Le charme latino

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- Ca marche. On se retrouve devant l'immeuble.

Je raccroche et enfile mon grand manteau noir. Cette petite soirée s'annonce des plus plaisantes. J'attends patiemment devant l'ascenseur. Je ne suis pas pressé à vrai dire. Comme bien souvent, j'ai de l'avance sur mes rendez-vous. Les portes s'ouvrent.

- Bonsoir.

Il y a quelqu'un. Comme tout être humain, je n'aime pas beaucoup qu'un inconnu soit présent en même temps que moi dans l'ascenseur. Cela crée toujours ce malaise insupportable où personne n'ose parler hormis pour dire "bonjour", "bonsoir" et, si on a un peu de chance, "bonne journée !". Mais à y regarder de plus près, il s'agit de Camilia, une des habitantes de l'immeuble qui vit un étage au-dessus. Elle est le cliché parfait du fantasme de la latina tout droit sortie d'un soap opéra d'Amérique du sud : des lèvres pulpeuses, un regard de braise, des formes bien généreuses et un charisme naturel qui ne passe pas inaperçu. Je pense que tout le monde la connait dans l'immeuble. Elle attise beaucoup d'envie chez les hommes, beaucoup de jalousie chez leurs femmes. Ce que j'en pense ? Que les nombreuses rumeurs racoleuses à son sujet ne sont pas fondées. Mais qui sait ?

En jetant un coup d'oeil discret, je remarque qu'elle est très élégante ce soir. Elle aussi vêtue d'un bel ensemble noir, nous aurions fait un couple très assorti. Elle me lance un regard. Je souris bêtement. Merde, je vais passer pour quoi ? Tout à coup, une secousse nous projette presque à terre. Qu'est-ce que qu'il se passe ? Je m'approche du tableau de bord et appuie sur les boutons. Aucun ne réagit. J'appuie sur le bouton d'urgence.

- Oui bonjour ? fait une voix dans le haut-parleur.

- Bonjour, l'ascenseur vient de se bloquer et aucun bouton ne fonctionne. Qu'est-ce que nous devons faire ?

- Une minute je vous prie...

Il revient rapidement vers moi pour me demander quelques détails comme le nombre de passagers présents dans l'ascenseur. Il finit par nous dire de patienter car la seule équipe disponible dans le secteur doit finir une intervention ailleurs avant de venir nous voir.

Les minutes passent et j'ai l'impression que rien n'avance. Je fais les cent pas. Cette soirée ne s'amorce pas si bien que cela finalement. Je suis tenté de rappeler le mec à plusieurs reprises pour presser les choses, mais à chaque fois je me souviens qu'il n'y a rien de plus chiant qu'un mec qui vous harcèle alors que vous ne pouvez rien contrôler. Putain, que j'ai chaud tout d'un coup. Agacé, je pose mon manteau sur la barre de l'ascenseur mais cela ne suffit ni à me calmer ni à me rafraîchir.

- Vous devriez vous asseoir. Je ne pense pas qu'ils seront là avant un moment. Vous avez entendu le monsieur tout à l'heure.

Camilia s'était assise peu de temps après notre conversation avec le gars de la maintenance. Je m'assois à mon tour.

- Camilia, me lance-t-elle.

Je la regarde avec étonnement.

- Je me disais que nous pourrions peut-être faire connaissance avec tout le temps que nous avons devant nous.

- Oh. Michaël, enchanté. Je crois qu'effectivement nous n'avons pas eu l'occasion d'échanger depuis que nous vivons ici.

- Je pense que vous êtes le seul homme de l'immeuble qui n'est pas encore venu m'aborder, rie-t-elle.

C'est gênant, surtout quand on sait que je dois être un des plus jeunes parmi les hommes adultes de ce bâtiment.

- Qu'est-ce que vous faites dans la vie ?

- Je suis juriste d'affaires.

- Ah je vois. J'ai donc affaire à un garçon sage et carré.

- Je n'ai pas toujours été comme ça, lui dis-je en ricanant. Et vous ?

Mannequin.

- Je suis prof d'espagnol.

Raté, mais ça reste cliché.

- La jolie fille qui vous accompagne souvent, c'est votre femme ?

- Lucie ? C'est ma petite-amie. Je devais la retrouver ce soir.

- Je vois.

Merde, je suis presque en train de regretter d'avoir dit cela.

La conversation se poursuit de plus belle. Je suis tellement pris dans ma conversation avec elle que le temps ne me parait plus si long. Je me suis rapproché d'elle après qu'elle m'ait sorti "tu peux t'approcher, je ne vais pas te manger". La très faible aération présente ne permet pas d'évacuer la chaleur. Je déboutonne un peu ma chemise et je sens son regard insistant. En la regardant à mon tour, je remarque à quel point le décolleté plongeant de sa longue robe noire ne cache presque rien de sa poitrine. Une petite goutte de sueur est en train de descendre tout doucement le long du galbe de son sein. C'est excitant bon sang ! Merde ressaisis toi ! Je détourne rapidement le regard droit devant moi. Cela n'a pas duré plus de deux secondes mais je pense qu'elle m'a vu.

- Tout à l'heure, tu disais que tu n'avais pas toujours été comme cela, me dit-elle en se penchant vers moi. Qu'est-ce que tu voulais dire ?

Est-ce qu'elle est devenue ultra sensuelle ou est-ce mon excitation qui me joue des tours ?

- Oh et bien, quand j'étais plus jeune j'étais un vrai caïd. Je passais mon temps à me battre dans la rue avec ma bande, à être vulgaire, à dealer et coucher avec tous ces femmes trop faciles à convaincre ou celles qui avaient fait une religion de se faire - pardon pour le language - "démonter" par le premier venu. Quand j'en ai eu marre de tout cela, je me suis sérieusement mis aux études. Le plus dur a finalement été de calmer mon tempérarement sanguin mais c'était nécessaire, autant pour le travail que pour se poser dans une relation stable.

Elle caresse la peau nue de son décolleté. Mon histoire ne l'a tout de même pas excitée, si ? Elle commence sérieusement à se coller contre moi.

- Comment se fait-il que tu ne sois jamais venu m'aborder ? dit-elle en faisant glisser ses doigts sur mon torse. Tu es trop rangé maintenant ? Ou est-ce que je ne suis vraiment pas à ton goût ?

Elle me prend au dépourvu. Cette fois c'est sûr, elle a vraiment pris une voix mielleuse. Comme si l'excitation avait pris le dessus et qu'elle était déjà en transe. Elle soulève un peu sa robe pour se mettre confortablement à califourchon sur moi. Je suis sérieusement en train de perdre le contrôle de la situation. Bordel, il fait trop chaud ! Elle saisit ma main et la presse contre son sein.

- Pourtant, tes yeux avaient l'air attiré par mes seins tout à l'heure.

Merde, je suis fait. Je détourne le regard gêné.

- Oh tu fais le timide maintenant ? Je trouve cela terriblement excitant.

Elle s'approche de moi avec son sourire de prédateur qui a pris sa proie au piège et m'embrasse fougueusement. Son rouge à lèvres à un joli goût de framboise. A cette allure, je vais sombrer. Je la repousse gentiment.

- Non, je ne peux pas. Je suis désolé.

- C'est tout à ton honneur. Mais ta main sur mes hanches tient un autre discours.

Donc j'en suis vraiment au point où je ne me rends plus compte de ce que je fais ?

- Michaël, cela fait un moment que je t'observe. Tu crois que tu t'es rangé mais c'est faux. L'homme que tu as été émane malgré toi de l'aura que tu dégages. Et c'est terriblement excitant. Elle passe ma main sous sa robe pour que je touche directement son sein et mon dieu que c'est doux ! J'en étais presque vexée que tu esquives mes regards dans le hall de l'imeuble.

Elle va me rendre fou. J'ai été impeccable jusqu'à maintenant et je vais de nouveau sombrer à cause d'une panne d'ascenseur ? Et en même temps, j'ai tellement de mal à lui résister. Elle aurait été exactement la reine que je me serais choisi à l'époque. L'image de Lucie me revient en tête. J'utilise mes dernières forces pour nous redresser. Appuyée contre le miroir, elle m'appelle du regard et m'attire contre elle en attrapant ma chemise. Elle ne lâchera donc jamais l'affaire.

- Tu veux lutter mais tu devrais voir ton visage.

Mon souffle est court et le sien aussi. Je n'en peux plus. J'attrape ses mains, les plaque contre le miroir et m'empare de ses lèvres. Elle croise une jambe autour de mes hanches. Le message est clair. Elle parvient à déboutonner ma chemise au rythme de nos baisers. Je remonte juste ce qu'il faut de sa robe pour toucher au fruit interdit. C'est enivrant et j'oublie tout. A ce moment-là, la seule chose qui compte à mes yeux c'est le plaisir mutuel que nous avons à nous offrir. Et ma foi, elle détient une réelle expertise en la matière. Elle se détache de mon emprise pour se poster un peu plus loin d'où elle m'appelle de ses jambes musclées. Elle se cambre en avant m'offrant une très belle vue.

- Viens à moi Michaël. On ne peut pas lutter contre sa nature.

Comment résister à un fessier pareil dans l'état dans lequel je suis ? Pardon Lucie. Je suis vraiment une sombre merde. Cette femme a fait ressortir mes vieux démons, ceux dont je ne t'ai jamais parlé. Cette femme dont le corps épouse si parfaitement le mien. Je pense qu'elle est aussi cinglée que je le suis au fond de moi. Et c'est pour cela que l'alchimie est si détonnante. Le plaisir procuré par ce retour aux abysses me fait presque perdre le peu de culpabilité qui me reste. D'un autre côté, j'en suis presque à espérer que cet ascenseur lâche prise pour ne pas vivre avec cette culpabilité (et crever dans un orgasme au passage). Soudain, l'ascenseur se remet en marche et entame sa descente vers le rez-de-chaussé alors que je suis en train de finir en elle. Merde, la lucidité me revient et il ne reste plus que deux étages. Nous n'allons jamais réussir à nous rhabiller à temps. Je m'apprête à me détacher d'elle mais quelque chose me bloque : Camilia, qui m'a attrapé par les fesses, me maintient contre elle. Elle a ce visage remplit de malice qui veut dire "tu es fait, le vrai Michaël m'appartient désormais". La tension retombe. Les portes s'ouvrent. Lucie. Merde.

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