois. Et si ce n’était pas la dernière ?

— Regarde, dit-elle d’une voix un peu plus douce. Fais comme moi.

La leçon repris.

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